Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 31/07/2014

Mme Aline Archimbaud attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les liens et accords existants entre l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

L'accord WHA 12-40 signé entre ces deux agences le 28 mai 1959 stipule notamment que l'AIEA et l'OMS reconnaissent qu'elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été fournis. En 1986, la mainmise de l'AIEA a, de surcroît, été renforcée par les conventions sur la notification rapide d'un accident nucléaire et sur l'assistance en cas d'accident nucléaire.

Cela n'est pas rassurant pour la transparence concernant les conséquences de la radioactivité sur la santé.

Très concrètement, l'OMS n'est intervenue que cinq ans après le début de la catastrophe de Tchernobyl, sollicitée pour un rapport finalement fait par l'AIEA, et elle continue d'affirmer que cette catastrophe a provoqué moins d'une cinquantaine de morts. De plus, elle a omis de publier les rapports des conférences de 1995 et 2001 sur les conséquences de Tchernobyl, au cours desquelles des informations très gênantes pour le « lobby » nucléaire ont été présentées.

Concernant Fukushima, l'OMS n'a pas protesté lorsque le gouvernement japonais a remonté la norme admissible pour les populations de 1 à 20 msviert/an, norme réservée aux travailleurs du nucléaire. De plus, elle a publié en 2013 un rapport citant des chiffres inférieurs y compris à ceux que Tepco et le lobby nucléaire ont reconnus.

Dernière alerte en date : l'OMS a supprimé son département « radiation » il y a quelques années.

Elle lui demande donc si, comme représentante de la France à l'OMS, elle compte s'investir pour proposer que soit mis à l'ordre du jour de la prochaine assemblée mondiale de l'OMS en mai 2015 la question du rétablissement du département radiation. Elle lui demande, en outre, si elle a l'intention de demander l'instauration d'une commission sur les rayonnements ionisants et la santé pour examiner et étudier scientifiquement les conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl et de Fukushima, qui serait exclusivement composée d'experts indépendants, qui n'ont aucune relation, financière ou autre, avec l'industrie nucléaire ni avec des associations de l'industrie nucléaire.

Elle lui demande enfin si elle compte défendre la révision de l'accord signé entre l'OMS et l'AIEA, le 28 mai 1959, en proposant des amendements qui permettront à l'OMS d'accomplir, dans le domaine des rayonnements ionisants et de la santé, son mandat selon les articles 2a, 2n et 2q de sa constitution (agir dans le domaine de la santé, en tant qu'autorité directrice et coordinatrice des travaux ayant un caractère international ; stimuler et guider la recherche dans le domaine de la santé ; fournir toutes informations, donner tous conseils et assistance dans le domaine de la santé).

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Transmise au Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 15/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2014

Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d'État, l'accord signé le 28 mai 1959 entre l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, et l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, stipule notamment que ces deux agences reconnaissent qu'elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été fournis.

En 1986, la mainmise de l'AIEA a, de surcroît, été renforcée par un certain nombre de conventions. Cette situation n'est pas rassurante en termes de transparence concernant les conséquences de la radioactivité sur la santé.

Très concrètement, l'OMS n'est, par exemple, intervenue que cinq ans après le début de la catastrophe de Tchernobyl. Elle a été sollicitée pour établir un rapport qui a finalement été rédigé par l'AIEA, et elle continue d'affirmer que cette catastrophe a provoqué moins d'une cinquantaine de morts.

De plus, l'OMS a omis de publier les rapports des conférences de 1995 et de 2001 sur les conséquences de Tchernobyl, au cours desquelles des informations très gênantes pour le lobby nucléaire ont été présentées.

Concernant Fukushima, l'OMS n'a pas protesté lorsque le Gouvernement japonais a remonté la norme admissible pour les populations de 1 à 20 millisieverts par an, niveau réservé aux travailleurs du nucléaire. De surcroît, elle a publié en 2013 un rapport évoquant des chiffres inférieurs même à ceux que Tepco et le lobby nucléaire ont admis.

Dernière alerte en date, l'OMS a supprimé son département « radiations » voilà quelques années.

Madame la secrétaire d'État, la ministre des affaires sociales et de la santé compte-t-elle défendre, en tant que représentante de la France à l'OMS, la révision de l'accord de 1959, pour permettre à cette organisation d'accomplir son mandat dans le domaine des rayonnements ionisants et, plus généralement, de la santé ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, l'accord du 28 mai 1959 entre l'AIEA et l'OMS précise l'articulation des compétences et les modalités de consultation et de coopération entre les deux agences. La clause de confidentialité est une disposition transversale aux accords onusiens, et c'est bien l'OMS qui est responsable de l'évaluation du risque sanitaire, y compris en cas d'accident nucléaire.

Afin de favoriser une meilleure connaissance des effets du rayonnement émis par tout type de source nucléaire, l'Assemblée générale des Nations unies a créé, en 1955, le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants, l'UNSCEAR. Il réunit vingt-sept États membres, dont la France, qui participe activement à ses travaux techniques. Le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants a publié des rapports de référence sur les accidents de Tchernobyl, ainsi qu'une étude sur les effets de l'accident de Fukushima, qui a été diffusée au mois d'avril dernier.

À la suite de la catastrophe de Tchernobyl, l'OMS a, dès le mois de mai 1986, soit quelques mois après la catastrophe, réuni des experts de onze pays pour une évaluation des conséquences de l'accident. S'agissant du nombre de décès, les données sur les conséquences de Tchernobyl ont été régulièrement mises à jour, tant par le rapport de l'OMS de 2013 que par celui de l'UNSCEAR de 2011. De plus, l'OMS est la première organisation internationale à avoir publié un rapport sur les conséquences radiologiques de l'accident nucléaire de Fukushima, au mois de février 2013, soit deux ans après l'accident.

L'évaluation des conséquences de l'accident de Fukushima a été menée par un groupe multidisciplinaire d'experts sélectionnés par l'OMS selon des procédures strictes visant à identifier et, le cas échéant, à écarter tout conflit d'intérêts potentiel.

En outre, l'OMS n'a pas la compétence pour commenter les valeurs de référence établies par le Gouvernement japonais. Ces valeurs ne peuvent pas, par nature, être plus élevées que le seuil d'exposition et la valeur retenue par les autorités japonaises se situe dans la fourchette basse des valeurs établies en situation accidentelle, ce qui souligne sa vocation protectrice.

Après l'accident de Fukushima-Daiichi, les États membres de l'AIEA ont adopté un plan d'action et ont confié un rôle de transparence renforcée à l'OMS, lui demandant, en situation d'urgence nucléaire, de communiquer en temps voulu des informations claires, objectives, rapportant des faits exacts et facilement compréhensibles. L'AIEA élabore de manière indépendante un rapport complet sur l'analyse et les conséquences de l'accident de Fukushima, qui comprendra un chapitre sur les conséquences radiologiques.

La France soutient activement ces travaux, comme elle soutient les missions réalisées par l'agence japonaise, relatives par exemple au démantèlement et à l'assainissement du site ou aux nouvelles normes de sûreté mises en œuvre au Japon.

Enfin, il convient de rappeler que l'organisation des services de l'OMS relève de la direction générale, et non des organes directeurs de l'OMS. Le domaine du rayonnement, un temps traité par une unité de l'OMS, a été intégré en 2005 en tant que programme spécifique au département « santé publique et environnement »,chargé d'étudier l'impact des déterminants environnementaux sur la santé, dans une logique d'optimisation de la gestion générale à l'organisation et non spécifique à ce domaine.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je maintiens tout de même ma demande. Il ne s'agit pas de dénier tout rôle à l'AIEA, mais il me semble que l'Organisation mondiale de la santé, en tant que telle, au regard de la responsabilité qui est la sienne en matière de préservation de la santé publique, devrait jouer un rôle plus important sur ces questions.

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