Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 16/10/2014

Mme Catherine Procaccia attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conflits induits par le développement des éoliennes. Le Gouvernement a annoncé vouloir réduire à 50 % la part de l'énergie nucléaire en 2025.

Pour atteindre cet objectif, il mise notamment sur la multiplication de l'éolien terrestre et maritime. En 2013, malgré 5 000 éoliennes implantées sur le territoire français, cette énergie ne produisait que 2,9 % de la production d'électricité nationale.

Si, dans le projet de loi sur la transition énergétique, l'éolien est présenté comme une alternative énergétique à l'énergie nucléaire, il est inquiétant que cette filière éolienne commence à être critiquée et suspectée. À commencer par les tarifs de l'éolien imposés à Électricité de France (EDF) à un prix supérieur au marché : la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que ce mécanisme français de compensation des surcoûts résultant de l'obligation d'achat de l'électricité produite par éoliennes relève de la notion d'intervention de l'État au moyen de ressources d'État et était contraire aux règles communautaires.

Le Conseil d'État a, par ailleurs, annulé, en mai 2014, les arrêtés introduisant ce dispositif. Le développement acharné de cette filière, principalement dominée par des industriels internationaux qui usent d'arguments erronés pour favoriser l'implantation de parcs, défigure nos paysages en portant atteinte à notre patrimoine.

Enfin, l'implantation de certaines éoliennes détériore à la fois le cadre de vie des Français et leur santé, eu égard au bruit, pour autant qu'elles fonctionnent. Aussi grave : leur implantation, à marche forcée, entraîne la multiplication des prises illégales d'intérêts des élus locaux, comme l'a souligné, dans son rapport d'activité pour 2013, le service central de prévention de la corruption. Ce rapport dénonce aussi la participation de certains élus à la délibération statuant sur l'implantation d'éoliennes, alors qu'ils sont propriétaires de parcelles situées dans le périmètre accueillant les éoliennes.

Elle souhaiterait, dès lors, connaître les mesures envisagées pour répondre à ces problèmes de coût du rachat par EDF, des menaces pour nos paysages, nuisances pour les riverains et conflits d'intérêt des élus locaux.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 19/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/11/2014

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les problèmes et les conflits induits par le développement des éoliennes.

Le Gouvernement a annoncé vouloir réduire à 50 % la part du nucléaire d'ici à 2025. Pour atteindre cet objectif, il mise notamment sur le développement de l'éolien terrestre et maritime.

En 2013, malgré 5 000 implantations d'éoliennes sur le territoire français, cette énergie ne représentait que 2,9 % de la production d'électricité nationale.

Si, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, l'éolien est bien présenté comme l'une des énergies alternatives au nucléaire, on ne peut observer sans inquiétudes que la filière éolienne commence à être critiquée, voire suspectée.

Tel est l'objet de ma question.

Le premier problème est celui des tarifs de rachat de l'éolien, qui ont été imposés à EDF à un prix supérieur à celui du marché. La Cour de justice de l'Union européenne a estimé que ce mécanisme français de compensation des surcoûts relevait de la notion d'intervention de l'État et que cette utilisation des ressources publiques était contraire aux règles communautaires. Le Conseil d'État a par ailleurs annulé en mai 2014 les arrêtés introduisant ce dispositif.

Le deuxième problème tient au développement acharné de cette filière, qui est principalement dominée par des industriels internationaux. Ces derniers usent d'arguments erronés pour favoriser l'implantation de parcs qui peuvent défigurer des paysages et porter atteinte, dans certains lieux, à notre patrimoine architectural. Ajoutons à cela la détérioration du cadre de vie des Français et l'impact sur leur santé, à cause du bruit que font ces éoliennes, lorsqu'elles fonctionnent.

Le troisième et dernier problème est tout aussi grave. L'implantation à marche forcée de ces éoliennes entraîne la multiplication des prises illégales d'intérêts de la part des élus locaux, comme l'a souligné, dans son rapport d'activité pour 2013, le service central de prévention de la corruption, le SCPC. Y est dénoncée la participation de certains élus aux délibérations de leur conseil municipal portant sur l'implantation d'éoliennes, alors qu'ils sont propriétaires de parcelles situées dans le périmètre qui va accueillir ces infrastructures.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite connaître les mesures qu'envisage le Gouvernement pour résoudre ces divers problèmes : le coût du rachat de l'électricité par EDF via un dispositif qui a été annulé, les menaces pesant sur nos paysages et notre patrimoine, les nuisances subies par les riverains de ces éoliennes et, enfin, les conflits d'intérêts d'élus locaux qui fragilisent de plus en plus, par leur multiplication, la prise de décision.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, Mme Ségolène Royal, qui ne peut être présente ce matin, m'a demandé de vous transmettre les éléments de réponse qui suivent.

La transition énergétique appelle un fort développement des énergies renouvelables. Parmi ces dernières, l'énergie éolienne terrestre est la plus compétitive, après l'énergie hydraulique. Regroupant de nombreux acteurs industriels français de premier plan, cette filière contribue à la réindustrialisation de nos territoires. La maîtrise des impacts de ces projets sur le paysage, l'occupation des sols et la faune sauvage sont autant de priorités pour permettre un développement durable de l'éolien terrestre.

Pour planifier l'implantation des éoliennes, le schéma régional éolien, annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, identifie les zones favorables ; il tient compte du potentiel éolien, des règles de protection des espaces naturels et du patrimoine naturel, culturel et paysager.

Les projets d'éoliennes doivent, en outre, obtenir une autorisation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, ou ICPE. La procédure impose aux porteurs de projet de démontrer, par le biais d'une étude d'impact détaillée, que tous les risques et les impacts sur l'environnement que vous mentionnez sont bien maîtrisés.

Avant décision du préfet, le dossier est soumis à enquête publique. Le préfet doit accompagner l'arrêté d'autorisation de prescriptions visant à réduire les impacts.

Afin d'accélérer la réalisation des projets éoliens sans diminuer le niveau des exigences applicables, Mme Ségolène Royal a fait inscrire dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte la généralisation de l'expérimentation de l'autorisation unique. Celle-ci regroupe l'autorisation ICPE, le permis de construire, l'autorisation d'exploiter au titre du code de l'énergie ainsi que l'autorisation de défrichement et la dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées, lorsqu'elles sont nécessaires.

Enfin, le dispositif de soutien aux tarifs d'achat a été sécurisé en mars 2014, après sa notification approuvée par la Commission européenne.(M. Jean Desessard applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez les industriels français, dont quelques-uns sont, heureusement, associés à ces investissements. La plus grande part du marché reste cependant aux mains d'industriels étrangers.

En outre, votre réponse n'a pas abordé un aspect de la question sur lequel j'attire votre attention : les conflits d'intérêts qui touchent les élus.

Dans le Lot, par exemple, un procès s'est tenu il y a moins d'un mois, dans lequel six élus municipaux étaient poursuivis pour prise illégale d'intérêt au motif qu'ils étaient propriétaires de terrains : alors même que le projet d'implantation des éoliennes avait été retiré, la procédure à l'encontre de ces élus s'est donc poursuivie.

En Mayenne, une audience se tiendra dans deux jours, au tribunal correctionnel de Laval, dans une affaire impliquant un élu également soupçonné de prise illégale d'intérêt.

À Caen, une audience du même type est prévue en janvier.

Rien de ce que vous décrivez des dispositions prises par Mme la ministre - études d'impact, prescriptions du préfet, autorisation unique -, ne concerne les élus. Or, en milieu rural, il est tout à fait possible que des élus soient par ailleurs propriétaires des terres agricoles. Dès lors, ils ne peuvent délivrer cette autorisation sans se retrouver poursuivis.

On sait les problèmes sérieux d'ordre patrimonial qui peuvent se poser localement, certaines photos en témoignent, mais vous me dites qu'ils seront pris en compte dans la prochaine loi. En revanche, on ne voit rien venir, pour le moment, concernant les élus, qui se trouvent fragilisés. Ils peuvent en effet souhaiter en toute bonne foi l'implantation d'éoliennes, mais s'ils sont quatre à posséder des terrains agricoles, ils se retrouvent en situation de prise illégale d'intérêt !

Je souhaite que des éléments soient précisés sur cette fragilité juridique, et que le préfet, dans sa prescription, puisse également voir ce qu'il en est.

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