Question de M. ASSOULINE David (Paris - SOC) publiée le 16/01/2015

Question posée en séance publique le 15/01/2015

M. David Assouline. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, nous sommes encore aujourd'hui envahis et troublés par divers sentiments : l'effroi, la peine, la tristesse devant les massacres commis la semaine dernière ; devant les visages de ces journalistes, de ces policiers, de ces juifs, tous ces visages rayonnants de générosité, de douceur et de sourires ; devant l'extrême violence et la brutalité de leur assassinat, raconté par les survivants et les témoins.

À tout cela se mêlent le respect et l'immense gratitude envers ceux qui ont immédiatement agi et trouvé les moyens de mettre les tueurs hors d'état de nuire – le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'intérieur, les forces de sécurité –, ainsi que l'espoir retrouvé grâce au formidable élan national et international autour des valeurs de la France républicaine, à ces regards et à ces gestes de communion échangés dans une gigantesque marche de la dignité humaine, sans haine, sans esprit revanchard ni amalgame.

Plusieurs questions n'en demeurent pas moins : comment de jeunes Français ont-ils pu trouver légitime de commettre ces lâches assassinats ? Comment d'autres, nombreux, peuvent-ils n'éprouver aucune compassion pour les morts et leurs familles ? Comment certains ont-ils même pu exprimer de la compréhension envers les lâches assassins, ou une adhésion aux thèses selon lesquelles tout cela ne serait que le résultat d'un complot du pouvoir, des médias et des juifs ?

Madame la ministre, vous avez eu des mots forts. Il y a la société, l'école, les valeurs et leur hiérarchie, le principe de laïcité, sur lequel il ne faudra plus jamais rien céder. L'antisémitisme et le racisme ne devront plus se déployer dans l'indifférence ou la banalisation, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui. Il y a la famille, bien sûr, mais il y a aussi internet et l'univers des jeux vidéo, face auxquels nombre de nos jeunes sont laissés à l'abandon. Par leur biais, ils s'initient seuls à d'autres systèmes de valeurs, comme dans une vie parallèle, sans famille, sans école. D'autres idées et idéologies y sont diffusées, d'autres apprentissages que ceux de la raison y sont proposés, d'autres informations, truquées et tronquées, y circulent avec la force d'images et d'un langage qui leur parlent directement.


M. le président. Posez votre question, cher collègue.


M. David Assouline. Que pensez-vous de la nécessité d'introduire de manière plus large, plus formelle et plus forte qu'aujourd'hui, dès l'âge de six ans, un enseignement du décryptage des médias et de l'image, du traitement de l'actualité, de l'utilisation et de l'analyse des réseaux sociaux ? (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)


M. le président. Soyons raisonnables, monsieur Assouline, posez votre question !


M. Alain Gournac. C'est trop long !


Mme Catherine Troendlé. C'est fini !


M. Bruno Retailleau. Il n'y a plus de temps !


M. David Assouline. Comment aller plus loin pour aider les enfants à comprendre et à analyser les informations diffusées par les médias ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

- page 155


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 16/01/2015

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2015

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Assouline, vous le savez, j'organise depuis le début de la semaine une grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République, ce qui me conduit à recevoir l'ensemble des acteurs de la communauté éducative : non seulement les représentants des organisations syndicales, des fédérations de parents d'élèves, des associations de lycéens ou d'étudiants, mais aussi ceux des associations de lutte contre le racisme et les discriminations, du secteur de l'éducation populaire et des collectivités territoriales.

Cela me permet de me faire l'écho, dans cet hémicycle, des observations formulées par les membres des associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme à la suite de leurs interventions en milieu scolaire. Nombre d'entre eux sont frappés par la persistance, la prégnance des préjugés des jeunes enfants à l'égard de l'autre. Or ces préjugés se transforment trop rapidement en antisémitisme ou en racisme.

Ces préjugés sont évidemment confortés par ce que l'on trouve sur internet : tout ce que vous avez dit à ce propos est juste, et je partage votre préoccupation.

Nous devons, au sein de l'école, permettre à ces enfants de développer leur esprit critique, leur liberté de jugement. Nous devons les aider à se mettre à distance de ce qu'ils peuvent lire, à faire le tri entre ce qui relève de la véritable information scientifique et ce qui relève de la rumeur. Pour cela, nous avons besoin d'enseignants formés- j'en ai parlé tout à l'heure -,mais aussi d'outils pédagogiques qui soient adaptés à la modernité, à la réalité des élèves. Je pense en particulier à des outils vidéo expliquant ce que sont l'antisémitisme, la laïcité, la liberté d'expression, toutes ces valeurs que l'on cherche à leur faire partager de façon trop théorique jusqu'à présent. Mon ministère va ainsi commander la production de plusieurs outils vidéo destinés à être utilisés systématiquement dans les classes au moment d'aborder ces sujets.

De manière plus générale, il y a une éducation aux médias à faire. Elle sera comprise dans l'enseignement moral et civique d'une heure par semaine que j'ai évoqué précédemment et qui sera dispensé à partir de la rentrée prochaine. Il s'agit d'une véritable innovation.

Il y a aussi une éducation artistique et culturelle à faire. Elle est prévue par la loi pour la refondation de l'école de la République. Ma collègue chargée de la culture et moi-même ferons très rapidement des annonces sur ce sujet.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

- page 155

Page mise à jour le