Question de M. BOUTANT Michel (Charente - SOC) publiée le 21/11/2013

M. Michel Boutant attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur la réhabilitation des fusillés de 1914-1918.

On estime à 650 le nombre de soldats fusillés pour ce qui était considéré comme des crimes militaires, à la suite de condamnations parfois totalement arbitraires. Ces hommes n'avaient pas fui leurs responsabilités, et encore moins leur patrie. Ils n'acceptaient tout simplement pas que leurs vies et celles de leurs camarades de tranchées soient sacrifiées inutilement.

Cent après le début de la Grande Guerre, ces soldats n'ont pas été réhabilités et leurs descendants attendent encore que le préjudice moral qui a touché leurs familles soit réparé. La question des conditions de ces exécutions s'est pourtant posée dès le lendemain de la guerre, des députés s'inquiétant alors de la manière dont fonctionnait la justice militaire.

À l'approche des commémorations qui auront lieu partout dans le monde, il serait souhaitable que soit prise une initiative en faveur de ceux que l'on a appelés les « fusillés pour l'exemple ».

Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement envisage de rendre hommage aux soldats fusillés pendant la guerre 1914-1918.

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Réponse du Ministère chargé des anciens combattants publiée le 23/01/2014

Le 11 novembre 1998, soit quatre-vingts ans après la fin du premier conflit mondial, Lionel Jospin, alors Premier ministre, rendait un hommage aux mutins de Craonne sur le Chemin des Dames en 1917, à ceux qui, « épuisés par des attaques condamnées à l'avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d'être sacrifiés », et souhaitait « que ces soldats, "fusillés pour l'exemple" au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ! ». Il a ainsi, pour la première fois, célébré la mémoire de ceux qui avaient refusé, après la tuerie de l'offensive Nivelle, en avril 1917, de marcher au combat pour de nouveaux assauts inutiles et meurtriers. Le Premier ministre avait, par ces paroles, souhaité que ces soldats soient réintégrés dans la mémoire collective nationale. Si ce dossier a fait, par la suite, de la part des différents gouvernements qui se sont succédé, l'objet de nombreuses prises de position en faveur de la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » de la Première guerre mondiale, aucune décision n'avait été prise. C'est pourquoi le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants a décidé de faire un premier pas symbolique dans ce dossier en attribuant, à l'occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au lieutenant Jean Chapelant, fusillé pour désertion le 11 octobre 1914 dans la Somme après avoir été adossé au poteau d'exécution sur un brancard improvisé, alors qu'il avait été blessé, fait prisonnier et s'était évadé. Le ministre délégué entend poursuivre ce travail de mémoire. À ce titre, il a confié à l'historien Antoine Prost l'élaboration d'un rapport sur ce sujet, qui lui a été remis le 1er octobre 2013. En effet, dans le cadre du cycle mémoriel, il est important de réintégrer les fusillés pour l'exemple dans la mémoire collective. Comme l'a annoncé le président de la République le 7 novembre 2013, une place sera accordée à l'histoire des fusillés au sein du Musée de l'armée, dans ce lieu prestigieux installé aux Invalides. De même, les dossiers des conseils de guerre seront numérisés et ainsi accessibles à la recherche et au public. En effet, il ne s'agit plus aujourd'hui de juger ou de rejuger, mais de se souvenir et de comprendre, ainsi que le préconise le rapport d'Antoine Prost, car il n'y a pas de reconnaissance plus forte que celle de la connaissance.

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