Question de Mme KLÈS Virginie (Ille-et-Vilaine - SOC) publiée le 22/11/2013

Question posée en séance publique le 21/11/2013

Concerne le thème : La sécurité : les chiffres de la délinquance

Mme Virginie Klès. Les « chiffres de la délinquance », les « vrais chiffres de la délinquance », les « nouveaux chiffres de la délinquance »… Qu'importe le qualificatif ; ce qui choque profondément la statisticienne que je fus, c'est ce mélange de singulier et de pluriel.

S'il est un phénomène qu'il est important de qualifier et qui trouve un écho en chacun, c'est bien celui de la délinquance, phénomène de la vie courante. Quand on veut y associer des chiffres, des statistiques, il est essentiel et même primordial de préciser de quoi l'on parle. Aucun phénomène n'est plus multiforme que « la » délinquance. Il faut savoir de quels faits il s'agit, savoir quelle est leur gravité, à quel moment et à quel endroit ils ont été commis, savoir aussi quel est le ressenti des victimes... Autrement dit, les chiffres de la délinquance en tant que tels n'existent pas sur le plan statistique.

Il est temps de sortir de cette grande imposture du chiffre unique et de l'état 4001. D'énormes progrès ont déjà été réalisés sur le sujet, notamment grâce au travail de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l'ONDRP. Les progrès ont surtout été enregistrés concernant les qualifications des faits de délinquance recensés : la précision qui est désormais obtenue permet une véritable mesure des faits de délinquance sur le territoire.

Pour autant, quand on connaît l'importance qui, en statistique, s'attache à l'objectivité et à l'homogénéité de la collecte des données, on peut encore se poser des questions lorsqu'il s'agit de faits enregistrés par tel petit commissariat débordé ou par tel autre commissariat installé dans un quartier où un vol de vélo ne fait même plus l'objet d'une plainte de la part du propriétaire.

Sur l'ensemble de ces questions, monsieur le ministre, vous avez réalisé récemment un effort considérable en créant un service de la statistique interne au ministère de l'intérieur. Que peut-on attendre de ce service ? Comment va-t-il fonctionner, notamment en ce qui concerne la collecte des données ? Comment s'articulera-t-il avec l'ONDRP ? Quels meilleurs services en matière d'évaluation des délinquances peut-on en attendre ?

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2013

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Klès, la mission du ministère de l'intérieur est, bien sûr, de combattre la délinquance à partir de données fiables et connues.

Dans cette perspective, les statistiques de la délinquance remplissent deux fonctions. La première s'inscrit dans le cadre de la statistique publique : il s'agit d'informer nos concitoyens de la réalité des phénomènes délinquants et criminels. La seconde relève des politiques de sécurité : il nous faut avoir la connaissance la plus précise, la plus fine, de ces phénomènes pour orienter l'activité des forces de l'ordre.

Il est indispensable, pour atteindre ces deux objectifs, que la nature de la délinquance soit appréhendée dans toute sa diversité. C'est évidemment ce que nous souhaitons, comme vous venez de le rappeler.

On ne peut pas se contenter de données trop globales, trop imprécises, et c'est bien le défaut du chiffre unique.

La présentation habituelle des statistiques de la délinquance découle de l'exploitation d'un outil créé il y a maintenant quarante ans, l'état 4001. Le problème est qu'il n'intégrait que les faits poursuivis pénalement et ne restituait donc pas l'activité des forces de l'ordre en matière de présence et de règlement des différends. Une réflexion en profondeur a été engagée, en étroite concertation avec l'ONDRP, qui a bien travaillé sur ces questions.

Nous devons poursuivre ce travail. L'ONDRP a adopté une nouvelle présentation des statistiques de la délinquance et le ministère de l'intérieur a créé un nouveau tableau de bord, qui regroupe notamment les statistiques concernant la délinquance en quatorze agrégats, afin de moderniser les méthodes de pilotage et d'évaluation de l'activité des forces de l'ordre.

Il s'agit de mettre davantage l'accent sur les aspects qualitatifs, en mesurant par exemple la capacité des services à élucider les infractions les plus préoccupantes pour nos concitoyens ou l'apport de la police technique et scientifique dans la résolution des affaires, un apport dont nous avons pu mesurer toute l'importance au cours des dernières heures.

Enfin, l'enregistrement des faits constatés par la police et la gendarmerie connaît une profonde modernisation grâce à un nouvel outil déjà mis en place par la gendarmerie et en cours de déploiement dans la police. Il permet de lier, par un processus automatique, la prise de plainte et la comptabilisation statistique de l'infraction correspondante. Ce système permettra d'avoir des pratiques homogènes sur tout le territoire et dans tous les services et, bien sûr, il interdira toute forme de manipulation.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour la réplique.

Mme Virginie Klès. Merci, monsieur le ministre, de ces précisions. Elles me satisfont entièrement (MM. Jean-Patrick Courtois et Roger Karoutchi s'esclaffent.) dans la mesure où il me semble que le Gouvernement a pris en compte l'importance de l'outil statistique, y compris au niveau interministériel, puisque l'ensemble des projets annoncés, notamment en matière de sécurité - ce qui implique la justice et la réforme pénale - fait aujourd'hui l'objet d'une étude statistique a priori et non pas a posteriori. Cela permettra d'éviter que les chiffres soient déformés et utilisés politiquement, alors qu'ils doivent constituer un véritable outil d'évaluation des politiques publiques.

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