Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 05/02/2015

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur un phénomène qui paraît devenir récurrent et qui concerne le désarroi de certains maires, confrontés à la pénurie de médecins généralistes, spécifiquement en zone rurale, et ayant tenté d'inciter des praticiens étrangers à s'installer.

Le manque de médecin contribuant à créer une insécurité sanitaire dans nos campagnes, certaines communes, au départ en retraite de leur médecin, ont donc investi (cabinet, ordinateur et télétransmission, salle d'attente et logement équipés, prises en charge des loyers du domicile, inscription scolaire des enfants éventuels, etc.) pour accueillir dignement un nouveau médecin, souvent un praticien originaire de pays d'Europe de l'Est et parlant donc le français.

Or, un curieux phénomène se répandrait, qui se produit pour la seconde fois dans le département de l'Aisne (dont la désertification médicale va en augmentant : 212 médecins pour 100 000 habitants en 2013, avec une moyenne d'âge de 55 ans dont près de 36 % de plus de 60 ans) : certains de ces médecins s'installent pour quelques mois, puis quittent, sans parfois prévenir la commune ni respecter les conventions signées, pour un autre lieu, toujours en France. Les maires se retrouvent désemparés, sans possibilité de recours, alors que les frais engagés sont souvent très importants. Les patients, après le temps nécessaire à l'appréhension de leur nouveau médecin, se retrouvent sans solution de remplacement. Et le conseil de l'ordre des médecins - ces médecins n'étant parfois pas même inscrits - sans vraiment de possibilité d'action.

Il lui demande de bien vouloir lui faire savoir les mesures envisagées contre ces pratiques, et si elles peuvent être inscrites dans le prochain projet de loi relatif à la santé actuellement en préparation.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 08/04/2015

Réponse apportée en séance publique le 07/04/2015

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d'État, ma question aborde un phénomène qui paraît devenir récurrent relatif à la désertification médicale.

À ce propos, je voudrais rappeler les chiffres de l'Aisne, qui sont alarmants : 212 médecins pour 100 000 habitants, avec une moyenne d'âge de 55 ans, dont près de 36 % de plus de 60 ans...

Ce manque de médecins contribue à créer une insécurité sanitaire croissante dans nos campagnes et dans nos villes.

Dans la réponse à une précédente question écrite que j'avais posée sur ce même sujet en 2012, il m'avait été répondu, en août 2013,« que l'accès aux soins urgents en moins de 30 minutes sera effectif d'ici 2015 ». Eh bien en 2015, nous y sommes !

Le recours à des centres de santé avait aussi été annoncé. Leur modèle économique devait d'ailleurs être révisé : l'Inspection générale des affaires sociales devait faire des propositions pendant l'été 2013 sur ce sujet. Qu'en est-il en 2015 ?

Certains maires, confrontés à cette pénurie de médecins généralistes, ont tenté d'inciter des praticiens étrangers à venir s'installer.

Ces communes, au départ en retraite de leur médecin, ont donc investi à la fois dans le cabinet - ordinateur, télétransmission, salle d'attente et logement équipés -, dans la prise en charge des loyers du domicile, et parfois même dans l'inscription scolaire des enfants, afin d'accueillir dignement un nouveau médecin et permettre à leur commune de rester attractive.

Ce sont souvent des praticiens originaires de pays d'Europe de l'Est, et parlant donc le français.

Pour information, ces médecins formés à l'étranger constituaient, déjà en 2010, 44 % des installations en Picardie. En 2012, dans l'Aisne, sur trente nouveaux médecins, seize étaient étrangers.

Or certains de ces médecins ne s'installent que pour quelques mois, et quittent ensuite ces communes pour un autre lieu, parfois toujours en France, sans même prévenir la commune et sans même respecter les conventions signées.

Deux fois déjà, à ma connaissance, des communes de mon département en ont été victimes, celles de Gandelu et Pinon, en janvier dernier.

Cependant, il semblerait que l'Aisne ne soit pas seule victime de telles pratiques.

Les maires ou présidents d'intercommunalité se retrouvent désemparés, sans possibilité de recours, alors que les frais engagés sont souvent très importants.

Les patients, après le temps nécessaire à l'appréhension de leur nouveau médecin, se retrouvent sans solution de remplacement, parfois en plein traitement.

Le conseil de l'Ordre ne dispose pas non plus de moyens d'action, dans la mesure où ces médecins ne sont parfois même pas inscrits.

Les réponses apportées alors à la question écrite, dont je reprends les termes aujourd'hui, n'étaient déjà pas satisfaisantes pour les communes, et c'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je la réitère aujourd'hui.

Alors que dans le projet de loi sur le vieillissement, actuellement en navette, on prône le « rester à la maison » pour les personnes âgées, celles-là mêmes qui ne peuvent se déplacer vers ces maisons de santé- tardant d'ailleurs à sortir de terre -, et pour lesquelles les visites à domicile sont récurrentes, maintenir le maillage actuel en médecins dits « de campagne » est une nécessité, voire une obligation.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de bien vouloir me faire savoir les mesures concrètes envisagées contre ces pratiques. Quels pourraient être les recours des maires envers ces médecins, que je qualifierai de sans scrupules, qui mettent patients, élus et contribuables en difficulté ?

Pourrait-on prévoir des poursuites, des pénalités, des modalités de remboursement de certains frais engagés par la commune, à l'instar des mesures envers les étudiants ayant bénéficié d'une bourse d'étude d'une collectivité en vue d'une installation postérieure, et tenus de la rembourser en fin d'études dans le cas d'un désistement ?

Ces modalités pourraient-elles être inscrites dans le projet de loi relatif à la santé actuellement en discussion à l'Assemblée nationale ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de Marisol Touraine, qui m'a chargé de vous apporter la réponse suivante.

Améliorer l'accès aux soins de proximité et réduire les inégalités entre les territoires est une priorité du Gouvernement, et c'est dans cet objectif que Marisol Touraine a lancé dès la fin de l'année 2012 « le pacte territoire-santé », auquel vous faites référence.

Parmi les douze engagements du pacte, un point essentiel consiste à faciliter et à sécuriser les conditions d'installation de médecins dans les zones sous-dotées. C'est notamment l'objet des contrats de praticiens territoriaux de médecine générale.

Le bilan de ce pacte, deux ans après sa mise en place, confirme bien qu'une nouvelle dynamique est lancée.

Les premiers recrutements de praticiens territoriaux de médecine générale sont intervenus dès septembre 2013. Aujourd'hui, plus de 370 contrats ont été signés. Le dispositif sera étendu très prochainement aux médecins spécialistes.

Pour créer des conditions d'installation attractives, il faut également soutenir le travail en équipe, plébiscité par les nouvelles générations de professionnels de santé. C'est l'objet des maisons de santé pluridisciplinaires, qui regroupent plusieurs professionnels, auxquelles vous avez également fait référence. Entre 2012 et 2013, leur nombre a plus que doublé, passant de 174 à 370. En 2015, il devrait y en avoir plus de 800, et nous visons 1 800 maisons de santé en 2017.

Par ailleurs, Mme la ministre vient de mettre enœuvre la rémunération d'équipe par la voie d'un règlement arbitral.

L'ensemble de ces dispositions permettent d'assurer l'installation durable des médecins sur un territoire.

Enfin, dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé, actuellement examiné par l'Assemblée nationale, Marisol Touraine a souhaité que les objectifs du pacte territoire-santé soient inscrits dans la loi et que la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins soit réaffirmée comme un des enjeux majeurs de notre politique de santé.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement reste pleinement mobilisé, car c'est dans la durée que nous mesurerons la portée de nos efforts.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse. Néanmoins, les effets du pacte territoire-santé peinent à être visibles. Comme vous l'avez rappelé, une nouvelle dynamique est nécessaire.

Pour autant, je n'ai pas obtenu de réponse concernant les attentes très concrètes des élus. Pour que ce pacte territoire-santé produise tous ses effets, il est indispensable que les élus qui s'engagent dans la création de ces maisons médicales puissent avoir des garanties face à ces médecins peu scrupuleux, dont j'ai évoqué les attitudes. Par conséquent, la loi de modernisation de notre système de santé devra apporter des réponses plus concrètes que les intentions que vous venez de rappeler.

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