Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 23/10/2014

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les conséquences de la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, en France, d'ici au 1er janvier 2015.
Dès lors que la règlementation européenne n'a, à ce jour, pas encore statué dans le même sens, cette mesure paraît anachronique vis-à-vis de nos partenaires européens. En effet, conformément à la réglementation en vigueur, d'autres pays autorisent encore la fabrication de ces composants et la production française va, une fois de plus, être pénalisée par une législation plus restrictive.
Il en va ainsi de la société Crown Food France, sise à Laon, chef lieu du département de l'Aisne, et qui emploie 247 salariés à la fabrication de couvercles. Centre européen de ce groupe d'emballage sur ce produit, la mise en application de la loi met directement en péril son activité : l'exportation de ses couvercles représente, annuellement, un milliard d'unités, à destination d'autres sites de fabrication du groupe mais aussi de ses clients européens.
À la date du 1er janvier 2015, cette fabrication devra donc être délocalisée vers d'autres sites de production en Europe, mettant immédiatement en péril la pérennité de celui de Laon.
Il lui demande donc s'il est possible de plaider pour un report de la date de suspension d'au moins six mois, voire davantage et, à tout le moins, pour des assouplissements, tant que l'Union européenne n'a pas statué dans le même sens que la France.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 19/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/11/2014

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et concerne les suites, en particulier pour les industriels, de la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012, qui vise à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A en France, au 1er janvier 2015.

À ce jour, la réglementation européenne n'a pas encore évolué dans le même sens. Dès lors, cette mesure paraît tout à fait anachronique vis-à-vis de nos partenaires européens. Conformément à la réglementation en vigueur, d'autres pays autorisent en effet encore la fabrication de ces composants. La production française va donc être pénalisée une fois de plus par une législation plus restrictive.

Il n'est pas question ici de nier le bien-fondé de cette loi, essentielle sur le plan sanitaire. Cependant, force est de constater que la France ne facilite pas la vie, voire la survie de ses industriels ; le présent dossier en est une nouvelle illustration.

Il en va ainsi de la société Crown Food France, implantée à Laon - la ville dont je suis le maire et qui est le chef-lieu du département de l'Aisne - et employant 247 salariés dans la fabrication de couvercles de boîtes de conserve.

La mise en application de la loi met directement en péril l'activité de ce site, centre européen, pour ce produit, de ce groupe d'emballage. L'exportation de ses couvercles représente annuellement un milliard d'unités, à destination d'autres sites de fabrication du groupe, et de ses clients européens.

À la date du 1er janvier 2015, cette fabrication devra cesser à Laon, et donc être délocalisée vers d'autres sites de production en Europe, mettant immédiatement en danger la pérennité de ce site.

Parallèlement, le rapport évaluant les substituts possibles au BPA dans ses applications industrielles, qui devait être rendu avant le 1er juillet 2014, vient seulement- enfin ! - d'être déposé, ce 30 octobre, donc avec plusieurs mois de retard, alors même que le délai est maintenu à deux mois pour les industriels.

Ce rapport est censé dresser un état des lieux des connaissances sur la substitution du BPA dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. Il identifie ainsi soixante-treize alternatives, selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES.

Au cours du premier semestre 2014, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a envoyé un questionnaire aux principaux syndicats représentatifs des industriels concernés par la présente loi. Elle a conclu des réponses que ces derniers étaient globalement prêts pour l'échéance du 1er janvier 2015. Or cette conclusion n'est nullement partagée par lesdits industriels que j'ai rencontrés, en particulier par les conserveurs, qui connaissent toujours des difficultés quant à la qualité des substituts.

Ce point est d'ailleurs précisément évoqué dans le rapport : « des difficultés sont mentionnées pour certains produits - corrosion, étanchéité, problèmes organoleptiques, industrialisation etc. - [...] qui sont toujours en phase de test industriel. Ces problèmes techniques pourraient ne pas permettre la mise en œuvre de solutions de remplacement au 1er janvier 2015 ». Il apparaît donc plus que nécessaire de plaider pour un report de la date d'entrée en vigueur d'au moins six mois, voire davantage, et, à tout le moins, pour des assouplissements tant que l'Union européenne n'a pas statué dans le même sens que la France.

Ne peut-on envisager de continuer à produire des éléments avec BPA, dès lors qu'ils sont destinés à l'exportation vers les pays de l'Union européenne et les pays tiers dans lesquels ce composant est encore autorisé, tout en respectant les mesures dictées par la loi en ce qui concerne l'interdiction d'importation et de mise sur le marché sur le territoire français ?

Cela répondrait aux inquiétudes des professionnels et des salariés du secteur de l'emballage alimentaire et permettrait ainsi de protéger l'emploi industriel en France, en particulier à Laon, mais également dans d'autres sites sur le territoire national, tout en préservant l'apport sanitaire de la loi, pour nos concitoyens.

Merci, monsieur le secrétaire d'État, de nous éclairer sur les intentions du Gouvernement dans ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, nos concitoyens, alertés par la communauté scientifique, sont de plus en plus préoccupés par les risques pour la santé liés à l'exposition aux substances chimiques dans la vie quotidienne, en particulier à celles qui ont des propriétés de perturbateurs endocriniens et qui sont présentes dans les produits de consommation.

La France, par l'adoption en avril 2014 de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, a été pionnière dans ce domaine. Nous sommes désormais une force de proposition au niveau européen pour accélérer la mise enœuvre de mesures permettant d'évaluer ces substances et de restreindre, voire d'interdire leur utilisation.

Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien avéré et chaque jour de nouvelles études scientifiques viennent nous alerter sur les effets qu'il peut emporter sur la santé.

La loi du 24 décembre 2012, proposée par le député Gérard Bapt, a permis de mettre fin à l'utilisation du BPA dans les contenants alimentaires d'ici au 1er janvier 2015.

Cette mesure d'interdiction a été notifiée à la Commission européenne dès son adoption, il y a bientôt deux ans. La loi adoptée par le Parlement a prévu la rédaction d'un rapport de synthèse des substituts envisageables pour les usages du BPA. Celui-ci a fait apparaitre l'existence de nombreuses possibilités, grâce à la forte mobilisation des industriels depuis deux ans, preuve que des solutions économiques acceptables existent.

Cet élan remarquable, qu'il faut saluer, est un facteur d'innovation pour les entreprises de notre secteur de l'agroalimentaire. Lors de l'adoption de la loi, le débat a porté sur l'interdiction à l'export des produits imprégnés. Les parlementaires ont écarté à juste titre cette éventualité, considérant qu'il n'était pas acceptable de commercialiser hors des frontières des produits jugés impropres sur le territoire national.

Au-delà du caractère moral de cette décision, je suis convaincu que l'avantage qualitatif des produits français pourra être ainsi valorisé à l'export, grâce à la communication sur leur caractère sain. C'est le sens du nouveau modèle de croissance verte promu par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d'État, je suis un peu déçu par la réponse qui vient de m'être communiquée. Vous me rappelez la préoccupation sanitaire prégnante dans le dossier du bisphénol A, mais sachez que, dès mon arrivée au Sénat, je fus au nombre des rares parlementaires à se préoccuper du sujet. Je mesure donc bien les enjeux de santé publique.

Ma question portait sur la situation de nos industries. Compte tenu du délai très court laissé à nos entreprises pour la mise en œuvre des dispositions de la loi, j'attendais surtout une réponse sur le moratoire et sur les solutions intermédiaires qu'il faut rapidement trouver afin de ne pas, une fois de plus, gêner nos industriels.

Je regrette que l'on ne s'oriente pas dans cette direction.

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