Question de Mme BOURZAI Bernadette (Corrèze - SOC) publiée le 20/02/2014

Mme Bernadette Bourzai appelle l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique sur les situations préoccupantes que peuvent rencontrer les agents contractuels des collectivités locales qui sont en situation de handicap.

La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a comme objectif de remédier aux situations de précarité les plus graves des agents non titulaires de la fonction publique.

Or, les agents contractuels en situation de handicap sont particulièrement exposés à cette précarité. En effet, pour une personne en situation de handicap qui bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'alternance de périodes travaillées et chômées a pour conséquence d'engendrer des trop perçus dans les périodes de travail, au regard des droits à l'AAH et, donc, des remboursements et des baisses de revenus significatives.

Si l'on considère, parallèlement, que ces salariés contractuels et intérimaires, qui sont majoritairement embauchés en remplacement, pour de courtes périodes, dans des postes de catégorie C, ne bénéficient pas des mêmes avantages légaux en termes de contrats de prévoyance et de santé et que leur titularisation, prévue par la loi, ne leur est pas proposée, même s'ils remplissent les critères demandés, nous arrivons à des situations extrêmement difficiles et bloquées, pour lesquelles il est nécessaire d'intervenir.

Elle rappelle qu'elle a régulièrement été sollicitée pour des cas concrets de personnes qui sont dans ces situations délicates et pour lesquelles il est urgent de trouver une solution.

Elle lui demande donc de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend adopter afin d'améliorer la situation de ces personnels vulnérables et de la sécuriser.

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Transmise au Ministère de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique


Réponse du Ministère de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique publiée le 30/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2014

Mme Bernadette Bourzai. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique et porte sur la précarité des personnels contractuels des collectivités locales qui sont en situation de handicap.

L'un des objectifs de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique est de remédier aux situations de précarité les plus graves des agents non titulaires de la fonction publique.

Parmi ces agents contractuels, ceux en situation de handicap sont particulièrement exposés à cette précarité. De plus, ils sont confrontés à des situations paradoxales qui les fragilisent. En effet, pour une personne en situation de handicap qui bénéficie de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, et de l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, l'alternance de périodes travaillées et chômées a pour conséquence d'engendrer, pour les périodes de travail, des « trop-perçus » au regard des droits à l'AAH. Ces sommes doivent ensuite être remboursées à la caisse d'allocations familiales, ce qui implique, au final, des baisses de revenus significatives.

Quand on sait en outre que ces salariés contractuels et intérimaires, qui sont majoritairement embauchés en remplacement pour de courtes périodes dans des postes de catégorie C, ne bénéficient pas des mêmes avantages légaux en termes de contrats de prévoyance et de santé et que leur titularisation, bien qu'elle soit prévue par la loi, ne leur est pas souvent proposée même s'ils remplissent les critères demandés, nous arrivons à des situations extrêmement difficiles et bloquées qui rendent une intervention nécessaire.

Je peux citer l'exemple d'une personne qui enchaîne depuis vingt ans - vingt ans ! - des contrats de remplacement en tant qu'agent d'entretien dans divers lycées du département de la Gironde, avec un salaire qui varie entre 700 et 1 000 euros par mois, environ six mois sur douze. Pendant les vacances ou lorsqu'elle n'a pas de mission, cette personne doit revenir à chaque fois vers Pôle emploi, sans oublier qu'elle est pénalisée par les baisses d'allocations déjà mentionnées. Comment peut-on vivre dignement dans ces conditions ? Alors que son handicap est jugé compatible avec les emplois qu'elle occupe, la titularisation ne lui a pourtant jamais été proposée !

Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il adopter afin d'améliorer la situation de ces personnels vulnérables et de la sécuriser ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Madame la sénatrice, vous abordez là une question difficile et l'exemple que vous avez cité me touche.

Les personnes en situation de handicap disposent de deux voies d'accès à la fonction publique territoriale : le recrutement par concours, qui est le mode d'accès de droit commun aux cadres d'emploi territoriaux et auquel tout le monde tient, ainsi que le recrutement contractuel, qui donne vocation à titularisation.

Par dérogation au principe du recrutement par concours, l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit la possibilité pour les personnes handicapées d'acquérir la qualité de fonctionnaire, après un recrutement direct en qualité d'agent non titulaire. Dans ce cas, le recrutement s'effectue par un contrat au terme duquel l'agent a vocation - et, vous l'avez dit, seulement vocation - à être titularisé dans un emploi de catégorie A, B ou C, dans les conditions prévues par le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996.

Les candidats doivent remplir des conditions d'aptitude physique. Leur handicap doit ainsi avoir été jugé compatible avec l'emploi postulé. Des conditions de diplôme ou de niveau d'études sont également requises

La durée du contrat correspond à la durée que doivent normalement accomplir les fonctionnaires stagiaires du corps ou cadre d'emplois concerné, soit généralement six mois ou un an, avant d'être titularisés.

Les articles 8 et 9 du décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 prévoient la procédure selon laquelle est opérée la titularisation des travailleurs handicapés et, le cas échéant, la procédure applicable lors d'un prolongement du contrat ou d'un refus de titularisation. Il en résulte notamment que l'autorité territoriale, laquelle est responsable en l'occurrence, apprécie l'aptitude professionnelle de l'agent au vu de son dossier individuel et après entretien avec celui-ci.

Le refus de titularisation ne peut intervenir que dans le cas où l'agent apparaît inapte à l'exercice de ses fonctions après que l'employeur a pris toutes les mesures visant à favoriser son intégration et après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois concerné. En cas de refus de titularisation, l'intéressé peut bénéficier des allocations chômage.

Ces dispositions sont de nature à favoriser l'insertion professionnelle des agents handicapés recrutés en qualité de contractuel sur le fondement de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et à lutter ainsi contre d'éventuelles situations de précarité.

S'agissant de la situation des personnes handicapées qui alternent des périodes d'activité et de chômage et sont éligibles à l'allocation aux adultes handicapés, dont elles peuvent bénéficier sous certaines conditions, le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010 modifiant les règles d'évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l'allocation aux adultes handicapés, et sur lequel nous pourrons éventuellement travailler ensemble, a permis d'adapter de manière plus réactive le montant de l'AAH à la situation immédiate de la personne. En effet, ce décret a instauré depuis le 1er janvier 2011 une déclaration trimestrielle de ressources pour les allocataires exerçant une activité professionnelle en milieu ordinaire, afin de pouvoir calculer chaque trimestre le montant de l'allocation en fonction de leurs besoins. Il s'agit donc d'une couverture de solidarité.

Cela étant, les remplacements « en boucle », qui ne concernent d'ailleurs pas que des personnes en situation de handicap, tant dans la fonction publique hospitalière, dans les collectivités territoriales qu'auprès des opérateurs ou agences de l'État, sont problématiques. Je vais donc étudier cette question avec la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, car je pense qu'il faut faire mieux. Pour autant, je ne peux pas imposer de règles trop strictes aux autorités territoriales. Loin de moi l'idée de souffler le chaud et le froid. Je considère simplement que nous devons travailler mieux, tout en laissant une marge de liberté aux collectivités territoriales.

La dérogation au principe du recrutement par concours est une bonne chose pour les personnes en situation de handicap. Cependant, force est de constater que des situations semblables à celle que vous avez décrite existent dans plusieurs départements, même si elles ne sont pas très nombreuses sur l'ensemble du territoire français.

J'espère, avec vous, trouver une solution aussi bonne que possible, même si je ne peux déroger aux principes de fond. Je vais donc demander à mes services de travailler sur ce point, et je vous tiendrai informée, madame la sénatrice, des éventuelles pistes que nous aurons retenues.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je remercie Mme la ministre de sa réponse très argumentée. Je lui fais confiance pour résoudre ce problème que je saurai, le cas échéant, rappeler à son attention.

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