Question de Mme CAMPION Claire-Lise (Essonne - SOC) publiée le 30/01/2014

Mme Claire-Lise Campion attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur la situation de l'emploi chez l'industriel et équipementier des télécommunications, Alcatel-Lucent.
Le 8 octobre 2013, faisant face à de graves difficultés financières, la direction d'Alcatel annonçait un nouveau plan de restructuration appelé SHIFT. Il s'agit du sixième plan social depuis 2006, c'est-à-dire depuis la fusion des entités Alcatel et Lucent.
Au gré de restructurations itératives, le groupe a vu ses effectifs de salariés fondre en France. Aujourd'hui, avec le plan SHIFT, ce sont près de 900 emplois qui sont menacés sur le territoire national. Le plan prévoit, en effet, un recentrage de l'activité sur les sites de Villarceaux et Lannion, la fermeture des sites de Rennes et Toulouse ainsi que la cession des sites d'Eu, d'Ormes et d'Orvault. En Île-de-France, sur le site essonnien de Nozay qui compte 3 277 salariés, ce sont 509 suppressions de postes qui sont prévues en 2014, tant dans l'avant et l'après vente, que dans la recherche et développement. Ces suppressions sont, comme partout, désastreuses pour la situation de l'emploi.
Sous l'impulsion du Gouvernement, un processus de concertation s'est engagé entre la direction et les organisations syndicales qui ont constitué une force de proposition pour le maintien de l'emploi, tout en conservant le souci de préserver un fleuron de la technologie française.
Le dialogue ainsi noué a débouché sur une révision du volet français du plan SHIFT. Ce premier pas en direction du maintien de l'emploi doit en appeler d'autres.
C'est pourquoi elle lui demande d'indiquer les détails de la révision annoncée par la direction d'Alcatel-Lucent et préciser les mesures qu'envisage le Gouvernement sur ce dossier, au regard de la poursuite des deux objectifs suivants : préserver au mieux l'emploi, tout en créant les conditions d'un avenir industriel pérenne pour le dernier constructeur de matériel télécom en France.

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Transmise au Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique


Réponse du Ministère de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique publiée le 30/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2014

Mme Claire-Lise Campion. Le 8 octobre 2013, faisant face à de graves difficultés financières, la direction d'Alcatel annonçait un nouveau plan de restructuration appelé « Shift ». Il s'agit du sixième plan social depuis 2006, c'est-à-dire depuis la fusion des entités Alcatel et Lucent.

Au gré de restructurations itératives, le groupe a vu ses effectifs de salariés fondre en France. Aujourd'hui, avec le plan Shift, ce sont près de 900 emplois qui sont menacés sur le territoire national. Le plan prévoit en effet un recentrage de l'activité sur les sites de Villarceaux et de Lannion, la fermeture des sites de Rennes et de Toulouse ainsi que la cession des sites d'Eu, d'Ormes et d'Orvault.

En Île-de-France, sur le site de Nozay, qui compte 3 277 salariés et qui est situé dans le département de l'Essonne dont je suis l'élue, 509 suppressions de postes sont prévues en 2014, tant dans l'avant-vente que dans l'après-vente.

Soulignons opportunément que, en dépit du soutien dont bénéficie Alcatel via des crédits d'impôts incitatifs, le groupe n'épargne pas les forces vives de son secteur recherche et développement. Ce dernier point suscite l'incompréhension des partenaires sociaux, qui s'interrogent sur l'usage et le gain de compétitivité tiré de ces crédits incitatifs, qu'ils jugent au service d'une stratégie de recherche et développement trop peu lisible.

Sous l'impulsion du Gouvernement, des discussions se sont engagées avec la direction. Les échanges ont débouché sur une première révision du volet français du plan Shift. Il s'agit là d'un premier pas en direction du maintien de l'emploi qui doit en appeler d'autres.

Au-delà de la question de l'emploi, les organisations syndicales ont manifesté leur volonté de jouer pleinement leur rôle de partenaire en formulant des propositions d'orientation stratégique, tel le développement de l'activité autour du domaine de la cyber-sécurité. Elles souhaitent ainsi participer à la rénovation d'un fleuron de la technologie française et s'assurer que cette nouvelle restructuration marquera le point final d'une longue série.

Aussi, je souhaitais demander à M. le ministre de l'économie de m'indiquer les mesures envisagées par le Gouvernement sur ce dossier, au regard de cet objectif : la préservation au mieux de l'emploi, tout en créant les conditions d'un avenir industriel au cap éclairé, pérenne et ambitieux pour le dernier constructeur de matériel de télécommunications en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Madame la sénatrice, la question que vous posez m'intéresse particulièrement, car, même si un ministre n'est plus qu'un ministre, je viens d'une région où se trouve l'un des établissements d'Alcatel-Lucent devant lequel je passe régulièrement. Vous avez eu raison de l'inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

Dans le contexte actuel, où les résultats financiers négatifs continuent de mettre en danger la pérennité de l'entreprise, le groupe Alcatel-Lucent, confronté à de profondes difficultés, est face à la nécessité de prendre des mesures propres à préserver sa pérennité. Vous avez à juste titre souligné la position des élus et des syndicats.

Le plan de redressement en trois ans mis en œuvre par la direction d'Alcatel-Lucent vise à recentrer le groupe sur ses atouts forts et à faire du généraliste d'équipements de télécommunications un spécialiste des réseaux à très haut débit fixe et mobile et de l'internet protocole, segments sur lesquels il dispose de savoir-faire reconnus et générateurs de valeur ajoutée. C'est une évolution forte pour le groupe qui entend ainsi capitaliser sur ses domaines d'excellence.

Le rebond d'Alcatel-Lucent est une nécessité pour l'industrie française. Il passe non seulement par le renforcement d'un point de vue industriel, mais également par la solidarité entre les différents acteurs de la filière. L'appel au patriotisme économique que mon collègue Arnaud Montebourg a lancé en direction des opérateurs de télécommunications français s'est d'ores et déjà traduit par la signature de premiers partenariats, lesquels doivent en appeler d'autres.

Les premiers mois de mise en œuvre du plan Shift ont déjà produit des résultats encourageants. Ainsi, la perception par le marché du risque représenté par Alcatel-Lucent a changé : de nouveaux partenariats stratégiques ont été signés, notamment avec Qualcomm dans les small cells. En outre, de nouveaux clients lui ont fait confiance, ce qui, même si ce n'est pas suffisant, a rassuré une partie des syndicats : je pense au contrat avec Telefonica sur la 4G prévoyant le déploiement de 8 000 stations, soit 60 % du déploiement total de Telefonica en Espagne, au contrat 4G remporté en Chine avec China mobile, aux deux contrats majeurs de déploiement du très haut débit fibre en Espagne.

Parallèlement, sans remettre en question la nécessité de cette nouvelle restructuration, vous le savez et je vous remercie de l'avoir souligné, le Gouvernement a appelé Alcatel-Lucent à faire ses meilleurs efforts pour préserver sa base industrielle en France et à y maintenir le plus grand nombre d'emplois. Le discours qu'a prononcé hier le Président de la République devant l'ensemble des préfets et directeurs de notre administration allait dans ce sens.

Arnaud Montebourg a demandé à Alcatel-Lucent de formuler des propositions concrètes, d'une part, sur la réduction du nombre de suppressions d'emplois prévues en France et, d'autre part, sur la mise en place de solutions de substitution sur les sites dont l'entreprise envisage de se désengager, pour y maintenir une activité industrielle.

À ce stade, la suppression de 637 postes au lieu des 877 initialement prévus, soit 240 postes préservés, n'est bien sûr pas de nature à satisfaire tous les salariés. Toutefois, nous notons aussi le transfert à des partenaires d'environ 700 emplois et près de 500 mobilités dans le groupe. Cette annonce résulte d'un processus de concertation avec les organisations syndicales que le Gouvernement a fortement encouragé et soutenu.

Les postes préservés concerneront essentiellement la région parisienne. En effet, conscient de son rôle majeur dans le développement d'une filière télécom d'excellence en France, Alcatel-Lucent a décidé de maintenir la recherche du groupe en France en la réorientant vers les technologies du futur et en renforçant les effectifs de recherche et développement sur ces technologies : réseaux internet IP, cloud et accès très haut débit fixe et mobile. Villarceaux deviendra ainsi le premier centre de recherche et développement du groupe en Europe et sera la vitrine d'Alcatel-Lucent en France. En outre, 200 jeunes techniciens et ingénieurs seront recrutés afin d'acquérir de nouvelles compétences et d'augmenter le potentiel d'innovation des équipes. Madame la sénatrice, je vous remercie du soutien que vous avez apporté à toutes ces discussions.

Quant au site de Lannion, tourné vers la 4G, les technologies et logiciels IP, il voit également sa place au sein d'Alcatel-Lucent renforcée par ce plan.

J'en viens au site d'Orvault. La solution de substitution présentée par Alcatel-Lucent d'un maintien d'activité sur le site dont la montée en charge sera accompagnée par des commandes d'Alcatel-Lucent s'inscrit dans une dynamique de renforcement de la filière. Les interrogations qui demeurent sur les modalités de fonctionnement de ce partenariat, ainsi que sur les solutions proposées pour d'autres sites, appellent la direction d'Alcatel-Lucent à poursuivre ses efforts pour répondre aux inquiétudes légitimes exprimées par les salariés. Arnaud Montebourg n'a pas manqué de le rappeler. Il entend aujourd'hui votre préoccupation, madame la sénatrice.

Le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique se veut confiant dans la construction de ce pacte de responsabilité à l'échelle de la filière télécom. Il vous appelle à partager sa confiance. Le partenariat annoncé par SFR et les partenariats à venir avec d'autres opérateurs démontrent l'efficacité de l'appel au patriotisme économique dans un secteur où les enjeux de souveraineté pèsent fortement. La désignation d'Alcatel comme chef de file de l'un des trente-quatre plans industriels, appelé « souveraineté télécoms », s'inscrit dans la même démarche de consolidation de la filière télécom française.

C'est toute la cohérence de la politique du Gouvernement. Comme l'a indiqué Michel Combes, le patriotisme économique est acquis chez nos concurrents. Le Gouvernement se félicite donc qu'il progresse pareillement chez nous.

Le soutien de tous les élus est nécessaire, tout comme l'est l'apport extrêmement précieux que peuvent apporter les salariés. Vous avez donc eu raison de souligner la qualité du travail des organisations syndicales françaises. Je profite de mon intervention pour le dire à mon tour : leur réalisme, leur inventivité, leur connaissance des dossiers permettent souvent au Gouvernement et aux élus de mieux sensibiliser les groupes au patriotisme économique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse aussi détaillée que complète. Je suis très satisfaite d'entendre que la signature de ces premiers partenariats doit en appeler d'autres. J'ai pleinement confiance, et je resterai très attentive à la suite que le Gouvernement donnera à ce dossier.

Je vous remercie tout particulièrement de vos propos, que je partage, sur l'inventivité et la qualité du travail de nos organisations syndicales. Je leur en ferai part, et je ne doute pas qu'elles les apprécieront.

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