Question de Mme GILLOT Dominique (Val-d'Oise - SOC) publiée le 18/12/2014

Mme Dominique Gillot interroge Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur la continuité et la sécurisation des politiques publiques en direction des femmes avec enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique. Par courrier du 27 octobre 2014, le conseil général du Val-d'Oise informait les associations à caractère social - dont « Espérer 95 » - de son désengagement du dispositif d'allocation de logement temporaire (ALT). Il s'agit de la perte, au 1er janvier 2015, d'une dotation de 122 428 euros pour cette association dont la convention de subvention avait plus de vingt ans. Si le conseil général a toujours su entretenir des relations de confiance, efficaces et constructives avec les partenaires associatifs du territoire, cette annonce – d'une brutalité sans nom – prive les associations partenaires, dans un délai de deux mois, des financements nécessaires à la continuité de leur action. En plein hiver, elles devront assumer leur mission, sans avoir le temps de trouver des financements alternatifs. Elle lui demande, d'abord, à quelle réalité correspond l'allocation de logement temporaire. C'est une subvention qui permet d'accueillir des personnes éprouvant, en raison de leurs faibles ressources ou de leurs conditions d'existence, des difficultés particulières pour accéder à un logement ou s'y maintenir. Il s'agit, pour la collectivité, d'être le partenaire des organismes d'accueil qui prennent en charge les plus démunis, les plus fragiles et, finalement, ceux restés « sur le bord du chemin ». L'accueil à une vocation temporaire puisqu'il ne doit pas, en principe, être supérieur à six mois. L'article 68 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion précise la réglementation relative à la prise en charge, par les conseils généraux, des femmes avec enfants de moins de trois ans en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Si l'État, - en application des articles L. 121-7-8, et L. 345-1 à L. 345-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF), - assume la charge, au titre de l'aide sociale, des familles, le département a, quant à lui, des compétences spécifiques de droit commun au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Cette aide relève de sa compétence pour les femmes enceintes et les mères isolées, avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique. Il ne s'agit donc pas d'un placement pour défaut de logement mais bien d'une situation de danger éducatif. C'est le cas de la majorité du public accueilli par l'association « Espérer 95 ». Pourtant, le conseil général a décidé de se retirer unilatéralement de ce dispositif. Aucune concertation, aucune solution transitoire ou d'attente n'a été proposée. Cette annonce risque de mettre - rien que pour l'association « Espérer 95 » - plus de 72 adultes et 68 enfants à la rue, sans parler des probables licenciements de salariés. Elle ajoute donc de la précarité à la précarité et, en bout de chaîne, du malheur au malheur. Le secteur associatif partenaire de l'État relaye, en les localisant, les politiques publiques et notamment sociales qu'il met en œuvre. Si le contexte des finances publiques est contraint et implique un effort collectif partagé, il ne peut pas être porté unilatéralement par le secteur associatif, surtout s'il conduit à la fin de la continuité des politiques publiques. Aussi, prenant en compte le nécessaire redressement des comptes publics, elle l'interroge sur les dispositifs, ou plutôt les « garde-fous » que l'État prévoit de mettre en place face à ces trop nombreuses situations de rupture, véritables chemins vers l'exclusion d'un grand nombre de nos concitoyens.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 04/02/2015

Réponse apportée en séance publique le 03/02/2015

Mme Dominique Gillot. Par courrier en date du 27 octobre dernier, le conseil général du Val-d'Oise a informé les associations à caractère social du département, dont Espérer 95, qu'il se désengageait du dispositif d'allocation de logement temporaire, ou ALT.

La décision du conseil général représente pour cette association, dont la convention de subvention date de plus de vingt ans, une perte de 122 428 euros de dotations, reportée du 1er janvier au 1er juillet de cette année à la suite de nombreuses interventions.

Alors que le conseil général a toujours entretenu des relations de confiance, efficaces et constructives, avec les partenaires associatifs du territoire, cette décision, d'une grande brutalité, prive les associations partenaires des financements nécessaires à la continuité de leur action.

L'article 68 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion précise les modalités de la prise en charge par les conseils généraux, en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, des femmes avec enfants de moins de trois ans : si l'État, en application du code de l'action sociale et des familles, assume la charge des familles au titre de l'aide sociale, le département dispose, quant à lui, de compétences spécifiques de droit commun au titre de l'aide sociale à l'enfance, notamment à l'égard des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique.

Les personnes prises en charge, notamment par l'association Espérer 95, ne sont pas placées en raison d'un défaut de logement, mais en considération d'une situation de danger éducatif qui nécessite un accompagnement.

La décision annoncée par le conseil général le 27 octobre dernier a été prise unilatéralement, sans aucune concertation et sans que la moindre solution transitoire soit proposée. Elle risque de jeter à la rue au moins soixante-douze adultes et soixante-huit enfants, pour ne parler que de ceux qui sont pris en charge par Espérer 95, et sans même évoquer le licenciement probable des salariés de l'association. Elle ajoute donc de la précarité à la précarité et, en bout de chaîne, du malheur au malheur ; elle condamne à l'exclusion.

La situation dans mon département n'est pas un cas isolé. Le secteur associatif partenaire de l'État relaie, en les localisant, les politiques publiques sociales que celui-ci met enœuvre. Si le contexte des finances publiques contraint implique un effort collectif partagé, celui-ci ne peut être reporté unilatéralement en bout de chaîne, sur le secteur associatif, surtout si cela conduit à la fin de la continuité des politiques publiques. En effet, nous mesurons d'autant mieux dans le contexte actuel que cette continuité est le fondement de notre République égalitaire et solidaire.

C'est l'image protectrice et impartiale de l'État qui est menacée. On peut toujours expliquer que ce sont les conseils généraux qui, dans certains départements, n'assument plus leur charge de droit commun au titre de l'aide sociale à l'enfance, il reste que cette politique ne trouve plus de concrétisation.

L'accueil temporaire a, comme son nom l'indique, une vocation temporaire : sa durée ne peut, en principe, excéder six mois. La collectivité est le partenaire des organismes d'accueil qui prennent en charge les plus démunis, les plus fragiles, ceux qui risquent de rester sur le bord du chemin. Il s'agit d'une action d'urgence, destinée à maintenir la dignité de personnes en grande précarité et à prévenir leur basculement dans l'exclusion.

Sans méconnaître la nécessité du redressement des comptes publics, je souhaite savoir quels garde-fous l'État compte instaurer face à ces situations de rupture qui, rendues encore plus nombreuses du fait du recul de certaines collectivités territoriales, risquent de conduire vers l'exclusion un grand nombre de nos concitoyens et, par suite, de les radicaliser dans leur sentiment que la République ne les reconnaît plus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame Gillot, vous avez interrogé Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur la prise en charge des femmes avec enfants de moins de trois ans en situation de grande précarité. Mme Pinel souhaite vous assurer de son engagement personnel en faveur de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, quelle que soit leur situation, et de la grande importance que le Gouvernement accorde à cette politique.

La priorité donnée aux femmes avec enfants de moins de trois ans repose sur une articulation très claire des compétences de l'État et des conseils généraux : si l'État assume, au titre de l'aide sociale, la charge des familles sollicitant un accueil dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, le département a, quant à lui, des compétences spécifiques de droit commun au titre de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE.

Le service de l'ASE a pour mission d'apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur famille, aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre leur équilibre. Le département doit, en outre, disposer de structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants. Par ailleurs, l'ASE prend également en charge les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile.

Depuis quelques mois, nous constatons un désengagement de certains conseils généraux dans la prise en charge de ce public vulnérable, justifié par des contraintes budgétaires. Dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet du Val-d'Oise a formé devant le tribunal administratif un recours contre la décision du conseil général de ne pas appliquer la législation relative à l'hébergement des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans.

Par ailleurs, je tiens à l'affirmer, le dispositif d'aide au logement temporaire, dit « ALT1 »,cofinancé à parité par l'État et les organismes de protection sociale - la Caisse nationale des allocations familiales - et dont l'objectif est de couvrir les frais engagés par les organismes qui mettent des logements à disposition des personnes privées de domicile stable, n'est aucunement remis en cause. La dépense à la charge de l'État, qui s'élève à 39,2 millions d'euros en 2015, est maintenue tant au niveau national que dans le Val-d'Oise.

Ce dispositif doit cependant être distingué de l'allocation de logement temporaire, dispositif facultatif mis enœuvre par le conseil général du Val-d'Oise pour soutenir les associations et les centres communaux d'action sociale qui gèrent des structures accueillant des personnes démunies.

En ce qui concerne le choix du conseil général de mettre fin au versement de cette allocation, le Gouvernement regrette, comme vous, madame la sénatrice, l'absence de concertation en amont d'une décision lourde de conséquences pour les ménages en situation de grande précarité vivant dans le département.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse est tout à fait argumentée. C'est vrai, l'ALT est une politique facultative décidée par le conseil général. Mais le retrait de la subvention permettant d'alimenter l'ALT conduit, par un effet de domino, à empêcher l'association Espérer 95 de poursuivre l'accompagnement social qu'elle assume dans le cadre de l'hébergement d'urgence des femmes et des enfants tel que prévu par la loi.

Je sais que le préfet du Val-d'Oise est extrêmement attentif au respect de la loi et à la mise en relation des partenaires qui doivent concourir à son application. Cependant, je continue d'alerter sur le problème qui est le nôtre aujourd'hui, notamment pour maintenir la cohésion sociale et donner l'assurance aux populations connaissant les plus grandes difficultés que la République se préoccupe d'elles. Souvent, cette charge revient à des associations qui, malheureusement, sont aujourd'hui privées de ressources.

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