Question de M. CAFFET Jean-Pierre (Paris - SOC) publiée le 04/07/2014

Question posée en séance publique le 03/07/2014

M. Jean-Pierre Caffet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur le climat social régnant dans le pays et sur l'incertitude pesant sur la tenue de la grande conférence sociale prévue pour la semaine prochaine –incertitude qui semble toutefois relever autant de postures que de préoccupations fondées.

La menace qui plane sur ce rendez-vous démocratique tient avant tout aux pressions exercées par les organisations patronales bien que le Gouvernement ait tenu ses engagements en matière d'amélioration de l'environnement et de la compétitivité des entreprises.

Je ne rappellerai pas dans le détail l'ensemble de la politique menée par le Gouvernement dans ce domaine, mais je soulignerai que jamais, dans le passé, les efforts consentis en faveur des entreprises en matière fiscale et de coût du travail, au travers de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et du pacte de responsabilité, n'avaient atteint un tel niveau : 40 milliards d'euros à l'horizon 2017.

Certes, nous pouvons comprendre que des difficultés se posent sur un certain nombre de sujets, comme la mise en œuvre du compte individuel de prévention de la pénibilité ou la réforme des temps partiels, qui instaure une durée minimale de travail de vingt-quatre heures hebdomadaires pour les nouveaux contrats. Nous approuvons l'action menée par le Gouvernement pour sécuriser juridiquement ces nouvelles dispositions et trouver les meilleures modalités d'application, dans l'intérêt des entreprises, mais aussi – et peut-être surtout – dans celui des salariés.

Mais, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, il est clair que le patronat ne peut se livrer indéfiniment à une surenchère permanente, s'en tenir à un attentisme peu responsable et se comporter comme un simple lobby dépourvu de responsabilités propres au regard de l'avenir du pays.

Si j'ai mentionné les mesures relatives à la prise en compte de la pénibilité du travail et à la durée minimale des temps partiels, ce n'est pas simplement parce que ces deux sujets sont d'actualité ; c'est aussi parce que ces réformes sont emblématiques de la démarche de dialogue social qui marque ce quinquennat.

Cette démarche, à laquelle nous sommes très attachés, consiste à trouver des solutions équilibrées pour faire avancer le pays, et donc à assortir les efforts demandés à nos concitoyens de contreparties ou de nouvelles avancées sociales, négociées ou décidées par le Gouvernement après concertation, puis ratifiées par le Parlement.

C'est ainsi que la prise en compte de la pénibilité du travail constitue une contrepartie de justice à l'allongement de la durée de cotisation. De même, le socle minimal de vingt-quatre heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel représente un indéniable progrès : pour les femmes, bien sûr, qui subissent au premier chef le temps partiel imposé, mais aussi pour l'ensemble des salariés, dans la mesure où cette durée de travail minimale ouvre des droits supplémentaires en matière de couverture santé et de formation professionnelle.

Monsieur le Premier ministre, nous sommes conscients que, pour renouer avec la croissance et l'emploi, notre pays a besoin de réformes et, sans doute plus que jamais, de dialogue social. Dans le contexte difficile que nous traversons, pouvez-vous nous faire part de votre conception du dialogue social et des initiatives que vous comptez prendre en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 04/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2014

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Caffet, le dialogue social est plus qu'une méthode ; c'est une condition de la réussite des réformes. Faire confiance au dialogue social n'est pas un choix de circonstance. Nous sommes convaincus qu'il représente le meilleur chemin pour lever les blocages qui entravent notre pays et prévenir le risque d'enlisement.

Pour que le dialogue social soit fructueux, il faut des partenaires sociaux forts, qui s'engagent et qui soient respectés. Vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays est traversé de tensions, que reflète l'action des forces syndicales et patronales. Il reste que chacun doit dépasser les postures et avoir le courage de prendre ses responsabilités. On a pu prendre la mesure des difficultés lors de conflits récents, tels que ceux de la SNCF ou des intermittents du spectacle.

En disant cela, je pense d'abord aux organisations patronales. Lors de la présentation du pacte de responsabilité voulu par le Président de la République et dont les premiers éléments ont été massivement votés par l'Assemblée nationale cette semaine, j'ai confirmé la trajectoire que j'avais annoncée dans ma déclaration de politique générale.

En ce qui concerne la mise en place du compte individuel de prévention de la pénibilité, M. Rebsamen a répondu tout à l'heure. Nous organisons une montée en charge progressive du dispositif à partir du 1er janvier 2015 pour donner corps à ce droit nouveau. Vous le savez tous, vous qui rencontrez, comme moi, des chefs d'entreprise et des artisans sur le terrain : il fallait être pragmatique dans la mise en œuvre du compte de prévention de la pénibilité dans les PME, les PMI et les entreprises de taille intermédiaire, où travaillent la majorité de nos concitoyens. C'est sur ces entreprises que nous devons concentrer nos efforts. Nous devons aussi être attentifs à certaines situations particulières, par exemple celle des entreprises du bâtiment. En effet, ce secteur joue un rôle crucial dans la relance de la croissance.

S'agissant enfin du temps partiel, comme l'a indiqué M. Rebsamen, nous sécurisons la relation entre le salarié et son employeur, sans remettre en cause l'avancée inscrite dans la loi relative à la sécurisation de l'emploi.

Dans le traitement des trois dossiers que je viens de mentionner, il fallait de la clarté : c'est la condition de la réussite, pour l'emploi et pour l'effectivité des droits. En effet, il ne s'agit pas uniquement de proclamer des droits, il faut que ceux-ci s'appliquent concrètement dans les entreprises ! Ce qui m'intéresse, c'est de fonder des droits réels, non des droits virtuels.

Comme je l'ai déclaré hier dans un entretien accordé au journal Les Échos, la balle est maintenant dans le camp des organisations patronales : il leur incombe de renoncer aux postures, de s'engager et de respecter leur parole !

J'entends les interrogations et les réactions des différentes organisations syndicales, qui s'exprimeront lors de la grande conférence sociale que le chef de l'État ouvrira lundi prochain. Je sais très bien ce que la France doit à leur engagement en faveur des réformes entreprises ces deux dernières années. De nombreux accords ont été signés, relatifs au marché du travail, aux retraites, à la formation, pour ne citer que ces quelques exemples. J'invite les organisations syndicales à ne pas avoir peur de mettre les sujets sur la table, d'en parler même s'ils sont difficiles, sans se focaliser sur les mots.

Ainsi, parler des seuils, c'est, dans mon esprit, parler de simplification, mais c'est aussi chercher les moyens de donner à tous les salariés une représentation dans laquelle ils se reconnaissent et qui permette un vrai dialogue sur la marche de l'entreprise. Actuellement, dans l'immense majorité des entreprises comptant entre dix et vingt salariés, ils ne sont pas représentés.

Parler de simplification, c'est aussi se donner les moyens de garantir l'effectivité des règles, parce que la complexité de celles-ci est souvent le meilleur prétexte pour ne pas les appliquer, au détriment des salariés.

La grande conférence sociale qui se tiendra dans quelques jours nous permettra de débattre de ces questions, de trouver ensemble les leviers d'action propres à développer l'emploi et à redresser le pays, ainsi que, je l'espère, de nous mettre d'accord sur une feuille de route pour aborder des sujets tels que l'emploi des jeunes, celui des seniors, la formation et l'apprentissage, qui devront être au cœur de nos échanges.

Pour ma part, je fais confiance aux partenaires sociaux et je crois au dialogue social. Bien sûr, je crois aussi à la nécessité de l'intervention de la loi et de l'action gouvernementale lorsque cela est nécessaire, mais je suis convaincu que cette conférence sociale sera un moment important pour notre pays, si chacun assume pleinement ses responsabilités. Le Gouvernement, en tout cas, assumera totalement les siennes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)

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