Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UDI-UC) publiée le 07/11/2013

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la situation d'une société de vente qui a procédé, le 12 octobre 2013, à Marseille, à la vente aux enchères de divers lots constitués d'œuvres photographiques commandées en 2005 par l'agence pour le patrimoine antique.

Cette agence avait été créée, sous statut associatif, par l'État et la région, en 2001, pour accompagner la mise en œuvre du plan pour le patrimoine antique dans la région et, notamment, pour documenter l'état du patrimoine et sensibiliser le public. Elle était, alors, subventionnée par les deux entités qui l'avaient fondée. Les commandes effectuées dans ce cadre entraient donc bien dans l'objet de la mission qui lui était ainsi déléguée par les pouvoirs publics et ce, même si la région et l'État se sont retirés de cette association en 2009.

Elle rappelle que, le 11 octobre 2013, elle avait publiquement demandé à ce qu'il soit sursis à cette vente. Cette demande est restée sans effet. Outre la mise en question de l'autorité de la ministre, cet incident pose, selon elle, deux questions :

d'une part, celle de la capacité du ministère de la culture à prendre en considération et à faire appliquer les principes du droits des auteurs. En effet, ceux-ci pensaient bien, en 2005, répondre à une commande publique pour un travail documentaire et la production d'un matériel d'exposition. Elle relève que les objets vendus ne sont ni signés ni numérotés et, pourtant, se sont retrouvés sur le marché, sans que les auteurs ou leurs ayants droit aient été consultés. Elle estime que, dans la période de fragilisation du code de la propriété intellectuelle soulignée par le rapport Lescure, ce n'est, à l'évidence, pas un signal heureux ;

d'autre part, celui de la capacité du ministère de la culture à assurer la conservation et la
gestion d'un patrimoine culturel acquis sur des fonds publics. Elle rappelle, en effet, que l'agence pour le développement et la valorisation du patrimoine n'est pas un cas isolé et que de nombreuses associations, à commencer par les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), constituent, de fait, des opérateurs importants de l'action culturelle publique.

Dès lors, elle lui demande de lui indiquer la raison pour laquelle la demande du ministère n'a pas été suivie d'effet et ce qu'elle entend faire, dans l'immédiat, pour assurer le retour dans les collections publiques du maximum des photographies concernées, pour faire droit aux légitimes préoccupations des auteurs ou de leurs ayants droit. Enfin, à plus long terme et au moment où le ministère de la culture et de la communication annonce le dépôt d'un projet de loi relatif au patrimoine, ce qu'elle compte proposer pour assurer une gestion plus transparente et plus protectrice de biens culturels acquis sur fonds publics.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 22/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/01/2014

Mme Catherine Morin-Desailly. Le 12 octobre dernier, la société de vente Leclere a procédé, à Marseille, à la vente aux enchères de divers lots constitués d'œuvres photographiques commandées en 2005 par l'Agence pour le patrimoine antique.

Cette agence avait été créée sous statut associatif par l'État et la région en 2001, pour accompagner la mise en œuvre du plan pour le patrimoine antique dans la région, et notamment documenter l'état du patrimoine et sensibiliser le public. Elle était alors subventionnée par les deux entités qui l'avaient fondée. Les commandes effectuées dans ce cadre entraient donc bien dans l'objet de la mission qui lui était ainsi, et alors, déléguée par les pouvoirs publics, et ce même si la région et l'État s'était bien retirés de l'association en 2009.

Le 11 octobre, Mme la ministre de la culture et de la communication avait publiquement demandé qu'il soit sursis à la vente, demande demeurée sans effet. Outre des interrogations quant à l'autorité du ministre, cela pose deux questions.

La première concerne la capacité de l'actuel ministère de la culture à prendre en considération et à faire appliquer les principes du droit des auteurs. En 2005, ces derniers pensaient bien répondre à une commande publique pour un travail documentaire et la production d'un matériel d'exposition.

Les objets vendus ne sont ni signés ni numérotés. Pourtant, ils se sont ainsi retrouvés sur le marché sans que les auteurs ou leurs ayants droit aient été consultés. Vous en conviendrez, dans une période de fragilisation du code de la propriété intellectuelle, soulignée par le rapport Lescure, ce n'est à l'évidence pas un signal heureux.

La deuxième question est celle de la capacité du ministère à assurer la conservation et la gestion d'un patrimoine culturel acquis sur fonds publics. Je le rappelle, l'Agence pour le développement et la valorisation du patrimoine n'est pas un cas isolé ; de nombreuses associations, à commencer par les fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC, constituent de fait des opérateurs importants de l'action culturelle publique.

Pourquoi la demande de Mme Filippetti n'a-t-elle pas été suivie d'effet ? Que compte faire la ministre dans l'immédiat pour assurer le retour dans les collections publiques du maximum de ces photographies, afin de faire droit aux légitimes préoccupations des auteurs ou de leurs ayants droit ? Enfin, à plus long terme, et alors que l'on annonce le dépôt d'un projet de loi relatif au patrimoine, que compte proposer le Gouvernement pour assurer une gestion plus transparente et plus protectrice de biens culturels acquis sur des fonds publics ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mes collègues Aurélie Filippetti, Fleur Pellerin, Arnaud Montebourg et Philippe Martin ne pouvant pas être présents à cette séance de questions orales - certains sont retenus par les vœux du Président de la République -, ils m'ont priée de vous transmettre leurs excuses et de répondre à leur place aux questions qui leur sont adressées. Voilà pourquoi, monsieur le président, vous devrez m'écouter répondre à six questions ce matin ! (Sourires.)

Madame Morin-Desailly, je sais tout l'intérêt que vous portez au monde de la culture. Vous soulevez un problème de fond.

Il semble utile de revenir sur les circonstances d'une affaire qui avait quelque peu défrayé la chronique.

À la fin du mois de septembre, les présidents respectifs de la Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe et de l'Union des photographes professionnels avaient informé le ministère de la culture que l'Agence pour le développement et la valorisation du patrimoine projetait de vendre aux enchères, le 12 octobre, une série d'œuvres photographiques réalisées en 2005 dans le cadre d'une commande intitulée Monuments et paysages. Il semble que ce projet visait à reconstituer les fonds propres de l'association, menacée de règlement judiciaire par suite d'une baisse importante de ses subventions publiques.

L'analyse juridique menée par les services du ministère a conclu que le projet de mise en vente ne contrevenait ni à la loi ni aux engagements ayant pu être pris par l'Agence auprès des auteurs au moment de la commande des photographies. En effet, ces œuvres ne disposaient pas du statut protégeant les collections du domaine public.

Dès lors, le ministère de la culture et de la communication a choisi de privilégier la voie du dialogue avec le président de l'association et tenté de faire surseoir à la vente.

Malheureusement, il n'a pas pu trouver de terrain d'entente et la vente a eu lieu. Les photographies ont été adjugées ; il n'a pas été possible pour l'État d'user de son droit de préemption.

Toutefois, et vous l'avez souligné, il est effectivement aujourd'hui nécessaire de prévenir la réitération de cette situation choquante au regard, notamment, des règles de conservation et de dévolution des œuvres acquises au moyen de financements publics. C'est pourquoi la ministre de la culture et de la communication a demandé à ses services d'examiner en toute urgence la faisabilité d'un aménagement de la législation sur ce point. Ce travail est en cours.

J'en viens aux fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC. L'avant-projet de loi d'orientation sur la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques contient déjà une série de dispositions ayant pour effet d'assurer l'affectation irrévocable à la présentation au public de leurs œuvres acquises avec le concours de l'État ou d'une collectivité territoriale. Voilà qui, au moins sur ce point, pourrait apporter une esquisse de solution au problème que vous avez soulevé, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je remercie Mme la ministre des éléments de réponse qu'elle vient de m'apporter.

Nous voyons bien qu'il s'agit d'une question de fond : la situation est assez choquante pour les auteurs et leurs ayants droit.

Si notre législation est déficiente, il faut se hâter de l'améliorer. On nous annonce un projet de loi sur le patrimoine et vous avez évoqué l'avant-projet de loi sur la création. Voilà des mois que nous entendons parler de ce texte, annoncé à grand renfort de tambours et de trompettes pendant la campagne présidentielle ; les milieux culturels s'impatientent. Je crois que nous attendons tous de pouvoir débattre et légiférer utilement sur ces questions.

Je suivrai avec attention l'évolution de ce dossier, et serai extrêmement vigilante quant au respect de la propriété intellectuelle et des droits d'auteur.

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