Question de Mme ALQUIER Jacqueline (Tarn - SOC) publiée le 08/05/2014

Mme Jacqueline Alquier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la création des tribunaux départementaux dans le cadre de la réflexion sur la justice du XXIe siècle. La mise en œuvre d'une juridiction unique de première instance, dont les contours géographiques sont encore inconnus, inquiète nombre d'acteurs du monde judiciaire. Dans le département du Tarn, le tribunal de grande instance de Castres pourrait se voir retirer le statut de juridiction de plein exercice. Dans cette situation, toute la population de la partie Sud du département se retrouverait fortement éloignée du centre des décisions judiciaires. La droite a déjà suffisamment éloigné la justice de nos concitoyens, il ne faudrait pas que la gauche continue de creuser ce fossé. Elle lui demande donc quelles décisions elle compte prendre pour le département du Tarn, afin qu'il ne ressorte pas dépecé des réflexions menées sur la justice du XXIe siècle.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargé du numérique publiée le 21/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2014

Mme Jacqueline Alquier. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux et concerne la mise enœuvre des tribunaux départementaux de première instance, préconisés par la proposition n° 14 du rapport rédigé par M. Marshall, premier président de la cour d'appel de Montpellier.

Ce rapport, intitulé Les Juridictions du XXIe siècle, se situe dans le cadre de la réflexion nationale que le Gouvernement a engagée au cours de l'année 2013. Il a été débattu lors de rencontres nationales sur l'avenir de notre système judiciaire, en janvier 2014, puis un document, Les Scénarios de réforme, a été soumis par la Chancellerie à la concertation des juridictions.

Le 4 février, alertée par le bâtonnier de Castres, j'avais déjà interpellé le Gouvernement par courrier, car selon les critères d'effectifs, le nombre de magistrats du Tarn permet qu'un tribunal de première instance soit fixé à Albi, chef-lieu du département, le TGI de Castres devenant un site détaché.

Or, dans le contexte de ce département, cette décision irait à l'encontre des objectifs d'une réforme que vous avez souhaitée tournée vers le service rendu aux justiciables et respectant les exigences de proximité et de lisibilité.

En effet, la population du département se répartit en deux ensembles démographiques d'un volume quasi identique d'environ 190 000 habitants, l'un autour d'Albi et l'autre autour de Castres.

Les bassins d'emploi dans ces deux ensembles sont équilibrés, ainsi que le volume des contentieux dont sont saisis les deux TGI d'Albi et Castres.

Cette bipolarité équilibrée serait inévitablement mise à mal par le projet qui nous inquiète : la zone géographique ramenée au statut de juridiction détachée serait en situation de faiblesse, éloignée du centre des décisions judiciaires. Parallèlement, la juridiction qui se verrait attribuer le siège du tribunal de première instance serait saturée et ne pourrait faire face à un afflux d'activités en termes tant de personnel, de matériel que de locaux.

L'expérience d'autres départements, notamment de l'Aveyron, qui a vu le TGI de Millau devenir un site détaché, montre qu'à terme l'activité y a été quasiment réduite à néant.

Ainsi, si le concept d'une juridiction de première instance, que vous situez au cœur de la réforme à venir, est perçu positivement car il permettra d'uniformiser les pratiques, il apparaît que sa départementalisation systématique serait aberrante et contraire à l'esprit de la réforme que vous souhaitez, à savoir une réforme menée dans la concertation et permettant de rendre un meilleur service aux justiciables.

Permettez-moi de rappeler ici la recommandation n° 17 de deux de nos collègues sénateurs, Virginie Klès et Yves Détraigne, sur la question de l'opportunité d'un tribunal départemental de première instance : « Créer le tribunal de première instance au siège actuel de chaque TGI, sans imposer par principe un seul tribunal de première instance par département, et créer un réseau de chambres détachées correspondant aux implantations actuelles des tribunaux d'instance. »

Je demande donc à Mme la garde des sceaux de nous rassurer, d'abord sur le maintien d'une juridiction de plein exercice pour les deux TGI du Tarn, comme elle l'a fait, à ma connaissance, concernant un département voisin, celui de l'Aude, ensuite, plus largement, sur les moyens qui seront mis en œuvre pour pérenniser les juridictions de proximité, déjà attaquées en 2007 par la carte judiciaire qu'avait voulu imposer Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux, à laquelle nous nous étions déjà opposés, avec succès, dans le département du Tarn, les arguments développés alors restant d'actualité.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice, Mme la garde des sceaux vous prie de bien vouloir excuser son absence, les contraintes de son agenda ne lui permettant pas d'être parmi nous ce matin.

Vous avez bien voulu appeler son attention sur les conséquences qu'aurait la création des tribunaux départementaux dans le cadre de la réflexion sur la justice du XXIe siècle, et plus particulièrement sur la disparition du tribunal de grande instance de Castres, dans le département du Tarn. Vous vous faites ainsi l'écho des professionnels de justice de la région, qui souhaitent le maintien de cette juridiction.

Il me semble important de rappeler le contexte et la méthode. Conformément aux engagements pris par Mme la ministre de la justice, à la suite des préconisations du rapport Daël, et contrairement aux orientations du gouvernement précédent, plusieurs juridictions ont été rouvertes : les TGI de Tulle, Saint-Gaudens et Saumur fonctionneront en septembre prochain. Des chambres détachées ont aussi été créées, là où cela s'avérait nécessaire. La démarche de la Chancellerie est ainsi de renforcer la justice de proximité, au plus près des besoins des citoyens.

C'est dans cet objectif que Mme la garde des sceaux a engagé une réflexion sur l'organisation judiciaire de première instance, laquelle, après le débat national des 10 et 11 janvier dernier à la maison de l'UNESCO à Paris, s'est poursuivie dans l'ensemble des juridictions. Toutes ont répondu, et l'ensemble des professions du droit a été consulté. Les contributions sont très nombreuses, et l'analyse des services de la Chancellerie sera prochainement communiquée.

Vous le voyez, il s'agit d'une consultation de très grande ampleur, réalisée sur l'ensemble du territoire national, la méthode consistant à analyser les besoins locaux.

Mme la ministre annoncera prochainement, conformément au calendrier qu'elle avait fixé, les premières mesures de la réforme judiciaire.

Je peux d'ores et déjà vous confirmer, comme Mme Taubira l'a fait devant le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers, ainsi qu'auprès de tous les parlementaires qui l'interpellent sur ce sujet important, qu'aucun tribunal de grande instance ne sera supprimé.

La réforme judiciaire permettra à la justice d'être au plus près des besoins de droit et le Gouvernement sait combien ils sont importants dans votre région.

Nous mesurons tout l'attachement que vous-même et vos concitoyens portez au maintien du service public de la justice sur votre territoire. Soyez assurée de l'attention que Mme Taubira porte à la situation de la région Midi-Pyrénées, et plus particulièrement au département du Tarn.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Votre réponse témoigne de l'attention que vous portez à la situation du Tarn et aux réflexions qui ont pu être menées. Nous souhaitons être entendus, dans la mesure où nous avons déjà interpellé plusieurs fois le Gouvernement sur ce sujet.

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