Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRC) publiée le 30/10/2014

M. Pierre Laurent attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'évocation, par le président de la République, le 10 juillet 2013, de la création d'un nouvel hôpital : l'hôpital Nord du Grand Paris.

Les territoires du Nord de Paris, de la Seine-Saint-Denis et du Nord-Est des Hauts-de-Seine, se caractérisent par une moindre densité de l'offre de service public et par une forte proportion de population confrontée à des situations de précarité et/ou d'accès aux soins. Ces territoires font face à un risque croissant de désertification de l'offre médicale de ville.

Il lui demande si le projet évoqué d'un hôpital Nord du Grand Paris n'aurait pas pour conséquence - ce qui serait préjudiciable - de fusionner en un seul site des hôpitaux existants comme Bichat, Beaujon et Lariboisière. Il lui demande quelles sont les intentions précises du Gouvernement en la matière et de quelle manière il compte les mettre en œuvre.

Par ailleurs, ce projet annoncé par le président de la République intervient dans un contexte de mise en application d'un plan de rigueur, mené par le Gouvernement, comprenant une réduction des dépenses de santé de dix milliards d'euros. Il est aussi à noter qu'en 2012 un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l'hôpital soulignait les surcoûts et les dysfonctionnements inhérents aux hôpitaux d'une taille supérieure à 600 lits. Ce même rapport met en évidence la diminution du nombre de lits entraînée par les fusions d'hôpitaux publics intervenue entre 2003 et 2008 en France.

Compte tenu de ces éléments, une grande inquiétude se fait jour chez les personnels et la population. Nombre d'entre eux portent l'exigence d'une rénovation des hôpitaux existants ainsi que d'une conservation et d'un développement de leur offre de soins. Face à l'ensemble de ces problématiques, la ville de Paris souhaite, notamment, qu'à chaque étape, le « fil conducteur » des réorganisations proposées pour le service public hospitalier soit l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que la concertation avec les habitants et les élus concernés.

En prolongation de cette logique exprimée par le conseil de Paris et au vu de la tenue des assises de la santé prévue au mois de mai 2016, il lui demande s'il ne serait pas souhaitable que l'État agisse auprès de la direction de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), en vue d'obtenir que les projets de restructurations soient suspendus jusqu'à la tenue de ces assises.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 19/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/11/2014

M. Pierre Laurent. Madame la secrétaire d'État, je me permets d'attirer votre attention sur le projet de création d'un nouvel hôpital, l'hôpital Nord du Grand Paris, évoqué par le Président de la République le 10 juillet 2013.

Comme vous le savez, les territoires du nord de Paris, de la Seine-Saint-Denis et du nord-est des Hauts-de-Seine se caractérisent par une moindre densité de l'offre de service public, une forte proportion de population confrontée à des situations de précarité et des difficultés d'accès aux soins. Ces territoires font face à un risque croissant de désertification de l'offre médicale de ville, à l'instar de ce qui a été récemment souligné s'agissant de l'Est parisien.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de l'hôpital Nord du Grand Paris, évoqué par le Président de la République. Le risque est grand de voir fusionner en un seul site des hôpitaux existants, à savoir Bichat, Beaujon et Lariboisière. Une telle évolution serait préjudiciable au vu de la situation que je viens d'évoquer.

Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous m'indiquer les intentions précises du Gouvernement en la matière et la manière dont il compte les mettre en œuvre ?

Force est de le constater, ce projet annoncé par le Président de la République intervient dans un contexte de mise en application par le Gouvernement d'un plan de rigueur comprenant une réduction des dépenses de santé de 10 milliards d'euros, ce qui aura des conséquences extrêmement préoccupantes à nos yeux.

Compte tenu de ces éléments, une grande inquiétude se fait jour chez les personnels des hôpitaux et la population de cette zone géographique. Un très grand nombre d'entre eux porte l'exigence d'une rénovation des hôpitaux existants, ainsi que la conservation, le développement et une meilleure articulation de l'offre de soins, alors que, s'agissant du projet de fusion envisagé, une réduction du nombre de lits de 1 400 à 1 000 lits est envisagée.

Face à l'ensemble de ces problématiques, un débat a vu le jour au sein de la Ville de Paris, qui souhaite notamment que, à chaque étape, le « fil conducteur » des réorganisations proposées pour le service public hospitalier soit l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que la concertation avec les habitants et les élus concernés.

En prolongation de cette logique exprimée par le Conseil de Paris, il a été décidé la tenue des Assises de la santé, qui se termineront début 2016. Ne serait-il pas souhaitable que l'État agisse auprès de la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, pour que les projets de restructuration, dont celui de l'Hôpital Nord du Grand Paris, soient purement et simplement suspendus jusqu'à l'aboutissement de ces assises parisiennes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, dans le cadre de son plan stratégique, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a retenu, parmi ses toutes premières priorités pour la décennie à venir, l'objectif d'un renforcement et d'une modernisation de l'offre hospitalière et universitaire au nord de Paris.

Cet effort d'investissement sans précédent pour l'institution aura pour objectif de mieux coordonner l'offre hospitalière au nord de Paris au sein d'un projet médical coordonné, en continuant de distinguer les deux groupements hospitaliers en fonctionnement aujourd'hui.

Dans ce cadre, il est prévu de reconstruire l'hôpital Lariboisière sur son site actuel. La majeure partie des activités des hôpitaux Bichat et Beaujon seront pour leur part regroupées au sein d'un nouvel ensemble, l'Hôpital universitaire du Grand Paris Nord.

Le nord de la métropole parisienne se caractérise par des besoins importants et spécifiques. Ce territoire va également connaître d'importantes mutations dans les décennies à venir, en raison de la dynamique liée au Grand Paris. L'offre hospitalière publique occupe une place prépondérante au regard de cette évolution, mais les hôpitaux Lariboisière, Bichat et Beaujon, qui assurent la plus grande part de l'activité, doivent être modernisés pour adapter leurs bâtiments à l'évolution des besoins et pour préserver les conditions d'exercice et d'accueil, gage de l'attractivité des hôpitaux.

C'est la raison pour laquelle le Président de République a fait part de son soutien à un projet ambitieux de modernisation de l'offre hospitalière et universitaire au nord de Paris, s'inscrivant dans la dynamique du Grand Paris, prenant la mesure des enjeux de santé de ces territoires et contribuant à rééquilibrer les forces hospitalières, d'enseignement et de recherche au sein de la métropole.

L'État, dans le cadre de la procédure d'examen des projets majeurs d'investissements par le COPERMO, le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers, sera appelé prochainement à se prononcer sur les modalités de mise en œuvre de ces projets et leur financement.

Le Gouvernement sera dans ce cadre particulièrement attentif aux propositions qui seront formulées par l'AP-HP, en termes à la fois de qualité de la réponse aux besoins de santé et de contribution à la modernisation de l'organisation hospitalière.

La concertation qui a été engagée, notamment avec la Ville de Paris, doit être naturellement poursuivie pour répondre aux interrogations que ces projets peuvent soulever.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Madame la secrétaire d'État, votre réponse confirme malheureusement nos inquiétudes : vous parlez de« concertation », de « projet coordonné », mais cela ne signifie pas forcément la fusion des deux hôpitaux Bichat et Beaujon, point qui est précisément en débat.

Puisqu'il est question, dans les discours, d'améliorer l'offre de santé, permettez-moi de répéter mon propos : notre crainte est de voir le nombre total de lits passer des 1 400 lits existants à 1 000 lits. Or, vous n'apportez aucun éclaircissement sur ce point.

Par ailleurs, vous avez parlé de financement. Le projet de la direction de l'AP-HP est, on le sait, de revenir à une situation d'équilibre budgétaire - c'est du moins ce qu'elle annonce - au moyen d'un plan de cession de 200 millions d'euros. Cela nous porte à craindre que, pour financer ce projet d'hôpital Nord du Grand Paris, l'AP-HP procède par redéploiement, en fermant des services et en cédant une partie de son patrimoine au plus offrant.

Le rapport sur l'hôpital rédigé en 2012 par l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, soulignait les surcoûts et les dysfonctionnements inhérents aux hôpitaux de trop grande taille. Les projets déjà existants montrent que ce problème se pose effectivement de façon extrêmement sérieuse. Le rapport mettait en évidence la diminution du nombre de lits engendrée par les fusions d'hôpitaux publics intervenues entre 2003 et 2008.

Vous comprendrez dans ces conditions que nous allons rester mobilisés et vigilants. La volonté que vous avez réaffirmée d'entendre les propositions présentées par la population et les élus de Paris et d'être attentive à cette concertation ne saurait être qu'une déclaration d'intention si, dans le même temps, un projet contraire à ce qu'expriment les personnels et les populations continue de prospérer.

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