Question de M. KALTENBACH Philippe (Hauts-de-Seine - SOC) publiée le 22/11/2013

Question posée en séance publique le 21/11/2013

Concerne le thème : La sécurité : les chiffres de la délinquance

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la politique du chiffre et sur le rapport Rouzeau.

Pendant des années, les chiffres de la délinquance ont fait l'objet de toutes sortes d'instrumentalisations et, malheureusement, de nombreuses manipulations. Détournés de leur vocation première, ils ont été utilisés comme support de communication politique par le précédent gouvernement. (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)

M. Antoine Lefèvre. Avec vous, cela n'existe plus, évidemment ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Kaltenbach. Cela n'a pas été très efficace et les Français n'ont pas été dupes !

Cette situation anormale et nuisible à l'intérêt général a conduit à la mise en place d'une véritable politique du chiffre. En effet, à l'époque, des objectifs chiffrés de baisse de la délinquance étaient fixés aux services de police et de gendarmerie. La plupart du temps, heureuse coïncidence, ces objectifs étaient atteints… Mais au prix de quelles contorsions !

Ces contorsions ont conduit de nombreux responsables de la police et de la gendarmerie à dénoncer les pressions dont ils faisaient l'objet, lesquelles avaient naturellement des conséquences désastreuses sur le management de leurs services, leurs effectifs étant sommés de « faire du chiffre ». Or ce qu'attendent les Français, ce ne sont pas des chiffres, c'est une baisse concrète de la délinquance.

Le rapport de l'IGA relatif aux pratiques d'enregistrement des plaintes et de confection des chiffres de la délinquance, paru en juin dernier, met au jour le véritable dévoiement dont ceux-ci ont pu faire l'objet. Ses conclusions, très sévères, appellent en tout état de cause à une véritable transparence dans la production et la publication des statistiques de la délinquance.

Vous vous êtes engagé dans ce sens, monsieur le ministre, et nous nous en félicitons.

Pouvez-vous nous indiquer quelles conséquences a entraînées, selon vos analyses, la politique du chiffre dans la police et la gendarmerie ?

Mme Catherine Procaccia. C'est téléphoné !

M. Philippe Kaltenbach. Pouvez-vous, en outre, nous confirmer qu'une telle façon d'envisager les statistiques de la délinquance est désormais révolue (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.) et nous indiquer les mesures prises pour le garantir ?

Mme Catherine Procaccia. C'est un peu gros !

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2013

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai déjà évoqué ce sujet en répondant à vos collègues.

Oui, il faut un outil statistique indépendant pour mieux combattre, au fur et à mesure de sa mise en place et de la meilleure connaissance que nous aurons de la réalité du terrain, la délinquance et le crime.

Nous devons regarder les choses dans le temps.

Je prendrai un exemple peu connu de nos compatriotes : les homicides, notamment crapuleux, sont en très nette baisse depuis vingt-cinq ans : de 47 % ! On note également que les règlements de comptes ont reculé de 30 % durant la même période, une tendance qui se retrouve au cours des dernières années.

En revanche, le nombre de tentatives d'homicide a augmenté de façon importante : de 35 % entre 2007 et 2012. Cette hausse s'est interrompue en 2013, année au cours de laquelle on note que les règlements de comptes et les homicides crapuleux ont diminué.

Par conséquent, les formes de la délinquance ont évolué, tout comme son acceptabilité.

Les homicides sont certes moins nombreux, et c'est heureux, mais nous observons d'autres formes de violence, comme les violences physiques non crapuleuses, dites aussi « gratuites », dont le nombre a explosé au cours des vingt-cinq dernières années : 331 % d'augmentation !

Les violences physiques crapuleuses, les menaces, les violences sexuelles, les violences faites aux femmes ont également augmenté.

Plutôt que de « s'empailler » de manière un peu ridicule sur tel ou tel point, ce qui donne le sentiment d'une forme d'impuissance des formations politiques qui ont gouverné le pays ces dernières années, mettons-nous d'accord, comme vous le proposez, sur un système de statistiques qui permette aux forces de l'ordre de travailler. Donnons-leur les moyens techniques, scientifiques et financiers de lutter contre la délinquance. C'est ce que je fais, souvent avec le soutien des collectivités territoriales. Il faut, également, créer des postes de policiers et de gendarmes.

Attaquons-nous aux véritables phénomènes ! Voilà comment, sur ces enjeux essentiels de sécurité, nous redonnerons confiance à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour la réplique.

M. Philippe Kaltenbach. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez été particulièrement convaincant. (Rires sur les travées de l'UMP.)

La sécurité est une préoccupation importante des Français, et ses statistiques ne sauraient faire l'objet d'une manipulation à des fins politiques.

Il y a aujourd'hui une crise de confiance envers les politiques, laquelle concerne, je vous l'accorde, tant la droite que la gauche.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault tient depuis maintenant dix-huit mois un discours de vérité à l'attention des Français.

MM. Vincent Delahaye et Joël Guerriau. Qu'il tienne plutôt ses promesses !

M. Philippe Kaltenbach. C'est aussi cela, faire de la politique : dire la vérité, ne pas manipuler les chiffres et trouver les bonnes solutions.

Je félicite le ministre de l'intérieur pour sa politique courageuse, qui vise à renforcer la sécurité des Français.

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