Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - ECOLO) publiée le 06/12/2013

Question posée en séance publique le 05/12/2013

Concerne le thème : L'accès à la justice et la justice de proximité

Mme Esther Benbassa. L'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ». La Convention ne garantit donc pas seulement un procès équitable, elle exige que soit assuré le droit d'accès effectif au juge. Au regard de ces principes, plusieurs institutions européennes se sont prononcées en faveur de l'instauration de recours collectifs, en anglais « class actions ».

Le 11 juin 2013, la Commission européenne a recommandé aux États membres de se doter de mécanismes de recours collectifs pour garantir à leurs justiciables un accès effectif à la justice. Vous avez vous-même déclaré, madame la garde des sceaux, en juin 2012, votre intention de permettre les recours collectifs, afin de garantir une meilleure efficacité de la justice et pour « que la réparation des petits litiges soit effective ».

Le projet de loi relatif à la consommation a sans conteste ouvert une brèche en la matière. Pour ma part, je suis l'auteur, au nom du groupe écologiste, d'une proposition de loi visant à instaurer un recours collectif en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités, qui devrait être examinée par le Sénat le 13 février prochain dans le cadre de l'ordre du jour réservé à notre groupe.

Ma question est donc la suivante : considérant que les standards européens sont en faveur du recours collectif, dans quels domaines et dans quels délais pensez-vous qu'une telle procédure pourra être intégrée à notre droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/12/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2013

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez raison de rappeler, madame Benbassa, que la Commission européenne recommande aux États membres de veiller à assurer un niveau élevé de protection des justiciables afin que ceux-ci puissent obtenir réparation des préjudices, notamment des préjudices de masse.

Le projet de loi relatif à la consommation, qui en est encore au stade de la petite loi puisque la navette est en cours, ouvre incontestablement la possibilité d'apporter réparation à plusieurs personnes victimes de ces préjudices sériels, d'un montant souvent faible.

J'ai étudié avec le plus grand intérêt la proposition de loi que vous avez déposée, et je me suis préoccupée de savoir avec quelle diligence nous pourrions l'examiner. Ce texte pose un problème, qui n'est pas insurmontable mais auquel il faut être attentif : nous devons nous assurer qu'une telle procédure ne pénalisera pas le justiciable, qui a droit à une réparation intégrale dans le cadre d'une procédure individuelle.

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne faudrait pas qu'une procédure générale empêche d'évaluer très exactement le préjudice et d'accorder une juste réparation. C'est un point sur lequel nous réfléchissons encore. Je vous remercie d'ailleurs de la disponibilité dont vous témoignez pour travailler avec le cabinet et l'administration de la Chancellerie. Avec la ministre des droits des femmes et le ministre de l'intérieur, nous avons d'ailleurs chargé Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire à la Cour de cassation, d'une étude qui devrait alimenter les réflexions que nous conduisons avec vous.

Votre préoccupation est légitime ; nous veillons simplement à ce que cette mesure représente un réel progrès et ne pénalise pas, par inadvertance, les citoyens.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse.

Chaque génération fait avancer le droit, qui n'est pas immuable. Je compte sur la Chancellerie ainsi que sur votre détermination pour nous aider à régler le problème que vous avez évoqué, afin que cette proposition de loi puisse servir de base aux textes qui viendront ultérieurement concernant les recours collectifs liés notamment à l'environnement ou à la santé.

Sachez qu'avec mon collègue Philippe Kaltenbach, rapporteur de cette proposition de loi, nous continuons à mener des auditions. Nous sommes prêts à conjuguer nos efforts afin d'élaborer un texte progressiste pour nos concitoyens.

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