Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 16/01/2015

Question posée en séance publique le 15/01/2015

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a une semaine, dix-sept de nos concitoyens ont été assassinés lors d'actes terroristes perpétrés durant trois jours, du siège de Charlie Hebdo au magasin Hyper Casher. Au travers de ces actes, ce sont les fondements de notre République et ses valeurs qui sont visés, la liberté, l'égalité, la fraternité et la laïcité.

En réaction, une mobilisation citoyenne historique est apparue. Elle appelle désormais la République à l'action. L'urgence est de lutter contre l'ignorance, de se battre contre tout rétrécissement de la pensée.

Pour cela, quelle meilleure arme que la culture, et quel meilleur lieu que l'école de la République pour diffuser la culture ? N'est-ce pas à l'école que l'on étudie Beaumarchais ? Repensons à ces mots de Figaro : « Je lui dirais… que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours, que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. »

Certes, l'école ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup. Il faut la transformer pour qu'elle devienne réellement émancipatrice, forme des citoyens, développe l'esprit critique, transmette des valeurs républicaines. Notre école doit être fondée sur le principe que tous les élèves sont capables d'apprendre et de réussir ; elle doit lutter contre l'échec scolaire, permettre à tous les jeunes laissés sur le bord du chemin de retrouver du sens à la République, quels que soient leur origine et leur milieu social.

Il faut donc se poser, dès à présent, dans le cadre de l'élaboration d'une loi de finances rectificative, la question des ressources dont disposent l'école et les enseignants.

Les enseignants sont au cœur du dispositif. Ils ne doivent pas être démunis. Leur formation initiale et continue est fondamentale. Je vous le redis, il faut organiser un plan pluriannuel de recrutement ambitieux, en mettant en place de véritables pré-recrutements.

Les enseignants ne doivent pas non plus être seuls. Leur travail doit pouvoir s'articuler de façon pérenne avec celui des acteurs et des actrices de la culture et de la création, dans le temps de l'école.

Cette école-là, madame la ministre, n'existe pas assez. Pour la mettre en place, les derniers budgets de l'école et de la culture ne sont, à l'évidence, pas suffisants. C'est pourquoi nous demandons maintenant des mesures d'urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 16/01/2015

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2015

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord rendre hommage aux enseignants, dont vous avez évoqué le rôle essentiel. Ils ont été en première ligne ces derniers jours et ils continueront de l'être, dans la mesure où, comme vous l'avez dit, ce sont les valeurs fondamentales de notre République qui ont été attaquées la semaine dernière. Or ces valeurs fondent l'identité et la mission de l'école.

Les enseignants ont dès les premières heures pleinement pris conscience du rôle qu'ils avaient à jouer, et je veux les remercier d'avoir fait en sorte, malgré quelques incidents que nous condamnons fermement, de faire respecter une minute de silence et de discuter avec leurs classes. On le sait, ce n'est pas un exercice facile ; je veux le redire ici. Il n'est pas simple, pour un enseignant, de trouver les mots, les contre-arguments à opposer aux théories de la haine, aux explications simplistes ou« complotistes » qui circulent sur internet et dont sont abreuvés nos jeunes. Il n'est pas simple non plus, pour les enseignants, d'apprendre à leurs élèves à vivre ensemble, de leur parler des valeurs de la République alors que certains d'entre eux ne font pas même l'expérience de la mixité sociale. Il n'est pas simple non plus pour eux d'invoquer l'autorité de l'école lorsque cette dernière est si souvent mise en cause dans notre propre société.

C'est pour cela que l'école ne peut pas tout, toute seule. Cependant, elle peut beaucoup, et elle peut mieux faire. Nous devons faire preuve de lucidité pour améliorer le fonctionnement de notre institution scolaire. Celle-ci peut en particulier mieux remplir sa mission de transmission des connaissances, laquelle constitue le meilleur moyen de lutte contre l'obscurantisme. Élever le niveau de nos élèves doit être l'un de nos objectifs prioritaires.

L'école peut mieux lutter contre les inégalités sociales, qui, en se transformant en inégalités scolaires, minent le pacte républicain. Ces inégalités sociales font de nos valeurs républicaines une espèce de langue morte pour beaucoup de jeunes. Nous avons commencé à nous atteler à cette tâche, et nous sommes déterminés à faire davantage.

L'école peut et doit mieux transmettre les valeurs républicaines, pas simplement par un apprentissage théorique, mais aussi par une mise en pratique. L'éducation morale et civique est nécessaire, et nous l'introduirons à la rentrée prochaine, de l'école primaire jusqu'à la fin du lycée. Mais il faut que l'ensemble du fonctionnement de l'école soit irrigué par la nécessité de faire des élèves des citoyens qui travaillent ensemble, sur le mode du projet, qui ont des valeurs et qui les mettent en pratique au quotidien.

Pour cela, il faut des enseignants formés. Nous avons rétabli leur formation initiale, nous renforcerons leur formation continue. (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

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