Question de M. FOUCHÉ Alain (Vienne - UMP) publiée le 24/04/2014

M. Alain Fouché interroge M. le ministre de l'intérieur au sujet de la politique de sécurité routière française, qu'il convient de comparer à celle des autres pays européens.

En effet, au regard des autres politiques de sécurité routière menées dans la zone euro, la répression pratiquée en France avec la multiplication incessante du nombre de radars n'a pas de lien de cause à effet légitime avec la baisse de la mortalité au volant.

Le Président Jacques Chirac avait fait de la sécurité sur nos routes l'un des grands chantiers de son quinquennat. Dans un premier temps, il a eu l'accord de l'opinion publique, mais très vite, la mise en place des radars automatiques est apparue davantage comme une manne financière pour l'État que comme un outil servant à abaisser la mortalité.

Le cas de l'Allemagne est éloquent : à population supérieure, à nombre de permis en circulation et parc automobile plus importants, la mortalité sur les routes allemandes est plus faible qu'en France. Avec, au surplus, une politique de sécurité routière fondée sur la « confiance » et non sur le « tout répressif » : les conclusions sont sans appel !

Toujours en Allemagne, au cours des vingt dernières années, le nombre d'accidents mortels a diminué de 71 % malgré une augmentation du trafic de 25 % et du nombre de véhicule de 17 %.

Il est à noter qu'il existe, tout de même, un contrôle « sanction » dans les zones urbaines et accidentogènes (agglomérations…). A contrario, les zones dites ouvertes ne bénéficient d'aucune limitation de vitesse : sur de nombreuses autoroutes, le conducteur adapte donc son allure aux conditions environnantes.

Le « tout répressif » français a ses limites, de surcroît, quand il s'accompagne de sanctions drastiques pour les automobilistes qui font de petites infractions. Un excès de vitesse de 5 à 8 km/h n'entraîne pas une perte de contrôle du véhicule ou une augmentation du potentiel de mortalité, par contre il se traduit pour le conducteur par une amende de 90 euros et le retrait d'un point. Pour preuve, en 2011, la vitesse moyenne était de 81,6 km/h et l'on comptait 3 963 tués tandis que, en 2012, celle-ci a augmenté de 0,7 km/h et le nombre de décès a diminué de 8 %. Mais il ne faut pas jouer avec les chiffres dans ce domaine.

Ce ne sont pas les petits excès de vitesse qui sont les responsables de la mortalité sur nos routes ; en revanche, il convient naturellement de sanctionner toujours plus fermement les chauffards sous l'emprise d'alcool et de drogue.

Le pari allemand est payant : l'Allemagne occupe la cinquième place du classement européen en termes de sécurité routière bien avant la France qui se situe en huitième position.

De plus, la manne qui permettait autrefois aux Allemands d'entretenir et d'implanter de nouveaux radars est maintenant investie dans l'amélioration des infrastructures routières.

Il lui demande si le Gouvernement va continuer de miser sur le tout répressif plutôt que sur la qualité de nos infrastructures, et s'il souhaite poursuivre l'infantilisation des automobilistes plutôt que de responsabiliser les comportements.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 21/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2014

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, ma question est relative à la politique de sécurité routière française, qu'il convient de comparer à celle d'autres pays européens de la zone euro.

La répression pratiquée en France avec la multiplication incessante du nombre de radars ne constitue en aucun cas l'unique solution à une politique équilibrée de sécurité routière et de responsabilisation du conducteur.

Le président Chirac en avait fait l'un de ses grands chantiers. Acceptée au début, la mise en place des radars automatiques est aujourd'hui ressentie comme un moyen pour l'État de disposer d'une véritable manne financière, et non comme un outil servant à diminuer le taux de mortalité : les Français ne sont pas dupes sur ce point.

La politique du radar est utile et procure des résultats- on voit la différence avec les pays qui n'en possèdent pas ou qui n'en ont que très peu -, mais elle doit être équilibrée. Le tout-radar est excessif !

Je prendrai l'exemple de l'Allemagne, qui pratique une politique basée sur la confiance et non sur le tout-répressif. Les conclusions sont sans appel : la population de ce pays est supérieure à celle de la France, le nombre de permis en circulation et le parc automobile sont plus importants et pourtant la mortalité sur les routes y est plus faible que chez nous.

Bien sûr, dans les zones urbaines accidentogènes, il existe un contrôle-sanction, mais sur de nombreuses autoroutes, aucune limitation de vitesse n'est appliquée.

Dans ce pays, depuis vingt ans, le nombre d'accidents mortels a diminué de 71 %, malgré une augmentation de 25 % du trafic et de 17 % du nombre de véhicules.

Le tout-répressif, quand il s'accompagne de sanctions drastiques à l'encontre des automobilistes qui commettent de petites infractions, a ses limites. Monsieur le ministre, ne me dites pas qu'un excès de vitesse de cinq à huit kilomètres par heure entraîne une perte de contrôle du véhicule et une augmentation du potentiel de mortalité ! Pourtant, nombreux sont ceux qui sont sanctionnés pour avoir dépassé de peu la vitesse autorisée.

Ces petits excès, qui sont les plus verbalisés, ne sont pas responsables de la mortalité sur nos routes. Ce sont bien les chauffards - ceux qui consomment de l'alcool, qui se droguent ou qui vont trop vite - qu'il convient de sanctionner fermement.

Le pari allemand est payant : notre voisin occupe la cinquième place du classement européen en matière de sécurité routière, alors que notre pays se situe en huitième position.

Monsieur le ministre, pourquoi continuer la politique du tout-répressif ? Il n'échappe à personne que la mission est aussi de remplir les caisses de l'État. Seriez-vous prêt à engager définitivement, dans la concertation, de véritables réformes structurelles d'ampleur, fondées notamment sur un rapport de confiance entre l'État et les automobilistes ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane LeFoll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser le ministre de l'intérieur, qui préside actuellement une réunion de préfets place Beauvau.

Les actions menées par le Gouvernement en matière de sécurité routière ont une seule finalité, que nous partageons tous : sauver des vies. Pour parvenir en dessous du seuil des 2 000 tués par an sur les routes françaises d'ici à la fin de la décennie, le Gouvernement mobilise tous les leviers d'action à sa disposition.

La prévention n'est pas une alternative à la sanction. En matière de sécurité, ces actions sont complémentaires.

Le Gouvernement agit résolument en matière de prévention : l'État conçoit et finance des campagnes de communication nationales, finance des actions de sensibilisation et travaille avec les collectivités locales pour que les infrastructures routières soient plus sûres. Vous le savez, dans chacun de nos départements, des améliorations peuvent toujours être apportées en la matière.

Contrairement à ce que vous indiquez, la lutte contre l'insécurité routière n'a en aucun cas un objectif financier pour l'État. Le contrôle automatisé, directement responsable de la baisse de la vitesse moyenne pratiquée sur les routes, a permis de sauver plus de 30 000 vies.

En 2013, le produit des amendes résultant des infractions constatées par le biais de radars automatisés a représenté 708 millions d'euros. Sur cette somme, 238 millions d'euros ont été reversés aux collectivités locales pour améliorer leur réseau de transport, ce qui est très important, 170 millions d'euros ont contribué au budget de l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, et 61 millions d'euros ont été affectés au désendettement de l'État.

Ces 708 millions d'euros doivent être mis en regard des 21,7 milliards d'euros qu'ont coûtés en 2013 les accidents de la route.

Je souhaite également vous répondre sur la question des petits excès : alors que la part des accidents dus aux grands excès de vitesse a fortement diminué, passant de 38 % à 15 % entre 2001 et 2010, les accidents mortels consécutifs à des excès inférieurs à dix kilomètres par heure représentent désormais 46 % des accidents mortels dus à des excès de vitesse sur le réseau bidirectionnel.

Quant à la lutte contre l'alcool et les stupéfiants, elle constitue également une priorité : plus de 10 millions de contrôles d'alcoolémie, ciblés sur les périodes et les lieux les plus sensibles, ont été menés par les forces de l'ordre l'année dernière.

S'agissant enfin des comparaisons avec l'Allemagne auxquelles vous avez procédé en matière de lutte contre la vitesse excessive, vous me donnez l'occasion de répondre à quelques idées reçues : vous avez évoqué les zones dites « ouvertes » des autoroutes allemandes. Rapportée au kilomètre, la mortalité sur les autoroutes allemandes est plus forte que sur les autoroutes françaises. Par ailleurs, comme vous l'avez indiqué, le nombre de morts rapporté au trafic a baissé de 71,6 % entre 1990 et 2010 en Allemagne. Mais il a diminué de 72,3 % en France durant la même période. Nous avons donc été plus efficaces en ce domaine, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir !

Enfin, alors que le nombre d'accidents corporels diminuait de 20,5 % en Allemagne pendant cette même période, il baissait de 59 % en France.

En déployant sa politique de sécurité routière, le Gouvernement entend donc non pas infantiliser et réprimer à l'excès les Français, mais agir de manière équilibrée sur tous les leviers pour qu'un nombre toujours plus limité de nos concitoyens perde la vie au volant.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, je ne sais pas d'où proviennent vos chiffres : je conteste le fait que 46 % des accidents mortels soient dus à de petites infractions.

Mon propos concerne les toutes petites infractions. Les conséquences de votre politique sont les suivantes : une augmentation du nombre de conducteurs sans permis, qui s'élève à plus de 600 000 en France ; un encouragement, pour nos concitoyens qui habitent le nord de la France, par exemple, à passer leur permis de conduire en Belgique, où celui-ci revient beaucoup moins cher et n'est pas un permis à points, mais est naturellement valable dans toute l'Union européenne.

Telle est votre politique : sanctionner toujours plus les mêmes, à savoir les travailleurs, ceux qui se lèvent tôt le matin, qui perçoivent un salaire ne leur permettant pas d'acheter des points sur internet - cette pratique existe, mais elle est très onéreuse - et pour lesquels la route est synonyme de gouffre financier !

Dans mon département, voilà quinze jours, au cours d'un week-end, 500 verbalisations ont été enregistrées avec les nouveaux radars pour des excès de vitesse, la grande majorité correspondant à de très petites infractions.

Cela étant, monsieur le ministre, l'aspect financier compte bien puisque vous nous avez expliqué que les sommes ainsi perçues étaient en partie affectées au désendettement de l'État.

Le système en cause est synonyme d'une incroyable injustice. Il faut l'adapter, le modifier, et cela en concertation avec les automobilistes et leurs représentants !

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