Question de M. PATRIAT François (Côte-d'Or - SOC) publiée le 20/06/2014

Question posée en séance publique le 19/06/2014

M. François Patriat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Elle n'est pas purement technique, comme son intitulé pourrait le laisser penser, car elle intéresse une filière qui contribue beaucoup à la notoriété de la France, qui est créatrice d'emplois et qui est donc importante pour l'économie.


M. René-Paul Savary. Absolument !


M. François Patriat. Il s'agit de la filière vitivinicole qui, vous le savez, est très mobilisée depuis que la Commission européenne a décidé, en 2008, de libéraliser les droits de plantation dans notre pays.

Tout le monde s'est mobilisé, les viticulteurs, les vignerons, les professionnels et les élus locaux, les élus nationaux, les parlementaires français se rapprochant de leurs homologues européens afin de s'élever contre cette dérégulation qui constitue une menace latente pour la qualité de notre potentiel.

Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier d'avoir su rassembler autour de vous, lors de la renégociation de la PAC, les États européens. Vous avez réussi à obtenir une majorité qui a remis en cause cette libéralisation et obtenu que l'on en revienne à un système d'autorisation, garant de la qualité de notre potentiel vitivinicole.

Maintenant, il s'agit de passer aux actes, d'appliquer et d'exécuter la décision. Or la Commission tente aujourd'hui de détourner la décision que vous avez obtenue en permettant une libéralisation déguisée.

Je m'explique. Les vins qui sont sans AOC et sans IGP – c'est-à-dire les vins de table – pourraient, demain, être plantés sur des territoires d'AOC. Et à partir du moment où ils respectent les règlements de ces territoires, ils pourraient obtenir, de façon déguisée, l'appellation d'origine contrôlée ou l'indication géographique protégée sans que les professionnels puissent s'y opposer.


M. Jean-Pierre Sueur. C'est un détournement !


M. François Patriat. De plus, des vignes destinées à la production de vins de table pourraient à l'avenir être arrachées dans une certaine partie du territoire – je n'en cite aucune – et replantées dans des territoires AOC, la Bourgogne ou le Bordelais, par exemple, obtenant ainsi, de façon détournée, une appellation. Quelques dizaines de milliers d'hectolitres risqueraient donc de venir menacer l'équilibre économique que nous tentons de préserver.

Vous avez réussi, monsieur le ministre, à réunir une plateforme avec treize États européens, mais il semble que la Commission veuille aller au bout de sa démarche.

Je vous demande donc comment nous pouvons vous accompagner, vous aider ou mener des actions pour empêcher que cette libéralisation soit menée à son terme et permettre l'application de la décision que vous avez courageusement obtenue lors de la réforme de la PAC. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)


M. Didier Guillaume. C'est une très bonne question !

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 20/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 19/06/2014

M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez d'abord rappelé la bataille que nous avons conduite sur la question des droits de plantation.

Quel était l'esprit de cette bataille pour obtenir la remise en cause de l'accord signé en 2008 visant à supprimer les droits de plantation ? La Commission et ceux qui avaient conclu ledit accord entendaient stimuler le développement de la production viticole en Europe, afin d'accéder à un marché mondial du vin dont la progression suit le rythme de la consommation.

Cela comportait un risque, qui a été rappelé : en développant les plantations de vignes sans aucune régulation, on pouvait aboutir à remettre en cause la qualité, l'origine, les AOC et l'ensemble des IGP, tout ce qui constitue l'enjeu majeur en matière de vin.

Tel était donc l'objectif. Nous avons remis en cause le projet de la Commission. La bataille qui a lieu désormais porte non pas sur l'objectif qui était le nôtre, à savoir revenir sur la libéralisation, mais sur les moyens d'appliquer, au niveau des actes délégués, le retour aux droits de plantation.

C'est à ce niveau, vous l'avez parfaitement indiqué, monsieur le sénateur, qu'est désormais engagée la bataille avec la Commission, pour empêcher que l'on revienne, de manière déguisée, sur les mesures proposées en 2008, celles-là mêmes que nous avions contestées et remises en cause en réclamant le retour des droits de plantation.

Nous devons nous battre sur plusieurs critères. J'ai envoyé à ce sujet au commissaire européen une lettre, dans laquelle j'ai évoqué les questions de régionalisation de ces droits, de critères, notamment de cépages, de production et de productivité,...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est différent...

M. Stéphane Le Foll,ministre.... ainsi que de niveau de plantation, autant d'éléments qui doivent être intégrés en un seul objectif : éviter qu'une replantation, sans aucune régulation, ne finisse par remettre en cause les AOC et les IGP. C'est cela, l'enjeu !

Un plan stratégique m'a été présenté ce matin. L'ensemble de la profession vitivinicole française a en effet travaillé sur l'objectif à viser dans les années qui viennent. Il s'agit, à la fois, de protéger les IGP et les AOC et de développer ce qui fait en partie défaut dans la production viticole française, c'est-à-dire l'exportation, surtout des vins de cépage.

Il faut être conscient que la bataille immédiate se joue sur les actes délégués. Nous devrons tous ensemble, nous qui connaissons les vins des différentes régions, faire en sorte que l'application de ces nouvelles règles soit cohérente pour l'ensemble du vignoble français. En effet, j'ai connu, comme vous, des situations de concurrence entre les régions...

Nous devons être capables d'assumer nos responsabilités. Je compte donc sur votre soutien, aujourd'hui, pour la négociation en cours sur les actes délégués et, demain, sur l'organisation du marché viticole français.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

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