Question de Mme BATAILLE Delphine (Nord - SOC) publiée le 28/02/2014

Question posée en séance publique le 27/02/2014

Concerne le thème : La laïcité

Mme Delphine Bataille. Après plusieurs siècles de luttes religieuses et idéologiques en France, la laïcité est devenue une valeur fondatrice de notre identité républicaine. Ainsi, selon Jean Jaurès, « démocratie » et « laïcité » sont deux termes identiques.

Clef de voûte de l'édifice républicain, la laïcité, qui garantit la liberté et l'égalité de tous les citoyens, reste aujourd'hui au cœur du débat de société.

Son affirmation est plus que jamais fondamentale. En effet, elle est menacée, d'un côté, par les replis identitaires et communautaires, favorisés par un contexte de crise économique et sociale, et, de l'autre, par l'extrême droite et les mouvements populistes, qui la manipulent et l'instrumentalisent.

Par ailleurs, la puissance publique, réforme après réforme, a provoqué des dérives du principe de laïcité, lequel fait actuellement l'objet d'une surexposition et d'un traitement souvent partial de la part des médias. Ainsi, sous le quinquennat précédent, les plus hautes autorités n'avaient pas hésité à remettre en question la neutralité de l'État et le consensus républicain autour de ce principe.

Certains groupes minoritaires se sentent aujourd'hui autorisés à s'en prendre à l'école de la République. D'autres s'attaquent à la neutralité religieuse de la République, jusque dans l'entreprise.

L'affichage d'une charte de la laïcité dans les écoles ainsi que l'installation de l'Observatoire de la laïcité constituent de bonnes réponses à cette idéologie de l'obscurantisme.

Néanmoins, la laïcité reste bafouée au quotidien : en témoignent les prières adressées par des sportifs dans des stades, la programmation de messes dans le calendrier des cérémonies de commémorations nationales,…

Mme Françoise Laborde. Ça…

Mme Delphine Bataille. … le port de plus en plus fréquent du voile dans des espaces publics, l'octroi de subventions par des collectivités à des associations développant une idéologie religieuse, ou encore la parité des financements publics entre école publique et école privée.

Dans ce contexte, le Gouvernement proposera-t-il de fixer un cadre législatif précis respectant le principe de laïcité, en développant l'information et la formation sur les règles de droit et sur la gestion des situations concrètes relevant du fait religieux ?

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 28/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 27/02/2014

M. Michel Sapin, ministre. Madame la sénatrice, la laïcité fait partie de ces sujets qui constituent le cœur de nos convictions partagées. Dès lors, c'est moi qui vous réponds, mais ma collègue aurait pu tout aussi bien le faire !

La laïcité a deux dimensions : des principes, sur lesquels on peut se retrouver, et la mise en œuvre de ces principes. La question de la mise en œuvre elle-même est souvent la plus délicate.

M. Claude Dilain. Absolument !

M. Michel Sapin, ministre. La laïcité n'a pas besoin d'adjectif ; elle n'a pas besoin d'être « tolérante » ou « harmonieuse ».

En revanche, elle est un équilibre délicat entre le principe de neutralité, qui s'impose à la sphère publique, et le respect des convictions individuelles, y compris religieuses, de chacun. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste opinent.)

Sur ce sujet, je veux rebondir sur la question de l'information, que vous avez évoquée dans votre intervention. S'il est nécessaire d'informer sur les principes eux-mêmes, il faut aussi le faire sur la manière de surmonter les difficultés qui peuvent apparaître.

C'est évidemment vrai à l'école, d'où la nécessité d'informer à la fois les jeunes, les professeurs et les équipes.

C'est aussi vrai dans l'entreprise Je veux redire ici l'importance que le Gouvernement accorde à la fois à l'Observatoire de la laïcité et au guide sur la gestion du fait religieux dans l'entreprise privée que ce dernier a édité - Mme Laborde, qui en fait partie, peut en témoigner. (Mme Françoise Laborde opine.) Ce guide est un excellent document, qui rappelle les principes, mais propose également une méthode pour régler les éventuelles difficultés qui peuvent se présenter dans l'entreprise.

Oui, il est possible de porter un signe distinctif dans une entreprise, mais pas dans n'importe quelles conditions ni à n'importe quel poste. On le voit, l'entreprise a le droit d'aménager le principe général.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne puis que vous inviter à consulter ce guide ! L'information sera le meilleur moyen de garantir le respect concret des grands principes, au bénéfice de chacun de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour la réplique.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J'entends bien votre souhait de développer l'information. Pour ma part, j'avais ajouté à cet impératif celui de développer la formation.

Vous avez fait référence, comme nombre d'entre nous, à l'Observatoire de la laïcité. Celui-ci estime, à l'instar, du reste, du Conseil économique, social et environnemental, que le cadre juridique actuel doit permettre de régler l'ensemble des situations existantes. Pour autant, des orientations de cet observatoire sont contestées par certains de ses membres. En outre, le cadre juridique existant suffit bien difficilement à répondre à des situations de la vie de tous les jours.

Dans ces conditions, les faits que j'ai mentionnés - en témoignent la récente assignation de Charlie Hebdo pour délit de blasphème ou encore les décisions judiciaires rendues dans l'affaire Baby Loup - sont de nature à inquiéter et à donner une interprétation erronée du principe de laïcité, voire à inciter à son détournement.

Les tentatives de légiférer ont été trop souvent vouées à l'échec, faisant le jeu des adversaires de la République.

Il n'en reste pas moins que notre pays tout entier, au-delà de son école, a besoin, pour garantir la liberté de conscience de tous dans toutes les situations, d'un cadre législatif clair permettant d'éviter les atermoiements en matière de laïcité. (Mme Françoise Laborde et M. Claude Jeannerot applaudissent.)

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