Question de M. FOURNIER Jean-Paul (Gard - UMP) publiée le 12/02/2015

M. Jean-Paul Fournier attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire sur les difficultés que rencontrent les 26 000 débitants de tabac dans leurs activités au quotidien.
En 2013, chaque jour, plus de deux bureaux de tabac mettaient « la clé sous la porte ». En 2014, la cadence s'est accélérée, avec un rythme de trois fermetures quotidiennes. Si rien n'est fait pour ce secteur d'activité, qui emploie plus de 120 000 personnes, c'est à un véritable sinistre que nous allons assister : un sinistre pour la profession, dont l'activité est souvent une histoire de famille ; un sinistre pour l'emploi, puisque les fermetures vont s'accompagner d'un grand nombre de licenciements ; un sinistre surtout pour la France, tant les bureaux de tabac sont des vecteurs de lien social dans les zones rurales et les quartiers urbains, notamment ceux les plus sensibles de notre territoire.
En effet, plus que de simples revendeurs de tabac, les buralistes animent des lieux de vie appréciés par nos compatriotes. Ils varient, d'ailleurs, de plus en plus leurs offres commerciales. Ils proposent de la presse, des jeux « à gratter », des services postaux, des timbres fiscaux, un relais « colis », des friandises, tout en affinant continuellement leur rôle d'accueil et d'écoute auprès de la clientèle. À l'instar d'une boulangerie, d'une pharmacie ou d'une boucherie, les bureaux de tabac sont des éléments importants du tissu social d'un village ou d'un quartier.
Les raisons de l'accélération de la fermeture de ces commerces de proximité sont multiples. Si on peut se réjouir, dans un souci de santé publique, de la baisse tendancielle du nombre de fumeurs et de leur consommation de tabac, on remarque que la fragilisation de l'activité des bureaux de tabac est aussi due à de nombreuses mesures prises par le Gouvernement mais aussi par un manque de coordination avec nos partenaires européens. La décision de ne pas appliquer la hausse automatique du prix du tabac au 1er janvier a été un véritable soulagement pour la profession. Mais l'accalmie sera de courte durée.
Les motifs d'inquiétude sont nombreux, avec la mise en place du paquet dit neutre, les prochaines hausses du prix, le renforcement de la contrebande et du marché parallèle ou l'absence d'harmonisation des taxes au niveau européen, sans parler des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur les buralistes.
Aujourd'hui, pour les bureaux de tabac, l'heure est grave. La force des actions réalisées en novembre et en décembre 2014 démontre le désarroi de la profession. Sans une action coordonnée sur ce sujet, ce sont non seulement des entreprises commerciales qui vont fermer, mais aussi un peu de l'identité de notre pays qui va disparaître.
En conséquence, il lui demande d'indiquer quelles pourraient être les mesures prises par le Gouvernement pour freiner, sur le long terme, la fermeture des bureaux de tabac et, ainsi, préserver ces commerces inhérents à une certaine qualité de vie à la française.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 11/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 10/03/2015

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés que rencontrent les 26 000 débitants de tabac dans leurs activités au quotidien.

En 2013, chaque jour, plus de deux bureaux de tabac mettaient « la clé sous la porte ». L'an dernier, la cadence s'est accélérée, avec un rythme de trois fermetures quotidiennes. Si rien n'est fait pour ce secteur d'activité, qui emploie plus de 120 000 personnes, nous allons assister à un véritable sinistre : un sinistre pour la profession, dont l'activité est souvent une histoire de famille ; un sinistre pour l'emploi, puisque les fermetures vont s'accompagner d'un grand nombre de licenciements ; un sinistre surtout pour la France, tant les bureaux de tabac contribuent à maintenir le lien social dans les zones rurales et les quartiers urbains, notamment ceux qui sont considérés comme les plus sensibles de notre territoire.

En effet, plus que de jouer le rôle de simples revendeurs de tabac, les buralistes animent des lieux de vie appréciés par nos compatriotes. Ils varient d'ailleurs de plus en plus leurs offres commerciales et proposent de la presse, des jeux « à gratter », des services postaux, des timbres fiscaux, un « relais colis », des friandises, tout en affinant continuellement leur rôle d'accueil et d'écoute auprès de la clientèle. À l'instar d'une boulangerie, d'une pharmacie ou d'une boucherie, les bureaux de tabac sont des éléments importants du tissu social d'un village ou d'un quartier.

Les raisons de l'accélération de la fermeture de ces commerces de proximité sont multiples.

Si l'on peut se réjouir, dans un souci de santé publique, de la baisse tendancielle du nombre de fumeurs et de leur consommation de tabac, on remarque que la fragilisation de l'activité des bureaux de tabac est également due à de nombreuses mesures prises par le Gouvernement et à un manque de coordination avec nos partenaires européens.

La décision de ne pas appliquer la hausse automatique du prix du tabac au 1er janvier a certes été un véritable soulagement pour la profession, mais l'accalmie a été de courte durée.

Les motifs d'inquiétude sont aujourd'hui nombreux. Je pense à la mise en place du paquet neutre, aux prochaines hausses de prix, au renforcement de la contrebande et du marché parallèle ou à l'absence d'harmonisation des taxes au niveau européen, sans parler des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur les buralistes.

Actuellement, l'heure est grave pour les bureaux de tabac. La force des actions réalisées en novembre et en décembre démontre le désarroi de la profession.

Sans une action coordonnée sur ce sujet, nous allons assister non seulement à la fermeture d'entreprises commerciales, mais aussi à la disparition d'une part de l'identité de notre pays.

En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de m'indiquer quelles mesures le Gouvernement pourrait prendre pour freiner, sur le long terme, la fermeture des bureaux de tabac et préserver ainsi ces commerces qui sont les porteurs d'une certaine qualité de vie à la française.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, la réponse à votre question va me permettre de préciser un certain nombre de points concernant les inquiétudes exprimées par les buralistes et de vous rappeler en détail les mesures prises par le Gouvernement.

L'action sur les prix des produits du tabac, au travers de l'évolution de la fiscalité, est l'un des outils importants permettant la réduction de la prévalence tabagique. Elle a entraîné - vous l'avez dit - une diminution bienvenue de la consommation de tabac dans notre pays. Pour autant - vous l'avez indiqué également -, les écarts de prix constatés avec les pays voisins sont une préoccupation partagée par le Gouvernement puisqu'ils favorisent les achats transfrontaliers et les modes d'approvisionnement alternatifs.

Le Gouvernement s'attache à rechercher les voies d'une convergence au sein de l'Union européenne et d'un renforcement de l'harmonisation.

Au niveau national, une proposition parlementaire, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014, a simplifié les modalités de détermination de la fiscalité sur les produits du tabac. C'est désormais le Parlement qui fixera directement, chaque année, le niveau de charge fiscale, en lieu et place de l'application de la règle de calcul complexe préalablement en vigueur, laquelle reposait notamment sur les variations de prix passées.

Pour 2015, la charge fiscale a été fixée au même niveau qu'en 2014. Je tiens à le souligner parce que certains propos ont pu laisser croire que des cadeaux avaient été faits aux fabricants ou que l'État se serait privé de recettes fiscales. Les recettes fiscales ont été fixées au même niveau en 2015 qu'en 2014. Cela vaut pour les cigarettes et le tabac à rouler. Une légère augmentation sur les cigarillos, qui représentent une part très faible de la consommation, a néanmoins été mise en place.

Vous évoquez de « prochaines hausses de prix ». Je ne sais pas sur quoi vous vous fondez pour vous exprimer de la sorte. Je le répète, ce sujet de la charge fiscale sur les produits du tabac est dorénavant du ressort du Parlement.

De plus, le Gouvernement est activement engagé dans la lutte contre le marché parallèle. L'année 2013 a été marquée par des saisies qui ont atteint des records, à hauteur de 430 tonnes de tabac. Si les chiffres pour 2014 ne seront connus que dans quelques jours, nous savons d'ores et déjà qu'ils seront du même ordre. Je puis vous assurer que la mobilisation des douanes en cette matière n'a pas faibli.

Le Gouvernement a en outre souhaité renforcer la capacité d'action des douanes grâce à deux mesures importantes. Première mesure, afin de mieux maîtriser les flux transfrontaliers, une nouvelle circulaire, publiée à ma demande le 5 septembre 2014, abaisse de dix à quatre cartouches le seuil à partir duquel toute personne arrêtée par les douanes est sommée de justifier que le tabac détenu correspond à sa consommation personnelle. Seconde mesure, le Gouvernement a fait adopter à l'automne dernier une interdiction des achats à distance sur internet, assortie de sanctions dissuasives. Il a ainsi donné satisfaction à un souhait des buralistes, une profession que je rencontre très souvent, y compris dans des situations parfois particulièrement conflictuelles.

Au-delà des enjeux de prix, je puis vous assurer que l'État est extrêmement attentif à ce réseau.

Un certain nombre d'engagements ont été pris par l'État. Ainsi, un contrat d'avenir actuellement en vigueur, dont je vous passe les détails, représente un investissement important. En 2014, plus de 85 millions d'euros ont en effet été versés au titre de ce dispositif.

Le Gouvernement a également amélioré les conditions de rémunération des détaillants.

Enfin, et c'est essentiel, les buralistes eux-mêmes ont su faire preuve de dynamisme. Ils ont pris des initiatives énergiques pour diversifier leur activité en se positionnant, par exemple, sur les services de paiement, tel le compte-nickel -un métier pour lequel les détaillants peuvent apporter une offre alternative intéressante.

Je tiens à le dire, le Gouvernement souligne régulièrement son attachement à voir la Française des jeux continuer à faire des buralistes son circuit privilégié de distribution. J'ai d'ailleurs rappelé cet engagement et cette volonté du Gouvernement à la nouvelle présidente de la Française des jeux, que j'ai rencontrée voilà quelques jours.

Tels sont, monsieur le sénateur, en réponse à votre question légitime, les éléments que je pouvais vous apporter sur un sujet dans lequel mon ministère s'est particulièrement investi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour ces précisions, qui répondent à certaines de mes inquiétudes.

Je regrette toutefois que la mise en place du paquet dit « neutre » soit imposée dans ces circonstances. Les bureaux de tabac français vont subir violemment cette décision nationale et seront une nouvelle fois défavorisés par rapport aux établissements des pays voisins.

Aujourd'hui, la généralisation du paquet dit « neutre » risque de fragiliser encore un peu plus les buralistes et les emplois inhérents à ces commerces de proximité, sans contribuer à une lutte efficace, dans un souci de santé publique, contre le tabagisme.

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