Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 06/02/2015

Question posée en séance publique le 05/02/2015

Concerne le thème : La situation de l'emploi

Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une étude récente de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, vient bouleverser bon nombre des idées reçues sur les CDI. Elle montre, chiffres à l'appui, qu'un peu plus d'un tiers des contrats à durée indéterminée sont rompus avant la fin de la première année, un chiffre étonnant eu égard à la situation de l'emploi, et d'autant plus paradoxal que le taux de ces ruptures anticipées est en augmentation. (M. Jean Desessard s'exclame.)

Autre bouleversement des idées préconçues, la première cause de rupture anticipée n'est pas la fin de la période d'essai, mais la démission du salarié, dans plus de 16 % des cas.

L'étude souligne la très faible part des licenciements, qui s'élève à quelque 3 %, et celle, complètement marginale, des ruptures conventionnelles.

Enfin, il apparaît que la part des CDI rompus avant le premier anniversaire est particulièrement élevée chez les 15-24 ans : plus de 45,6 %, et qu'une démission sur deux concerne les personnes les moins qualifiées.

Ces chiffres, monsieur le ministre, doivent vous interpeller autant que moi. Les jeunes sont-ils instables ? Sont-ils mal préparés aux réalités du travail salarié ? Ils montrent en tout cas l'inefficacité des politiques publiques qui incitent les entreprises à proposer des CDI aux jeunes sans qualification.

Le CDI n'est donc plus synonyme de stabilité ni de fidélité pour l'entreprise, puisque 50 % des contrats sont rompus la deuxième année, et 60 % la troisième année.

Monsieur le ministre, puisque le CDI n'attire plus les nouvelles générations du XXIe siècle, envisagez-vous, comme l'a fait un moment le Premier ministre, de rapprocher les obligations contraintes des différents contrats afin de faciliter la vie des entreprises, en particulier celles qui sont de taille modeste ?

À défaut de créer un contrat unique, comme le suggèrent les économistes et notre prix Nobel français Jean Tirole, allez-vous proposer l'alignement des dispositions des contrats courts, CDD et CDI de courte durée ?

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 06/02/2015

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2015

M. François Rebsamen,ministre.Madame la sénatrice, je partage votre analyse : les ruptures conventionnelles ont connu un franc succès depuis leur mise en place en 2008-2009. Ce succès ne se dément pas, puisque celles-ci ont augmenté de 6 % en 2014, pour atteindre le chiffre record de 333 000.

Rappelons que, entre 2012 et 2013, - il n'y a donc pas de lien avec la politique menée - ces ruptures avaient baissé de 2 %.

Le chiffre moyen mensuel enregistré depuis 2009 oscille entre 25 000 ruptures les mauvaises années, si je puis dire, et 30 000 les bonnes années.

Vous le savez, les partenaires sociaux sont très attachés à ces ruptures conventionnelles.

Mme Catherine Procaccia. Moi aussi !

M. François Rebsamen,ministre.Elles permettent une certaine souplesse, que le ministre du travail peut regretter de temps à autre, mais qui existe. Ces ruptures traduisent la fin des CDI dans environ 20 % des cas, pour des raisons que vous avez évoquées, madame la sénatrice, et qui résultent non seulement de la conjoncture, mais aussi, bien souvent, de quelques rares licenciements et de très nombreuses démissions négociées. Je ne saurais en tirer des conclusions sans m'attirer immédiatement les foudres des partenaires sociaux. Aussi, je vous laisse le soin de formuler des commentaires.

M. Philippe Dallier. Qui ne dit mot consent !

M. François Rebsamen,ministre.Cette évolution est-elle le signe que le CDI est dépassé ? Même si la part des salariés embauchés en CDD continue d'augmenter en dépit des dispositions qui avaient été prises afin d'alourdir la fiscalité des entreprises y recourant de façon excessive, la proportion des employés en CDI a peu varié depuis quinze ans et reste largement majoritaire : 87 % des salariés.

Faut-il passer à un autre type de contrat, le contrat unique ? Je pense que nous avons en France tous les types de contrat nécessaires pour permettre la souplesse indispensable aux entreprises tout en apportant des garanties aux salariés.

Cette question, j'en suis désolé, mériterait une analyse plus approfondie. C'est pourquoi je suis prêt à reprendre cette discussion.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, vous m'avez répondu d'une façon très globale sur les ruptures conventionnelles, sur les types de contrat de travail, les CDI. Or je vous interrogeais uniquement sur l'étude de la DARES au sujet de ces jeunes de dix-sept à vingt-cinq ans qui démissionnent, pour 40 % d'entre eux, dès la première année. Ma question portait donc sur un cas très spécifique, d'autant que je précisais bien que le taux de démission par rupture conventionnelle était marginal, à savoir 1,7 %.

Quant au contrat unique, j'évoquais ce contrat seulement pour les périodes courtes. Si 40 % des salariés démissionnent ou sont licenciés la première année, alors qu'ils sont employés en CDI, cela signifie qu'un tel contrat pose un problème. Ne serait-il pas lié à toutes les charges qui pèsent sur les CDD...

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !

Mme Catherine Procaccia. ... et aux contributions qui ont été augmentées très récemment dans la loi de sécurisation de l'emploi ?

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