Question de Mme LIPIETZ Hélène (Seine-et-Marne - ECOLO) publiée le 13/12/2013

Question posée en séance publique le 12/12/2013

Mme Hélène Lipietz. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Monsieur le ministre, à l'heure où la dépense publique est soupesée au trébuchet de la rigueur, il est scandaleux qu'un secteur structurellement non rentable ne vive que de subventions. Je veux parler des onze bateaux dédiés à la pêche au chalut en eaux profondes.

Une étude anglaise de la New Economics Foundation rapporte que cette pêche entraîne une perte de 153 euros par tonne de poissons pêchés. En effet, il faut pêcher 1,2 tonne de poissons au minimum pour obtenir une tonne de poissons vendables, valant 200 euros sur les étals d'une des dernières enseignes à proposer empereurs, sabres noirs et autres lingues bleues. Chaque tonne, vendable ou non, aura entraîné la consommation de 920 litres de fioul.

La simple lecture du bilan comptable d'un armateur en eaux profondes permet de découvrir que chaque tonne vendue génère donc une perte de 153 euros, malgré les subventions européennes et les aides portant sur le fioul.

Les chalutiers dédiés à une telle pêche entraînent un coût environnemental et énergétique d'au minimum 389 euros par tonne de poisson pêché. Si encore cette pêche au chalut était pourvoyeuse d'emplois ! Mais non : elle nécessite six fois moins de pêcheurs que la pêche à la palangre, moins destructrice des écosystèmes.

Un armateur de Boulogne-sur-Mer a compris l'absurdité économique de cette pêche et y a mis fin. Il est devenu bénéficiaire. Le plus gros des armateurs qui s'y livre encore semble avoir enfin pris conscience de cette réalité et envisage de changer de mode de pêche. Sa conversion ne date, certes, que d'avant-hier ! S'il a gagné la bataille au Parlement européen, il a, en effet, perdu la confiance des consommateurs et court, peut-être, derrière des concurrents plus prompts à reconnaître leurs erreurs.

Monsieur le ministre, alors que 772 000 pétitionnaires dénoncent le massacre des fonds marins par les chaluts et que des appels au boycott des vendeurs de cette pêche se font entendre, qu'entend faire le gouvernement français pour aider à la conversion de la dizaine de bateaux concernés à une pêche respectueuse de l'environnement – je crains toutefois que le Gouvernement ne partage pas ce souci – et moins coûteuse pour la France, tant financièrement que pour notre image de marque ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 13/12/2013

Réponse apportée en séance publique le 12/12/2013

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, la pêche en France est en réalité bien plus encadrée aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années. L'état des stocks des espèces pêchées s'améliore, grâce à un partenariat étroit entre scientifiques et pécheurs. Il en résulte une pratique plus respectueuse de l'environnement. Il faut s'en féliciter.

Nous devons néanmoins aller plus loin encore et mieux encadrer la pêche en eaux profondes, afin de réduire son impact sur l'environnement marin.

M. Jean Desessard. Ah, voilà !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Il est possible, en effet, de concilier la protection des écosystèmes marins profonds vulnérables et l'emploi direct et indirect généré dans nos ports par le secteur de la pêche.

Mme Hélène Lipietz. Mais non, ce n'est pas la question !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C'est là tout le sens du vote du Parlement européen, qui vient de se prononcer pour un « encadrement renforcé » de la pêche profonde, sans aller jusqu'à son interdiction. Cette pêche concerne non pas seulement onze navires, mais plus de sept cents, d'après l'estimation produite par la Commission européenne.

Mme Hélène Lipietz. Je vous parle de la France !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Les débats entre les États membres au sein du Conseil de l'Union européenne sont encore à venir : ce sujet relève de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil.

La France s'est fixé un cap sur ce sujet, ainsi que le Premier ministre l'a rappelé lors de la grande conférence environnementale : elle participe activement aux discussions communautaires afin de mieux connaître et d'encadrer la pêche en eaux profondes. La France défendra donc une approche ambitieuse et équilibrée, garantissant l'équilibre entre les enjeux environnementaux, sociaux et économiques.

Concernant les aides, je vous rappelle que le régime européen est très strict dans le domaine de la pêche. Les aides directes pour le fonctionnement des entreprises sont interdites, ainsi que, depuis 1992, les aides à la construction d'un navire neuf. Pour le reste, les aides autorisées sont celles qui contribuent à améliorer l'exploitation durable de nos ressources. Il n'y a pas d'aides qui soient versées spécifiquement à la pêche profonde.

Madame la sénatrice, soyez assurée que, dans les négociations européennes, la France défendra cette approche à la fois ambitieuse et équilibrée, en n'oubliant pas qu'il s'agit d'un enjeu économique pour les zones maritimes et côtières de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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