Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 16/10/2014

Mme Brigitte Gonthier-Maurin souhaite interpeller Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur la question de l'encadrement des loyers.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », a introduit un dispositif durable d'encadrement des loyers, en complément du décret pris en application de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Le nouveau mécanisme créé par l'article 6 de la loi « Alur », qui doit réguler directement le niveau des loyers, est censé s'appuyer sur les données collectées par le réseau des observatoires locaux des loyers sur les territoires concernés par des tensions locatives particulièrement fortes. Lors du débat au Parlement, il avait été indiqué que ce nouveau mécanisme d'encadrement des loyers pourrait être effectif dans l'agglomération parisienne dès la fin de l'année 2014.

Pourtant, le Gouvernement a annoncé, à la fin du mois d'août 2014, et confirmé depuis que ce nouveau dispositif d'encadrement des loyers serait limité à Paris.
Or, dans le département des Hauts-de-Seine, la politique de logement est marquée par une forte ségrégation sociale - avec près de 100 000 demandes de logement sociaux en souffrance et quatorze communes ne respectant pas la loi SRU, - et se caractérise donc par un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement et favorisant le mal logement. Aussi, parallèlement à l'exigence d'un rehaussement des aides à la pierre pour relancer la construction, ce dispositif a toute sa légitimité et doit être appliqué en urgence, afin de permettre à tous d'accéder à un logement et de s'y maintenir dans des conditions acceptables.

C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer dans quel délai, les engagements pris au moment de l'examen et du vote de la loi « Alur » concernant l'encadrement des loyers, seront appliqués dans les communes de la région parisienne, et singulièrement dans celles des Hauts-de-Seine.

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Réponse du Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité publiée le 05/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2014

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a introduit un dispositif d'encadrement des loyers, en complément du décret pris en application de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Le mécanisme créé par l'article 6 de la loi ALUR devant réguler directement le niveau des loyers est censé s'appuyer sur les données collectées par le réseau des observatoires locaux des loyers sur les territoires concernés par des tensions locatives particulièrement fortes.

Lors du débat au Parlement, il avait été indiqué que ce nouveau mécanisme d'encadrement des loyers pourrait être effectif dans l'agglomération parisienne dès la fin de l'année 2014.

Pourtant, le Gouvernement a annoncé, à la fin du mois d'août, et confirmé depuis, que ce nouveau dispositif d'encadrement des loyers serait limité à Paris.

Or, dans les Hauts-de-Seine, la politique de logement est marquée par de fortes ségrégations sociales : 75 000 demandes de logements sociaux y sont en souffrance et la part du logement locatif social varie de 4 % à 66 % selon les communes.

Ainsi, quinze ans après le vote de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, quatorze communes, toutes dirigées par la droite, ne la respectent toujours pas, vingt-deux si l'on compte les communes dont le parc locatif social est inférieur à 25 %.

Cette politique se caractérise donc par un très fort déséquilibre entre l'offre et la demande de logements, entraînant de sérieuses difficultés d'accès au logement et favorisant le mal-logement.

La politique mise en œuvre par le conseil général ne vient rien arranger ! Le budget 2015 indique que les crédits mobilisés le seront seulement pour aider les communes à rattraper leurs obligations légales, dans un « souci de mixité ».

L'argument est osé et signifie de facto que les communes qui ont toujours assumé leurs responsabilités en matière de construction de logements sociaux seront pénalisées. Comment ne pas citer Gennevilliers, qui comptait 62 % de logements sociaux en 2012, Bagneux, qui en comptait 58 %, ou Nanterre et Malakoff, qui en comptaient respectivement 57 % et 39 %. Or le bilan des constructions de logements sociaux dans le département n'est pas bon. Les chiffres sont en baisse.

De plus, les logements financés ne correspondent pas aux besoins des populations : en 2013, un logement sur deux construit dans les vingt-deux communes ne respectant pas la loi SRU était un logement en prêt locatif social, ou PLS. Et si l'on prend en compte la totalité des logements sociaux agréés en 2013, 40 % étaient en PLS, 35% en prêts locatifs à usage social, ou PLUS, et seulement 25% en prêts locatifs aidés d'intégration, dits PLAI...

Du coup, les loyers médians dans les Hauts-de Seine, hors charges, oscillent entre quinze et vingt-quatre euros le mètre carré, ce qui exclut nombre d'habitants et condamne toute mixité sociale.

Parallèlement à l'exigence d'un rehaussement des aides à la pierre pour relancer la construction que nous défendons avec mon groupe, ce dispositif d'encadrement des loyers a toute sa légitimité dans notre département. Il doit être appliqué en urgence afin de permettre à tous d'accéder à un logement et de s'y maintenir dans des conditions acceptables.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel,ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler l'importance du logement dans le budget des ménages. C'est dire l'importance qu'il y a, pour notre gouvernement, à agir pour la réduction de ces coûts, mais aussi pour relancer la construction.

Je voudrais rappeler, vous l'avez d'ailleurs souligné, que lors de notre arrivée aux responsabilités le Gouvernement a souhaité prendre des mesures pour encadrer les loyers à la relocation, c'est-à-dire au moment du changement de locataire, dans les zones tendues.

Depuis le 1er août 2012, un décret annuel est pris par le Gouvernement pour encadrer l'évolution des loyers au moment de la relocation ou du renouvellement du bail. Pour ma part, j'ai signé le 30 juillet 2014 le décret annuel encadrant les loyers à la relocation.

Comme vous le savez, et comme le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler le 29 août dernier, les conditions techniques prévues par la loi ALUR pour encadrer les loyers ne sont pas remplies dans toutes les zones tendues. Elles ne seront remplies en 2014 qu'à Paris. Il faudra du temps pour tirer les leçons de cette expérimentation et envisager l'extension du dispositif aux autres départements de l'agglomération parisienne. Pour les communes de la petite couronne qui désireraient appliquer l'encadrement des loyers, cela ne devrait être possible, au mieux, qu'en 2015.

Je rappelle en effet que la mise en œuvre de l'encadrement des loyers comporte d'importantes difficultés techniques. Elle doit reposer sur une observation fine du marché, selon une méthodologie validée par un comité scientifique indépendant.

À cet égard, je prendrai dans les prochains jours le décret instituant le comité scientifique et définissant les modalités de mise en œuvre des agréments des observatoires. Il s'agit en effet de garantir une qualité statistique irréprochable. Or le recueil des données reste toujours difficile sur le plan technique, même si je salue l'effort de l'ensemble des acteurs pour participer à ce recueil.

L'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, l'OLAP, travaille actuellement à consolider les données de son aire géographique. Le recueil de ces données a représenté et représente encore un travail extrêmement important et difficile. Ce travail est d'autant plus difficile pour les départements de l'agglomération parisienne tels que les Hauts-de-Seine en raison du plus faible historique des données et de la plus faible densité de logements qui les caractérisent, contrairement à Paris.

Face aux difficultés rencontrées par les Français pour se loger, le Gouvernement a annoncé, en juin et en août derniers, plusieurs mesures pour relancer toute la« palette » de la construction, de l'accession à la propriété jusqu'au logement social.

À cet égard, je voudrais rappeler, puisque vous avez évoqué la loi SRU, que nous devons établir cette année les bilans triennaux d'application de cette loi. J'ai demandé aux préfets des départements d'appliquer avec fermeté les pénalités prévues par loi, comme j'ai aussi rappelé la possibilité, pour les préfets, de délivrer les permis de construire dans les zones carencées.

Je vous assure de la mobilisation du Gouvernement pour mettre en œuvre à la fois les mesures du plan de relance et appliquer avec vigilance la loi SRU, laquelle est aussi un facteur d'équilibre et de relance de la construction dans les zones tendues.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre !

Je veux vraiment insister sur l'urgence qu'il y a à agir. Pour prendre l'exemple de mon département, qui n'est pas épargné par le chômage et la précarité, les Hauts-de-Seine deviennent une terre de ségrégation où il est quasi impossible de se loger si l'on dispose d'un revenu modeste ; je pense notamment aux femmes.

Sur la nécessité d'agir pour faire baisser les loyers, j'entends ce que vous avancez. Cette action doit porter à la fois sur le parc public et le parc privé, et concerner les logements à construire comme ceux qui existent.

L'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, dont vous avez fait mention, madame la ministre, a notamment mis en avant l'augmentation de 1,8 % en moyenne pour l'année 2013 et de 2,6 % en 2011 des loyers d'habitation en parc locatif privé. Tous ces phénomènes, naturellement, se cumulent et engendrent une véritable pénurie concernant l'accès au logement.

Les demandes de logement social explosent, y compris dans les villes qui ont déjà fait beaucoup en la matière. Comme je le disais à l'instant, Gennevilliers, par exemple, compte 62 % de logements sociaux. Or, dans cette seule commune, 3 000 demandes de logement social sont en attente.

L'encadrement des loyers est donc une urgence. Toutefois, même si nous y parvenions - je l'espère en tout cas sincèrement -, cette mesure, nécessaire, ne serait pas suffisante. D'ailleurs, lors du débat sur la loi ALUR, le groupe CRC avait fait un très grand nombre de propositions, portant notamment sur la définition du loyer médian de référence. Nous avions également défendu le principe d'un gel des loyers pendant trois ans, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Je ne rappellerai pas tous les chiffres, sur lesquels la Fondation Abbé Pierre a communiqué ce matin dans la presse pour souligner l'urgence de la situation. J'insiste seulement sur la nature des logements construits : certains sont qualifiés de logements sociaux sans être pourtant de véritables logements« prêts locatifs aidés d'intégration », ou logements PLAI ; ils ne permettent donc pas l'accès au logement des plus défavorisés.

Nous avons donc besoin d'une mobilisation très forte, très soutenue, et de conjuguer nos efforts.

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