Question de M. BARBIER Gilbert (Jura - RDSE) publiée le 20/02/2015

Question posée en séance publique le 19/02/2015

Concerne le thème : Situation de la médecine libérale

M. Gilbert Barbier. Depuis Hippocrate, la médecine est un art : l'art de comprendre les maladies et de les prévenir, de les guérir ou de les soulager.

Mais, avec l'avènement de l'ère scientifique, avec le développement de techniques d'investigation complémentaires de plus en plus sophistiquées et avec l'augmentation du nombre de spécialisations, la médecine serait-elle devenue une science ?

La relation entre le médecin et le malade, relation qui est au cœur du processus thérapeutique, est mise à mal. Les médecins d'autrefois, qui connaissaient l'histoire de leurs patients et prenaient le temps de les écouter, ont laissé la place à des techniciens, à des prescripteurs. Et les patients se sont transformés en clients, en consommateurs de soins. Le dialogue singulier est réduit à sa plus simple expression.

Nous sommes face à une dualité difficilement conciliable entre la médecine en tant que telle, celle qui est le fondement même de la médecine libérale, et la politique de santé, qui concerne bien entendu les pouvoirs publics et les financeurs. La question est bien de savoir où situer le curseur pour respecter les droits et les devoirs des uns et des autres.

Faut-il être en conflit permanent, sachant évidemment que les pouvoirs publics sont en position de force, essentiellement eu égard au contrôle du financement ?

Rompre cet équilibre subtil, par exemple avec le tiers payant généralisé ou d'autres contraintes administratives, risque de faire basculer ce qui reste de liberté dans ce secteur vers une organisation étatique où ce mot, « liberté », n'aura plus de sens. Le patient, qui doit être notre seule préoccupation, trouvera-t-il son compte dans ce système ? Je n'en suis pas certain.

Au-delà du problème de la santé, nous sommes dans un débat idéologique et philosophique. Madame la ministre, je souhaiterais savoir de quelle manière vous abordez cette question fondamentale.

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Réponse du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes publiée le 20/02/2015

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2015

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, votre intervention contient de nombreuses questions.

Je peux vous rejoindre sur la nécessité de valoriser la médecine humaniste. La médecine clinique a aujourd'hui parfois tendance à être moins identifiée, moins reconnue qu'une médecine plus technicienne. Pour autant, cette dernière est également nécessaire. Songeons à la radiologie, à l'imagerie ou à la chirurgie. Qui peut souhaiter opposer les deux médecines ? Nous avons évidemment aussi besoin des actes techniques, qui font partie intégrante de la médecine.

Certes, en répondant à Mme Meunier, à M. Roche et à Mme Debré, j'ai insisté sur le rôle de la médecine générale et sur la relation particulière du médecin avec son malade. Cette relation, qui permet d'écouter, mais également de se livrer à l'examen clinique, est la porte d'entrée dans notre système de santé.

Vous avez également abordé d'autres sujets plus éloignés, pour vous inquiéter de la mise sous tutelle excessive des professionnels de santé et des médecins de la part des financeurs.

La possibilité d'une mise en place de réseaux de soins par les organismes complémentaires agite, voire inquiète parfois les médecins.

Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte pour préciser qu'aucun de ces réseaux de soins ne concernera les médecins et que le projet de loi relatif à la santé ne contiendra aucune disposition soumettant les médecins libéraux à des « prescriptions » de la part des complémentaires santé.

Bien entendu, cela n'exclut pas la régulation des dépenses de santé par l'assurance maladie, régulation que vous appelez par ailleurs régulièrement de vos vœux à l'occasion de débats sur le financement de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour la réplique.

M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, je vous remercie de ces propos, qui nous rassurent un peu. Nous verrons bien lors de l'examen du projet de loi relatif à la santé...

Je voudrais aborder un point fondamental : la formation initiale pose un réel problème pour le patient.

Certes, l'art médical est un art de soin ; mais c'est aussi un art d'accompagnement. Cela me semble un peu en contradiction avec la politique de prime à la performance qui a été mise en place voilà quelques années. À mon sens, le nouveau mode de rémunération comporte un véritable risque de stérilisation de l'initiative, en raison de la tendance à récompenser le conformisme.

Je l'ai dit, la médecine est un art. Votre système a tendance à gommer l'excellence et à nier la notoriété acquise du fait de la qualité des praticiens.

Il en est de même de votre acharnement concernant les contraintes d'installation ou les dépassements d'honoraires ; en l'occurrence, il aurait fallu traiter seulement les dépassements manifestement abusifs. À mon avis, le nivellement par le bas vers lequel nous nous dirigeons ne s'effectuera pas au bénéfice des patients.

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