Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - UMP) publiée le 21/11/2013

M. François Grosdidier attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur la suspension, sine die, de la taxe carbone. Il estime que celle-ci constitue un échec de plus pour le président de la République qui sera parvenu, avec un Gouvernement à participation écologiste, à tuer ce projet et à dilapider l'héritage du « Grenelle de l'environnement ».

L'écofiscalité est, dans une économie de marché, le seul levier capable de changer massivement les comportements économiques et de les orienter dans un sens plus vertueux. Pour ne pas nuire à la compétitivité et, simplement, pour être acceptée, celle-ci doit s'établir à fiscalité globale constante.

Or, par les hausses incessantes et désordonnées d'impôts et de charges, déstabilisant chaque semaine davantage l'économie et l'opinion, le président de la République a réussi le tour de force de rendre inacceptable la taxe carbone qui avait recueilli, sous Nicolas Sarkozy, le consensus le plus large.

Le résultat, en Bretagne, est caricatural. Alors qu'il faudrait favoriser les circuits courts, on ferme les abattoirs et les ateliers de découpe, comme Gad, et on renonce à la taxe carbone. On tuera toujours plus, en Pologne ou en Allemagne, d'animaux élevés en Bretagne pour les ramener dans les commerces français. La Bretagne, région touristique par excellence, continuera à supporter la pollution de l'élevage intensif, tout en perdant les activités aval à plus forte valeur ajoutée. Quant à la Lorraine, elle est doublement victime.

Elle subit les pollutions du transit routier, entre l'Europe du Nord et celle du Sud, qui évite l'Allemagne et la Suisse où existe l'écotaxe. Ces pays taxent la pollution quand la France taxe la production.

L'État risque, par ailleurs, d'être condamné à indemniser Ecomouv, même s'il cherche à s'en exonérer. Mais il lui demande qui indemnisera la Moselle, censée accueillir Ecomouv en compensation des restructurations militaires.

La France est devenue un bateau ivre. Ni les Bretons, ni les Lorrains, ni leurs concitoyens ne savent où l'on va faute d'un homme pour tenir la barre. Il lui demande, dès lors, quel avenir il envisage pour l'écotaxe, la Moselle et, plus largement, la Lorraine. Il souhaite savoir si ces dernières seront, une nouvelle fois, sacrifiées, et si les emplois Ecomouv seront pérennisés ou compensés. Il lui demande, enfin, si les flux de circulation qui envahissent nos routes peuvent continuer sans la moindre compensation.

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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 16/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 15/04/2014

M. François Grosdidier. Dans la panique des manifestations bretonnes, le Gouvernement a suspendu sine die la mise en œuvre de l'écotaxe. La première déclaration de Mme Royal aura été de la condamner à l'emporte-pièce. Cette mesure, issue du Grenelle de l'environnement, avait pourtant été adoptée dans le consensus le plus large.

Elle est plus indispensable que jamais. Le dernier rapport du GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, devrait nous inciter à mettre le turbo. Or vous restez au point mort. Avouez que c'est absurde, car il n'y a que des perdants : l'environnement, les finances publiques, l'emploi, en Bretagne comme en Lorraine ou ailleurs.

La Bretagne subit les inconvénients de l'élevage intensif - la pollution de l'eau, les algues vertes,... Ce n'est bon ni pour la santé des Bretons ni pour le tourisme - et elle perd les avantages de la valeur ajoutée de la filière agroalimentaire : l'abattage, la découpe, la transformation, le conditionnement,...

Vous avez tiré de la fermeture de GAD une conclusion inverse de celle qui s'imposait. Les animaux produits en Bretagne par l'élevage intensif sont acheminés par camion, dans d'inévitables conditions de souffrance animale, en Allemagne et en Pologne pour y être abattus. Ensuite, leurs carcasses sont souvent transportées en Italie ou en Espagne, avant de revenir dans nos hypermarchés. Ce faisant, les camions contournent soigneusement l'Allemagne et la Suisse, qui, elles, taxent la pollution, et non pas le travail. Ces camions abîment les routes françaises et polluent notre air, après avoir fait, bien souvent, le plein de carburant avant la frontière.

En stoppant l'écotaxe, vous encouragez ce phénomène absurde et vous bloquez le financement de tous les projets alternatifs de transports en site propre ou de multimodalité.

Vous privez la France de 1 milliard d'euros par an de recettes d'investissement pour les grandes infrastructures de transport.

Vous privez les départements de plusieurs centaines de millions d'euros pour l'entretien des routes départementales.

Vous condamnez l'État à rembourser à Ecomouv' les investissements gâchés et les redevances perdues.

Ecomouv' sera indemnisée, mais qu'en sera-t-il de la Lorraine qui, tout en continuant à subir le transit, se voit ainsi privée des centaines d'emplois promis après les restructurations militaires ? La métropole messine a été la plus lourdement frappée de France par cette restructuration - 5 000 emplois, à comparer aux 1 500 emplois qui viennent d'être évoqués dans le Cambrésis -, qui devait notamment être compensée par l'implantation de 130 douaniers et de 250 salariés d'Ecomouv'.

Vous n'aviez rien trouvé à redire à ce dispositif avec Ecomouv' avant les manifestations des Bonnets rouges. Vous l'avez remis en cause après, pour trouver un bouc émissaire et justifier la volte-face sur l'écotaxe par de faux prétextes.

Le Gouvernement n'a jamais répondu au président de Metz Métropole ou au maire de Metz, pourtant de vos amis, sur cette question.

Chaque jour qui passe coûte de l'argent à l'État.

Chaque jour qui passe angoisse les salariés en CDI à Ecomouv' aujourd'hui au chômage partiel, accroît le désespoir des CDD non renouvelés et des chômeurs en fin de droit formés de longs mois dans la perspective d'un emploi qui s'évanouit.

Monsieur le secrétaire d'État, j'attends des réponses précises sur la façon dont le Gouvernement répondra au défi écologique de la pollution de l'air et du réchauffement climatique, à la question du financement des infrastructures de transports, à celle de sa responsabilité juridique et financière envers Ecomouv'. Surtout, comment le Gouvernement répondra-t-il à l'enjeu économique du développement des circuits courts, de la relocalisation des activités agroalimentaires en Bretagne et dans les autres régions rurales, ainsi que de la revitalisation économique de la Lorraine ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Le principe de l'écotaxe poids lourds a été voté à la quasi-unanimité dans la loi dite Grenelle 1 et sa création, dans la loi de finances pour 2009, a fait l'objet d'un large consensus parlementaire.

La pertinence de cette écotaxe ne faisait alors aucun doute : écologique, elle devait servir non seulement au développement et à l'entretien de nos infrastructures de transport, mais aussi, comme vous l'indiquez, monsieur le sénateur, à faire payer la traversée de nos territoires et donc l'usure de nos infrastructures par les poids lourds étrangers. Le principe faisait consensus ; la mise en place, moins. La Haute Assemblée a d'ailleurs créé une commission d'enquête sur le contrat liant l'État à la société Ecomouv'.

Le choix de recourir au partenariat public-privé pour collecter la taxe a été fait par le précédent gouvernement, par un contrat signé en 2011 avec Ecomouv'. Un décret a été publié le jour même du deuxième tour de l'élection présidentielle, le 6 mai 2012 - c'est dire que la précipitation n'a peut-être pas été de nature à stabiliser les choses ! -, afin de répercuter la taxe sur les clients des transporteurs, mais sans concertation.

Qu'ai-je fait depuis mon arrivée ? J'ai récupéré cet héritage, qui engage désormais l'État, et fait en sorte de l'aménager pour parvenir à mettre en place le dispositif de l'écotaxe. Autrement dit, il a fallu finaliser le dispositif technique, se concerter avec les transporteurs pour simplifier les modalités de répercussion. Je ne reviendrai par sur les détails, mais ils sont particulièrement importants : 40 000 entreprises en dépendent, soit 400 000 emplois dans le transport routier de marchandise. Les transporteurs étaient en effet particulièrement hostiles au décret du précédent gouvernement.

L'écotaxe permettrait d'assurer un financement pérenne de nos infrastructures de transport en faisant payer les usagers de la route plutôt que les contribuables. Il est important de le rappeler. Néanmoins, sa mise en œuvre a soulevé des inquiétudes, des interrogations et même des manifestations. Des difficultés d'application sont apparues. C'est la raison pour laquelle, le 29 octobre dernier, le Premier ministre a décidé de suspendre sa mise en œuvre pour donner le temps nécessaire au dialogue. C'est également le temps nécessaire à la « remise à plat » évoquée par Mme la ministre de l'écologie. Une mission d'information parlementaire présidée par M. Jean-Paul Chanteguet travaille à des propositions de manière à corriger le dispositif.

Concernant les relations de l'État avec Ecomouv', un contrat a été signé ; l'État doit donc respecter des engagements. L'État, soucieux de ses intérêts, a également entamé des discussions avec Ecomouv' pour différer le paiement des loyers pendant la période de suspension du dispositif, tant que l'avenir de l'écotaxe n'aura pas été décidé.

S'agissant des personnels mosellans, le Gouvernement y est très attentif. La grande majorité des personnes embauchées pour la mise en place de l'écotaxe l'ont été en CDI et leur emploi n'est pas menacé à ce stade, même si des mesures de chômage partiel ont dû être envisagées par la société Ecomouv' et si des CDD n'ont pas été renouvelés.

Le rapport du député Jean-Paul Chanteguet, qui doit être remis dans les jours qui viennent, doit comporter des préconisations. J'ai rappelé, au début de mon intervention, que l'écotaxe était issue d'une loi votée dans un large consensus parlementaire. Face aux difficultés, il est important que la souveraineté parlementaire mette en œuvre les conditions d'acceptabilité et d'efficacité de cette mesure, afin que l'enjeu environnemental puisse s'appliquer dans les transports.

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.

M. François Grosdidier. Je suis heureux que le sujet puisse revenir au Parlement. Je voudrais néanmoins faire remarquer que c'est sans concertation avec le Parlement que le Gouvernement a décidé de suspendre la mise en œuvre de la loi...

Je ne crois pas que l'on puisse parler de précipitation dans la mise en œuvre de cette loi, même si le décret a été pris le jour du deuxième tour de l'élection présidentielle, les reproches qui ont été formulés portant au contraire sur les retards accumulés dans ce dossier, essentiellement en raison de difficultés techniques.

Par ailleurs, je tiens à le mentionner, si cette mesure a été rejetée après avoir fait l'objet d'un consensus, c'est peut-être lié au trop-plein fiscal des deux premières années du quinquennat. Comme pour la TVA sociale, que vous avez défaite avant de la réintroduire, il aurait été plus judicieux d'alléger la fiscalité sur les transporteurs français plutôt que de renoncer à l'écotaxe, également acquittée par les transporteurs étrangers.

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