Question de M. ABATE Patrick (Moselle - CRC) publiée le 05/02/2015

M. Patrick Abate attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'avenir de l'usine PSA de Trémery.

Cette dernière, aujourd'hui en danger et mise en concurrence avec une usine en Espagne et en Slovaquie, est un moteur économique certain pour la Moselle, comptant 3 600 salariés et étant donc la plus grosse usine de moteur diesel au monde. Dans la situation socio-économique grave que notre pays connaît, la filière du diesel représente un enjeu majeur (68 % des véhicules vendus en France ont une motorisation diesel).

Il souhaite donc attirer son attention sur ce site et connaître les intentions du Gouvernement concernant PSA Trémery, l'État étant actionnaire de PSA à hauteur de 14 %.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 25/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 24/03/2015

M. Patrick Abate. Madame la secrétaire d'État, je tiens à attirer votre attention sur la situation d'une usine en danger - encore une ! - celle de Peugeot SA, à Trémery.

Les 3 600 salariés concernés, leurs 2 000 collègues de l'usine de Metz-Borny, toute proche, les quelque 10 000 employés de la sous-traitance, l'ensemble de la population mosellane et lorraine s'inquiètent.

Vous le savez, l'État est actionnaire de PSA à hauteur de 14 %. Or le site de Trémery est aujourd'hui mis en concurrence avec celui de Vigo, en Galice, pour la construction d'une nouvelle ligne de production de moteurs à essence de dernière génération.

Dans le contexte économique et politique actuel, l'attribution de cette ligne de montage est un enjeu capital pour l'économie mosellane, lorraine et, plus généralement, française.

En effet, en l'espèce, nous parlons de quelque 15 000 emplois, de plus de 200 000 moteurs produits par an et, à ce jour, d'environ 150 millions d'euros d'investissements.

La crise qui frappe la Lorraine - cette région compte 130 000 chômeurs, dont 60 000 en Moselle - donne à cette problématique une ampleur que vous imaginez bien. Personne ne conteste les qualités structurelles dont dispose cette région, du fait de son histoire et des politiques publiques locales qui s'y sont succédé, en termes d'infrastructures et de formation, pour le maintien d'une industrie.

Les collectivités territoriales de l'agglomération de Metz et celles du sillon mosellan se sont déjà portées volontaires pour acquérir des terrains pour l'entreprise. Ainsi, elles ont apporté leur obole de manière consensuelle, avec l'ensemble des élus, qui sont mobilisés. Désormais, cet engagement doit trouver un écho au niveau national.

Je rappelle que la communauté autonome galicienne est prête à investir 20 millions d'euros dans le projet, pour faire pencher la balance en sa faveur. Si, demain, PSA décide de produire ses moteurs à Vigo, ce sera un désastre économique non seulement régional, mais aussi national : jusque-là, tous les moteurs de PSA étaient produits en France...

La situation de Trémery est liée à la question du diesel. En effet, cette usine est la plus importante au monde pour la production des moteurs diesel. Plus précisément, elle produit 80 % de moteurs de ce type.

Or le moteur diesel est de plus en plus décrié, quelquefois de manière un peu rapide, voire assez dogmatique. Toujours est-il que Trémery, qui produit aujourd'hui ces moteurs, a besoin de cette diversification pour développer une ligne de production supplémentaire.

Dans la note de conjoncture qu'elle a consacrée, en février, à la Lorraine, la Banque de France relève un léger mieux de la production industrielle, lequel est principalement dû à l'automobile, ainsi qu'une amélioration du climat des affaires, qui, parallèlement, se dégrade à l'échelle de la France. C'est dire quel est l'enjeu pour notre région !

Madame la secrétaire d'État, j'ai bien noté le « soutien ferme » - je cite la presse locale - exprimé par M. le ministre de l'économie. C'est un encouragement, certes. Mais, aujourd'hui, quelles mesures le Gouvernement entend-il concrètement mettre en œuvre pour « convaincre » Peugeot SA d'investir à Trémery ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, la crise économique et le recul historique du marché automobile européen ont durement frappé notre industrie automobile. En moins de dix ans, le volume de production de véhicules en France a presque été réduit de moitié !

Si les sous-traitants de la filière ont été les premiers atteints, cette crise sans précédent a failli mettre à terre l'un de nos fleurons industriels, premier producteur d'automobiles en France : le groupe PSA. Ce dernier a réagi en 2013 en engageant un plan de restructuration et en signant, dans le même temps, un accord de compétitivité avec les organisations syndicales.

Au cours de cette période critique, l'État s'est engagé fortement aux côtés du groupe et de ses salariés. Tout d'abord, il a octroyé à la banque captive de PSA une garantie de 7 milliards d'euros : c'était une question de survie. Par ailleurs, il est entré au capital du groupe à hauteur de 14 %, soit au même niveau que le chinois Dongfeng Motors, nouveau partenaire industriel de PSA.

En contrepartie des efforts consentis par les salariés, le groupe PSA s'est engagé - l'État veillera au respect de cet engagement - à affecter un nouveau modèle dans chacune de ses usines terminales en France d'ici à la fin de l'année 2016.

Vous l'avez souligné, l'usine de Trémery assure la production de deux familles de moteurs diesel, mais aussi d'une famille de moteurs à essence.

Trémery dispose de nombreux atouts pour accueillir la production de moteurs de nouvelle génération. Les collectivités se sont mobilisées, avec l'État, afin de proposer au groupe des soutiens permettant, dans le respect des règles communautaires, de renforcer encore l'intérêt d'un choix en faveur de ce site.

Grâce aux efforts et engagements consentis par les salariés, les collectivités territoriales et l'État, les conditions nous semblent désormais réunies pour l'affectation à Trémery de ce nouveau moteur. C'est le message que le Gouvernement a passé aux représentants des salariés et aux élus, qui ont été reçus par Emmanuel Macron jeudi dernier. C'est également ce message que le ministre de l'économie a transmis à Carlos Tavares, président-directeur général de PSA, lors des entretiens qu'il a eus avec lui.

M. Tavares a réitéré sa volonté de voir les activités de son groupe rester en France. Il pourra compter sur l'appui de tous, et notamment du Gouvernement, pour faire gagner en compétitivité l'outil industriel français et mener à son terme le redressement du groupe PSA.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Madame la secrétaire d'État, c'est incontestable, l'État s'est engagé auprès de PSA. Vous avez rappelé les aides financières qu'il a déployées et son entrée dans l'actionnariat du groupe. De leur côté - c'est tout aussi incontestable -, les salariés ont consenti des efforts particulièrement importants. C'est vrai que PSA a failli être mis à terre et que diverses mesures s'imposaient.

Vous nous confirmez le message que M. Macron a récemment fait passer au niveau local, et je vous en remercie.

Toutefois, même si je reste optimiste, un pan de votre réponse m'inquiète quelque peu. Vous nous assurez que ce message sera transmis à Carlos Tavares avec fermeté, et je ne doute pas de la capacité et de la volonté de ce gouvernement à agir en ce sens. Demeure tout de même une question qui risque de se poser- j'espère bien entendu que tel ne sera pas le cas. Nul ne conteste la dimension stratégique de ce projet, en termes d'industrie et d'emploi. Or il s'agit d'une entreprise qui, à défaut d'être maîtrisée par l'État actionnaire, est a minima gérée par lui. J'espère donc que l'on ne s'en tiendra pas à un simple « message » et que, si ce dernier ne produit pas les effets attendus, l'on passera à un autre niveau d'incitation, voire de contrainte.

En tout cas, cet exemple montre les difficultés auxquelles se heurte la France, même en respectant les règles européennes, lorsqu'il s'agit de s'affranchir du dumping social et d'éviter une regrettable concurrence entre les régions.

Néanmoins, je garde espoir, madame la secrétaire d'État, puisque vous nous confirmez les propos tenus en Lorraine par M. Macron !

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