Question de Mme BLANDIN Marie-Christine (Nord - ECOLO) publiée le 14/11/2014

Question posée en séance publique le 13/11/2014

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics. Elle ne porte pas sur la pertinence des économies ou de l'austérité – c'est un autre débat –, mais elle concerne la rationalité de leur mise en œuvre.

Par des lois de finances, des règlements, des contrôles, des engagements partagés, Bercy encadre une trajectoire de redressement des finances publiques : ministères, grands opérateurs publics et même collectivités, bon gré mal gré, se mettent au pas, réduisent leurs investissements et leur masse salariale.

Toutefois, dans les faits, au plus près des réalités, on refuse acquisitions de moyens techniques et embauches conventionnelles aux DRH, pour des ingénieurs porteurs de chantiers de demain.

À ceux qui ne se dérobent pas pour exécuter des chantiers et missions, on impose des expédients : louer du matériel à des tarifs prohibitifs, passer par des entreprises prestataires qui écument les curriculum vitae sur internet et les sorties d'école.

Les résultats sont accablants.

Le coût de location annuelle du matériel peut dépasser le coût d'achat. Les jeunes diplômés sont jetés en pâture à ceux que, dans le milieu, on nomme les « marchands de viande » : de l'intelligence tarifée au jour, et au prix fort, pour les acteurs publics, sans perspective professionnelle pour les uns, sans compétence durable pour les autres.

Vos services, monsieur le ministre, disposent-ils d'évaluations des coûts induits par ce genre de pratiques, qui interpellent le bon sens ? Ces pratiques sont-elles exceptionnelles ou structurelles ? S'agit-il de glisser de l'investissement vers le fonctionnement ?

Comment pouvez-vous agir afin que la recherche d'économies voulue par Bercy, d'une part, n'inscrive pas la précarité de l'emploi dans un mode banal de fonctionnement, ce qui désespère la jeunesse diplômée, et, d'autre part, n'engendre pas un gâchis d'argent public qui scandalise les observateurs, un peu comme c'est le cas des partenariats public-privé, bombes à retardement si j'en crois le récent rapport sénatorial de MM. Sueur et Portelli ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 14/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2014

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Francis Delattre. Pour les comptes publics, ce n'est pas terrible !

M. Michel Sapin,ministre des finances et des comptes publics. Madame Blandin, je précise d'emblée que ce n'est pas Bercy qui encadre la dépense publique : cette politique résulte d'une volonté gouvernementale. Elle correspond au cap fixé par le Président de la République,...

M. Francis Delattre. Un cap ? C'est un scoop !

M. Michel Sapin,ministre. ... et par le Premier ministre. Quel est son sens ? Si nous ne maîtrisons pas nos dépenses, quel que soit leur niveau, au sein de l'État, des collectivités territoriales ou de la sécurité sociale, nous ne serons pas à même de continuer à réduire nos déficits et de financer nos priorités, comme, par exemple, l'éducation. Nous ne pourrons pas maintenir à un niveau élevé le budget de nos armées, et ces dernières ne pourront plus assumer leurs missions.

Il est donc impératif de maîtriser la dépense publique, mais il faut le faire avec intelligence. À cet égard, les cas que vous évoquez sont évidemment aberrants.

Mme Corinne Bouchoux. Pourtant, ils existent !

M. Michel Sapin,ministre.Je ne prétends pas le contraire, madame la sénatrice, mais ils n'en sont pas moins saugrenus : ce n'est pas ainsi que l'on maîtrise la dépense publique. Je pourrais vous citer de nombreux ministres qui mettent en œuvre une maîtrise de la dépense publique, par exemple en rationalisant leurs moyens immobiliers, leurs moyens de transport, notamment leur parc automobile, ou leurs moyens informatiques,...

M. Francis Delattre. Et les frais de restaurant ? (Souriressur les travées de l'UMP.)

M. Michel Sapin,ministre. ... qui peuvent coûter très cher, mais qui peuvent aussi se révéler extrêmement utiles y compris pour améliorer les services rendus aux usagers.

Il existe donc des manières intelligentes d'assurer la maîtrise de la dépense publique. Ce sont celles que les divers ministères mettent en œuvre. À cet égard, Bercy peut intervenir auprès d'eux pour apporter un conseil ou en appui, sans pour autant décider à leur place. C'est à chaque ministère de réaliser, en fonction de ses propres priorités et selon ses propres méthodes, les économies nécessaires.

Je conclurai en insistant sur un enjeu qui dépasse quelque peu les limites de votre question.

Aujourd'hui, compte tenu de la situation de très faible croissance et de très faible inflation que nous connaissons, nous nous battons à l'échelle européenne pour une réorientation de la politique communautaire, tout particulièrement en faveur de l'investissement.

Madame Blandin, vous avez évoqué un danger : que les économies affectent l'investissement, alors que nous avons précisément besoin d'investissements, publics comme privés- n'opposons pas les premiers aux seconds.

Il faut de l'investissement, à tous les niveaux, État, collectivités territoriales.(Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Philippe Dallier. C'est mal parti !

M. Didier Guillaume. Il faut investir !

M. Michel Sapin,ministre.Nous avons préservé la totalité des moyens d'investissement de l'État ! Enfin, il faut garantir les investissements au niveau européen, car c'est à ce niveau-là que nous avons une marge de manœuvre utile pour remettre l'Europe, dans son ensemble, sur le chemin de la croissance.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.)

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