Question de M. POHER Hervé (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 22/05/2014

M. Hervé Poher appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'application de l'article 56 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Cet article instaure, de fait, la création d'une nouvelle compétence obligatoire pour les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI).

Dans le cadre de cette compétence, les collectivités ont la possibilité de mettre en place une taxe dont le montant maximum est de quarante euros par habitant. Or, sa mise en application pose des difficultés dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord.

En effet, la zone des polders, dite zone des wateringues, dans la plaine des Flandres et à cheval sur le département du Nord et celui du Pas-de-Calais, est directement touchée par cette nouvelle disposition.

Il lui rappelle que cette zone est gérée, depuis des siècles, par des associations élues par les propriétaires terriens et dénommées : sections de wateringues. Elles équipent, surveillent et gèrent le maillage de canaux et de fossés qui compose le réseau des watergangs. Elles vivent grâce à une redevance demandée à tous les habitants de la zone wateringue. Cela représente près de 400 000 personnes.

À la fin des années 1970, les deux départements, Nord et Pas-de-Calais, se sont réunis afin de créer l'institution interdépartementale des Wateringues, structure chargées de mettre en place, de gérer et d'entretenir les ouvrages d'évacuation à la mer (écluses, pompes…). Cette structure est donc complémentaire de l'action des sections.

À partir de 2007, à la demande du ministère de l'environnement et faisant suite à des épisodes d'inondation, une réflexion a été entamée afin de réorganiser l'ensemble du système décisionnel et d'intervention. Cette réflexion est conduite par les services de l'État avec les départements et les collectivités locales. Les dernières hypothèses conduisaient à imaginer la création d'un syndicat mixte alliant sept EPCI, les deux départements et les sections de wateringues.

Dans tous les scénarii envisagés, les sections de wateringues demeuraient un élément incontournable parce que proches du terrain. Et elles gardaient leurs caractéristiques : élections, financement. Or, la mise en place de la GEMAPI va aboutir à une prise de compétence par sept intercommunalités qui vont, probablement, mettre en place la taxe prévue par la loi.

En conséquence, on pourra trouver deux types de contribuable sur un même territoire et regretter une inégalité de traitement. Certains paieront une taxe prélevée par l'EPCI alors qu'ils ne sont pas directement concernés par le système wateringues, quand d'autres devront payer une taxe, pour l'EPCI, plus une redevance, pour les sections de wateringues, parce qu'ils habitent en zone wateringues.

Cette double imposition, en particulier, pose problème. Les acteurs locaux savent que la cohabitation taxe/redevance est légalement possible mais cela amènera un fort sentiment d'incompréhension et d'injustice de la part de nos concitoyens qui devront s'acquitter des deux impôts.

En outre, l'absorption et le financement des sections de wateringues, par un grand syndicat mixte ou par une structure similaire, permettant ainsi de supprimer la redevance, semble peu raisonnable, voire irréalisable.

Aussi lui demande-t-il quelles dispositions rapides il entend prendre, pour lever toutes les difficultés énoncées ci-dessus, dans l'application de la GEMAPI, et pour éviter une double imposition injuste pour certaines catégories de la population.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 04/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2014

M. Hervé Poher. Madame la secrétaire d'État, j'aimerais appeler l'attention du ministère de l'intérieur, du ministère des finances, voire du ministère de l'environnement sur l'application des articles 56 à 59 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

En effet, à compter du 1er janvier 2016, les communes ou leurs groupements se voient transférer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, communément appelée la GEMAPI, et auront de façon concomitante la possibilité d'instaurer une taxe pour financer cette nouvelle compétence.

Cette disposition, précisément, pourrait poser quelques problèmes aux habitants de la zone des polders, dite« pays des wateringues », dans la plaine des Flandres, à cheval sur le Nord-Pas-de-Calais.

Cette zone géographique recouvre sept intercommunalités, qui appliqueront, selon toute probabilité, la taxe pour financer la compétence GEMAPI, et cela concerne près de 400 000 habitants.

Le résultat sera le suivant : on pourra trouver sur un même territoire deux types de citoyens.

Les premiers paieront une taxe, prélevée par l'EPCI, alors qu'ils ne sont pas dans une zone de wateringues. À l'extrême, cette position peut être justifiée par la solidarité.

Les seconds devront payer une taxe pour l'EPCI et une redevance pour les sections de wateringues, parce qu'ils habitent en zone de wateringues. Cette double imposition nous pose problème. Les acteurs locaux savent que la cohabitation entre la taxe et la redevance est légalement possible, mais cela créera un sentiment d'injustice et d'incompréhension évident de la part de certains de nos concitoyens, pour ne pas dire plus !

Ma question est donc simple, madame la secrétaire d'État : comment, dans cette zone unique en France, sachant que les effets du réchauffement climatique obligeront à être de plus en plus interventionniste, peut-on mettre en place la disposition GEMAPI sans appliquer une double imposition à certaines catégories de la population ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je salue votre implication pour votre belle région du Nord-Pas-de-Calais qui est assez particulière. Vous le soulignez d'ailleurs avec ce problème très spécifique concernant le risque d'inondation et de submersion qui, au-delà des départements du Pas-de-Calais et du Nord que vous signalez, concernerait environ 19 000 communes et presque un habitant sur quatre.

Les catastrophes de ces trente dernières années et de ce début de siècle, ou encore très récemment en Bretagne et dans le Sud-Ouest, ont démontré, si besoin en était, la vulnérabilité de nombreux points du territoire français au risque d'inondation.

C'est pour cette raison que vous avez souhaité à une très large majorité, et avec le soutien du Gouvernement, introduire dans la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles une compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, dite GEMAPI, compétence qui est confiée à titre obligatoire au bloc communal, au 1er janvier 2016.

Cette compétence ne remet évidemment en cause ni l'obligation d'entretien des cours d'eau des propriétaires riverains ni les missions exercées par les associations syndicales de propriétaires, comme le prévoit l'article 59 de la loi.

Les « sections de wateringues »,spécificités des départements du Pas-de-Calais et du Nord, sont des associations syndicales de propriétaires. Leurs missions sont donc préservées.

Concernant plus précisément le volet financier, la compétence GEMAPI a été accompagnée de la création d'une ressource fiscale dédiée et facultative dont le plafond est fixé à 40 euros par habitant.

Vous m'interrogez sur l'articulation de cette taxe avec la taxe dite « de wateringues », perçues dans les polders situés dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord. Vous mentionnez à juste titre une différence de nature juridique entre la taxe dite « de wateringues », qui doit s'analyser comme une redevance pour services rendus aux propriétaires riverains, et la taxe GEMAPI, qui constitue une contribution fiscale perçue auprès de tous les redevables assujettis aux taxes locales sur le territoire de la collectivité.

La taxe dite « de wateringues » et la taxe GEMAPI, si elles visent le même objectif, ont cependant des objets différents.

La redevance syndicale finance des travaux dont la nature et l'étendue sont définies par les cahiers des charges d'exploitation des associations syndicales de propriétaires. Son montant doit tenir compte de l'intérêt pour chaque propriété de l'exécution des missions de l'association. Le produit de la taxe GEMAPI, de son côté, est affecté au financement global des charges de fonctionnement et d'investissement, lesquelles comprennent les charges constituées par le coût de renouvellement des installations ainsi que par le remboursement des annuités des emprunts, résultant de l'exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

Par ailleurs, la taxe GEMAPI est facultative et, s'agissant d'une ressource affectée, les collectivités ne seront amenées à la lever qu'à la condition que la taxe dite « de wateringues » soit jugée insuffisante pour financer les infrastructures.

Si les collectivités choisissent d'instituer la taxe, son montant sera déterminé au regard du coût prévisionnel annuel résultant de l'exercice de la compétence GEMAPI, minoré par les interventions réalisées par les sections de wateringues.

Autrement dit, la taxe GEMAPI a vocation non pas à doublonner la taxe dite « de wateringues », mais à la compléter, pour que la compétence puisse être exercée comme sur le reste du territoire.

L'ambition du dispositif GEMAPI n'est pas de remettre en cause l'existant, qui démontre son efficacité localement ; elle est d'offrir les moyens juridiques et financiers aux collectivités qui font face à de réelles difficultés et qui sont dépourvues de moyens d'action.

Ma réponse devrait vous rassurer, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher.

M. Hervé Poher. Madame la secrétaire d'État, votre réponse très complète, dont je vous remercie, me laisse quelque peu perplexe, s'agissant d'un certain nombre de points.

Le système des wateringues a été créé sous Louis-Philippe ; avec la montée du niveau de la mer et différentes autres modifications climatiques, il était à bout de souffle.

En 2007, le ministère de l'environnement nous a demandé de revoir notre système. Nous avons donc entamé une réflexion à cette fin. Nous avons notamment imaginé la création d'un syndicat interdépartemental des wateringues chargé de gérer tous les ouvrages d'évacuation à la mer, par exemple les écluses et les pompes, qui représentent 120 mètres cubes à la seconde lorsque le dispositif fonctionne dans sa totalité.

Auparavant, cette institution était gérée par le couple composé, d'une part, des sections de wateringues et, d'autre part, des départements, qui en étaient les financeurs. À la demande de l'État, nous avons procédé à un réexamen de l'ensemble du système et avons décidé, à la suite de l'adoption de la loi GEMAPI, d'instaurer un triptyque : sections de wateringues, EPCI et départements.

Nous venons d'apprendre que les départements allaient disparaître. Les EPCI vont-ils récolter la charge de l'institution ? Les sections pourront-elles assumer tout cela ? Nous n'en savons rien, et l'interrogation est totale.

Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, les EPCI ne sont certes pas obligés de créer la taxe, mais vous savez très bien qu'ils le feront automatiquement lorsqu'on leur en donnera la compétence.

Une étude a été réalisée par une mission d'expertise économique et financière. Selon celle-ci, nous pourrions compter sur 5 millions d'euros d'investissements sur plusieurs années en n'appliquant que 6,92 euros par feuille d'impôt. Mais quelle sera la réaction des contribuables lorsqu'ils apprendront qu'ils doivent payer deux fois ? Chez nous comme ailleurs, les gens ont quelquefois la tête près du bonnet ! Je préfère donc vous prévenir des conséquences de tels changements !

Les services de l'État, avec lesquels nous travaillons en toute tranquillité et pleine confiance, et nous-mêmes allons être très ennuyés. Un système fonctionne, il a fait ses preuves. Le niveau de la mer est en train de monter. Or, bien que nous sachions que nous nous dirigeons, à échéance plus ou moins proche, vers une catastrophe, nous sommes impuissants, dans la mesure où nous serons confrontés à un problème social. Même 6 euros - au rythme où les choses avancent, ce ne sera même plus le prix d'un paquet de cigarettes -, par principe, les habitants n'ont pas à les payer en plus !

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