Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOC) publiée le 21/11/2013

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur la réhabilitation des fusillés pour l'exemple de la guerre de 1914-1918.

Les historiens s'accordent sur le fait qu'il y eut plus de 650 soldats fusillés pour l'exemple lors de la Première guerre mondiale, sur la base de jugements expéditifs et arbitraires rendus par des conseils de guerre spéciaux, pour plus de 2 055 condamnations à mort.

Un vaste mouvement d'individus et d'associations telles que la Libre pensée, la Ligue des droits de l'Homme, la Ligue de l'enseignement ou l'Association républicaine des anciens combattants, œuvre de longue date pour demander la réhabilitation collective de ces « poilus ».

Le 5 novembre 1998, l'ancien Premier ministre, M. Lionel Jospin, avait souhaité publiquement, à Craonne « que ces soldats fusillés pour l'exemple (...) réintègrent aujourd'hui, pleinement notre mémoire nationale ».

Or, force est de constater que le débat est resté lettre morte dans notre pays alors même que d'autres États, à l'instar de la Nouvelle-Zélande en 2000, du Canada en 2001, et de la Grande-Bretagne en 2006, ont réhabilité leurs réprouvés ou, du moins, accordé globalement leur pardon.

Il y a quelques mois, l'historien Antoine Prost, s'est vu confier l'élaboration d'un rapport sur ce sujet. Il devait, normalement, le remettre dans le courant de l'été 2013.

Aussi lui demande-t-elle, alors que nous entrons dans un cycle commémoratif exceptionnel, celui du Centenaire de la Première guerre mondiale, quelles sont les conclusions de ce rapport et quelles sont les intentions du Gouvernement sur cette question particulièrement douloureuse pour notre mémoire collective.

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Réponse du Ministère chargé des anciens combattants publiée le 23/01/2014

Le 11 novembre 1998, soit quatre-vingts ans après la fin du premier conflit mondial, Lionel Jospin, alors Premier ministre, rendait un hommage aux mutins de Craonne sur le Chemin des Dames en 1917, à ceux qui, « épuisés par des attaques condamnées à l'avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d'être sacrifiés », et souhaitait « que ces soldats, "fusillés pour l'exemple" au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ! ». Il a ainsi, pour la première fois, célébré la mémoire de ceux qui avaient refusé, après la tuerie de l'offensive Nivelle, en avril 1917, de marcher au combat pour de nouveaux assauts inutiles et meurtriers. Le Premier ministre avait, par ces paroles, souhaité que ces soldats soient réintégrés dans la mémoire collective nationale. Si ce dossier a fait, par la suite, de la part des différents gouvernements qui se sont succédé, l'objet de nombreuses prises de position en faveur de la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » de la Première guerre mondiale, aucune décision n'avait été prise. C'est pourquoi le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants a décidé de faire un premier pas symbolique dans ce dossier en attribuant, à l'occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au lieutenant Jean Chapelant, fusillé pour désertion le 11 octobre 1914 dans la Somme après avoir été adossé au poteau d'exécution sur un brancard improvisé, alors qu'il avait été blessé, fait prisonnier et s'était évadé. Le ministre délégué entend poursuivre ce travail de mémoire. À ce titre, il a confié à l'historien Antoine Prost l'élaboration d'un rapport sur ce sujet, qui lui a été remis le 1er octobre 2013. En effet, dans le cadre du cycle mémoriel, il est important de réintégrer les fusillés pour l'exemple dans la mémoire collective. Comme l'a annoncé le président de la République le 7 novembre 2013, une place sera accordée à l'histoire des fusillés au sein du Musée de l'armée, dans ce lieu prestigieux installé aux Invalides. De même, les dossiers des conseils de guerre seront numérisés et ainsi accessibles à la recherche et au public. En effet, il ne s'agit plus aujourd'hui de juger ou de rejuger, mais de se souvenir et de comprendre, ainsi que le préconise le rapport d'Antoine Prost, car il n'y a pas de reconnaissance plus forte que celle de la connaissance.

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