Question de Mme BATAILLE Delphine (Nord - SOC) publiée le 26/12/2013

Mme Delphine Bataille attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'état sanitaire très dégradé du département du Nord.

Le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre les déserts médicaux, enjeu essentiel pour toute la région Nord-Pas-de-Calais, qui se traduit par un avenant au programme régional démographique des professions de santé arrêté le 7 juin 2013.

Cependant, les mesures du pacte « territoire santé » et leur mise en œuvre dans le Nord, risquent de s'avérer insuffisantes pour résorber la fracture médicale dans un département dont les zones rurales sont sous-équipées en médecins généralistes et qui, de manière globale, reste confronté à des enjeux sanitaires et sociaux plus importants qu'au niveau national.

Dans une région plus marquée que les autres par des inégalités en matière économique et sociale, le Nord est confronté à des problématiques spécifiques importantes en termes de précarité, de handicap ou de dépendance.

Ces disparités se traduisent, notamment, par une surmortalité importante par rapport à la moyenne nationale et par une espérance de vie demeurant la plus faible de France.

Les collectivités locales s'investissent fortement et de manière volontariste, depuis de nombreuses années, dans les actions de prévention, avec le souci de résorber l'écart entre les indicateurs sanitaires régionaux et nationaux.

L'accès aux soins ne peut, ici, se résumer à la densité de l'offre, compte tenu des inégalités patentes entre bassins de vie. Une approche globale permettant d'agir sur l'ensemble des déterminants de santé est nécessaire et doit s'accompagner d'une territorialisation des politiques publiques de santé.

Dans ce contexte, elle lui demande quelles actions concrètes le Gouvernement compte entreprendre, dans cette mission régalienne, soutenue par l'action des collectivités locales, pour améliorer l'état sanitaire du département du Nord et permettre un rattrapage des inégalités qui touchent sa population par rapport aux références nationales.

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Réponse du Ministère chargé de la famille publiée le 19/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2014

Mme Delphine Bataille. Madame la ministre, le Gouvernement s'est engagé, à travers le pacte territoire-santé, dans la lutte contre les déserts médicaux, enjeu essentiel pour la région Nord-Pas-de-Calais.

Le directeur général de l'agence régionale de santé reconnaissait voilà quelques semaines qu'il y avait beaucoup à faire dans un contexte de difficultés général, mais se félicitait, dans le même temps, de l'engagement des acteurs locaux et du partenariat avec la collectivité régionale.

Le pacte territoire-santé s'est traduit, en Nord - Pas-de-Calais, par un avenant au programme régional « démographie des professions de santé » arrêté au mois de juin dernier.

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a dressé, la semaine dernière, un premier bilan très positif de ce pacte, en soulignant la mobilisation de l'ensemble des acteurs dans toutes les régions.

Néanmoins, les résultats restent insuffisants pour le Nord - Pas-de-Calais, et la ministre de la santé y a insisté en précisant que cette région n'a pas suffisamment embrayé pour combler son retard et qu'elle a besoin d'être dynamisée.

Par ailleurs, les mesures visant à renforcer la présence médicale dans les territoires et à majorer les subventions des maisons de santé pluridisciplinaires risquent de se révéler insuffisantes pour résorber la fracture médicale dans le département du Nord, où les zones rurales sont sous-équipées en médecins généralistes, où l'offre de soins est quasi inexistante pour certaines spécialités, comme la pédopsychiatrie, et qui, de manière globale, reste confronté à des enjeux sanitaires et sociaux plus importants qu'au niveau national.

Situé dans une région marquée durablement par l'empreinte industrielle et la reconversion des sites sidérurgiques et miniers, le Nord est confronté à des problématiques spécifiques qui se traduisent notamment par une surmortalité importante et persistante au regard de la moyenne nationale et par une espérance de vie demeurant la plus faible de France.

Ces graves indicateurs révèlent une situation sanitaire de ces bassins industriels ruraux profondément dégradée, malgré un investissement constant en équipement et dans des actions de prévention des collectivités locales, qui traduisent leur souci de résorber la fracture dans l'accès aux soins.

La santé d'une population étant à la fois cause et conséquence des dynamiques territoriales, une approche globale permettant d'agir sur l'ensemble des déterminants de santé est donc nécessaire et doit s'accompagner d'une territorialisation des politiques publiques de santé.

Dans ce contexte, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer, madame la ministre, les actions concrètes que le Gouvernement compte entreprendre dans cette mission régalienne, soutenue par l'action des collectivités locales, pour améliorer l'état sanitaire du département du Nord et permettre un rattrapage des inégalités qui touchent sa population plus que les autres, par rapport aux références nationales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Marisol Touraine.

Comme vous le rappelez à juste titre, le Gouvernement s'est engagé très rapidement dans la lutte contre les déserts médicaux avec le lancement, dès la fin de 2012, du pacte territoire-santé. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé était d'ailleurs la semaine dernière à Chalon-sur-Saône, où elle a dressé le bilan national de la première année d'application de ce pacte.

Nous sommes partis du constat que les mesures prises par nos prédécesseurs ont été inefficaces, car ponctuelles et sans cohérence d'ensemble. La force de ce pacte réside donc notamment dans le fait qu'il a été conçu comme un plan global composé de douze engagements concrets interagissant les uns avec les autres.

Un an après l'annonce du pacte, les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Des médecins s'installent dans les territoires manquant de professionnels ; 180 praticiens territoriaux de médecine générale ont franchi le pas en 2013. Devant le succès du dispositif, 200 nouvelles installations sont prévues pour 2014. En outre, 591 étudiants ou internes ont opté pour le versement d'une bourse en contrepartie de l'engagement de s'installer dans un désert médical. Cela représente une augmentation de 65 %, et le dispositif sera désormais élargi aux futurs chirurgiens-dentistes.

Des structures d'exercice coordonné maillent le territoire, et la dynamique engagée montre bien que ce cadre d'exercice répond aux attentes des jeunes médecins.

Entre 2012 et 2013, le nombre de maisons de santé a plus que doublé, passant de 174 à 370 ; en 2014, il y en aura plus de 600.

L'accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera une réalité en 2014 pour 1 million de personnes supplémentaires, grâce à l'évolution considérable du nombre de médecins correspondants du SAMU : 150 en 2012, 650 en 2014.

De nombreuses autres mesures portent également leurs fruits : réalisation des stages en médecine générale pour les étudiants ; mise en place d'un correspondant « installation » dans chaque ARS ; développement de la télémédecine.

Madame la sénatrice, la dynamique est bien engagée, en Nord - Pas-de-Calais, et en particulier dans le département du Nord que vous connaissez bien : 28 contrats d'engagement de service public, ou CESP, ont été signés, 31 projets de maisons et pôles de santé sont recensés dans le département, dont 7 sont en fonctionnement ; 6 devraient ouvrir rapidement. En outre, un projet de télémédecine pour la prise en charge des plaies complexes est expérimenté sur les zones de Cambrai et de Roubaix.

Un autre projet porte sur la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux dans le sud du département du Nord et l'Artois-Douaisis.

Vous évoquez également la prévention. La région est très mobilisée, avec 300 projets pour près de 8,6 millions d'euros financés par l'agence régionale de santé, sur des thématiques telles que le cancer, les addictions, l'alimentation ou encore la santé mentale.

L'engagement du Président de la République et du Gouvernement dans la lutte contre les inégalités d'accès aux soins est aujourd'hui une réalité. Mme Touraine est confiante quant aux solutions mises en œuvre et quant à l'évolution de la situation des territoires en difficulté.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Vous avez parfaitement ciblé les thématiques de santé qui mobilisent l'énergie des acteurs du département du Nord.

Ma question présentait deux aspects. D'une part, j'insistais sur les facteurs sociaux qui, dans ce département, pèsent plus lourdement que dans le reste du territoire national sur les parcours de soins, et sur les dépenses de santé, qui y sont plus élevées que la moyenne nationale. D'autre part, je soulignais l'existence de disparités cette fois à l'échelle infradépartementale, certains bassins de vie ruraux du sud du département connaissant des facteurs plus élevés.

Face à cette situation, les conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais se sont engagés dans une démarche originale et audacieuse : s'affranchissant des limites administratives, ils ont signé une convention-cadre sur les relations entre l'ARS et les deux départements, traduisant ainsi leur ambition partagée en matière de santé.

Ces deux départements sont très peuplés et engagent 2 500 millions d'euros en dépenses directes de solidarité, dont 1 700 millions d'euros pour le seul département du Nord. Quelque 4 000 agents administratifs sont en charge des politiques sociales, dont 1 000 pour la santé.

De plus, la région Nord - Pas-de-Calais renforce toujours son intervention en termes d'investissements pour les équipements. S'il y a quelque temps encore les patients devaient attendre six mois pour un scanner ou une IRM, ces délais sont aujourd'hui réduits à quinze jours !

Vus de Paris, les chiffres du Nord peuvent sembler correspondre à la moyenne nationale. Toutefois, dans certains territoires isolés, les moyens sont très nettement limités, et le sentiment d'abandon qu'éprouve la population en est encore accru. C'est que la réalité n'est pas la même selon que l'on réside dans la métropole lilloise ou dans la campagne profonde : dans certains villages, il est difficile de trouver un médecin généraliste, madame la ministre !

De surcroît, de nombreuses familles sont dans une précarité telle qu'elles sont peu mobiles et ne peuvent pas toujours se déplacer pour aller là où se trouve un cabinet médical.

Nos concitoyens ne cherchent pas un responsable politique ou administratif, ils demandent une attention globale des pouvoirs publics à leur endroit. À ce titre, il est nécessaire d'affiner le diagnostic territorial pour mieux cibler les besoins et mieux adapter les réponses.

Pour conclure, je souligne que le rôle régulateur de l'État demeure déterminant au sein de ces territoires ruraux. S'il existe une complémentarité entre un État fort et des collectivités décentralisées, l'intervention de l'État reste fondamentale pour permettre un rééquilibrage de l'offre de soins et empêcher la désertification médicale.

Vous l'avez indiqué, madame la ministre, il faudra continuer à veiller, avec l'ARS, à ce que les nouvelles installations de médecins profitent à ces territoires isolés.

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