Question de M. ÉBLÉ Vincent (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 13/06/2014

Question posée en séance publique le 12/06/2014

Concerne le thème : Les territoires ruraux et la réforme territoriale

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous saluons l'objectif du Gouvernement annoncé par le Premier ministre d'entamer une réforme territoriale.

Cette réforme, nécessaire pour optimiser la conduite des politiques publiques, suscite des interrogations, notamment eu égard à la disparition annoncée des conseils généraux au profit de régions renforcées, des métropoles et des intercommunalités.

Si la capacité de reprise des compétences départementales par les métropoles et les grandes intercommunalités ne semble pas poser de difficultés majeures dans les zones très denses, nous sommes plus circonspects à l'endroit des territoires à densité moyenne ou faible, dits « ruraux » et « périurbains ».

Comme l'a souligné le rapport de MM. Raffarin et Krattinger, le département, en raison de ses compétences de proximité, est le premier échelon de la décentralisation. Il possède une forte capacité fonctionnelle, à la fois instance de cohésion sociale – il est compétent en matière d'insertion, de dépendance, de handicap, de protection de l'enfance en danger – et instance irremplaçable d'expression des besoins spécifiques de la ruralité, assurant une péréquation de fait entre ville et campagne. Il a notamment été le fédérateur des intercommunalités, au profit desquelles il a exercé une fonction d'ingénierie.

Le conseil général est l'interlocuteur naturel des maires, qui estiment que le département présente un intérêt majeur pour le territoire de leur commune. Dans la perspective de la suppression de cet échelon, les débats qui s'ouvriront dans les prochains jours doivent permettre de trouver les bons outils de l'action publique pour prendre en considération le devenir de ces territoires ruraux.

Toutefois, la notion de ruralité visée par le Gouvernement paraît peu précise. À titre d'exemple, de par sa nature, le département dont je suis l'élu, la Seine-et-Marne, est un territoire hétérogène : une large zone ouest de densité moyenne aux fonctions métropolitaines avérées – pôle de Roissy, villes nouvelles de Marne-la-Vallée et de Sénart, ville-préfecture de Melun et son agglomération – y côtoie des territoires à l'est dont la densité de population est beaucoup plus faible et où la reprise des politiques publiques conduites par les conseils généraux semble extrêmement délicate au vu des outils dont disposent les communes et les intercommunalités de faible taille.

Avec une telle mixité au sein d'un même département, comment qualifier la Seine-et-Marne ? La question se pose dans les mêmes termes pour toutes les zones périurbaines situées en périphérie des métropoles et des grandes intercommunalités.

La disparition des conseils généraux marquerait une perte de dynamique pour ces territoires. Il convient donc de trouver le bon échelon et la bonne répartition des compétences pour leur permettre de conserver une réelle dynamique de développement.

Nous savons que le Gouvernement est très attentif aux problématiques des territoires à faible densité. Nous souhaiterions par conséquent connaître ses intentions et ce qu'il envisage dans le projet de loi à venir.

- page 4789


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 13/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 12/06/2014

M. André Vallini,secrétaire d'État. Vous savez de quoi vous parlez, monsieur le sénateur, puisque vous présidez avec beaucoup d'efficacité et d'investissement personnel le conseil général de Seine-et-Marne. Je vais reprendre, pour vous répondre, les propos que je tenais à l'instant à l'endroit de M. Pillet : comme vous le suggérez, nous devons réfléchir ensemble- Parlement, Gouvernement et élus départementaux,via, singulièrement, l'Assemblée des départements de France et son président, Claudy Lebreton - à l'avenir de l'échelon départemental, en faisant preuve d'esprit de responsabilité, d'intelligence collective et de sens des réalités.

La plupart des grands pays européens ont mené une réforme pour réduire le nombre d'échelons de leur organisation territoriale. La France est le dernier pays à connaître autant d'échelons : les communes, les syndicats de communes, les syndicats de pays, les départements et les régions.

Le bloc communal, par exemple, est constitué, en plus des communes, des syndicats intercommunaux et des syndicats de pays. Pour ne vous donner que quelques chiffres, monsieur le sénateur, je vous indique qu'il existe encore 13 400 syndicats intercommunaux, notamment les syndicats intercommunaux à vocations multiples, les SIVOM, et les syndicats intercommunaux à vocation unique, les SIVU, dont 5 800 sont compris dans le périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale. Pourquoi ne pas faire absorber ces derniers par la communauté de communes ou d'agglomération dans laquelle ils sont compris ?

Il faut simplifier, rationaliser ce paysage administratif territorial ; il faut faire monter en puissance les intercommunalités- le processus est en marche -, agrandir les régions et, comme vous le signalez, trouver le bon réglage, le bon niveau, en matière de politique de solidarité, particulièrement en direction des personnes les plus fragiles, actuellement menée par les conseils généraux. Sera-ce la mission des communautés de communes agrandies, ou bien, sans doute, des métropoles et des communautés d'agglomération ?

Vous avez raison de le souligner, le problème se pose dans les zones de certains départements qui ne sont ni tout à fait urbaines ni tout à fait rurales. Il en existe dans mon département : en s'éloignant d'une cinquantaine de kilomètres de l'agglomération grenobloise, et avant d'arriver dans la montagne, très isolée et reculée, on trouve ces zones intermédiaires.

Nous avons quatre ans pour trouver le meilleur échelon, à même de faire jouer la solidarité entre les territoires favorisés et ceux qui le sont moins, parmi lesquels figurent notamment ceux auxquels vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, et qui suscitent votre souci tout à fait légitime.

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour la réplique.

M. Vincent Eblé. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous avoir indiqué en particulier que vous souhaitez que ce sujet fasse l'objet d'une élaboration collective. Nous y sommes prêts, évidemment, et je dirai même que nous en avons l'appétit.

À mon sens, il ne peut y avoir une seule solution. Il faudra que la future loi prévoie une forme de souplesse, qui permette une adaptation en fonction de la réalité territoriale. En effet, la France est composée de territoires extrêmement divers, et il sera nécessaire de trouver des solutions adaptées à la réalité particulière de chacun d'eux.

En tant que président d'un département de la grande couronne francilienne, je vis cette différence des territoires au quotidien. La réforme qui s'engage devra répondre à cette réalité particulière. J'y serai, en tous les cas, très vigilant.

- page 4790

Page mise à jour le