Question de M. BOUCHET Gilbert (Drôme - UMP) publiée le 12/02/2015

M. Gilbert Bouchet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation critique du tribunal de Valence dans son département de la Drôme qui n'est plus en mesure de faire face dans des conditions satisfaisantes au traitement des contentieux qui lui sont soumis.
Il lui demande si on peut espérer que la juridiction de Valence retrouve rapidement un effectif complet afin qu'il puisse continuer à exercer sa mission qui est d'agir pour une justice efficace et de qualité.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 11/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 10/03/2015

M. Gilbert Bouchet. Madame la garde des sceaux, permettez-moi d'attirer votre attention sur la situation critique du tribunal de Valence, dans le département de la Drôme, qui n'est plus en mesure, compte tenu de la conjonction de plusieurs facteurs, de faire face dans des conditions satisfaisantes au traitement des contentieux qui lui sont soumis.

Tout d'abord, cette juridiction est en situation de sous-effectif : à Valence, le tribunal, qui est une juridiction de groupe 2, ne compte que 26 magistrats du siège, chiffre inférieur à l'effectif de certaines juridictions du groupe 3, qui dépasse souvent les 30 personnes. C'est ainsi que la charge de travail des magistrats non spécialisés valentinois est de 1 023 affaires, soit 33 % de plus par rapport à la moyenne du groupe.

Ce sous-effectif est compensé par la qualité de l'équipe des magistrats, qui se dépensent sans compter pour maintenir en bon état de fonctionnement la juridiction, mais c'est une situation qui pose problème : la moindre vacance de poste ponctuelle menace l'équilibre et la bonne organisation du tribunal.

Or tel est le cas depuis plusieurs mois, l'un des deux postes de magistrat de l'application des peines n'étant pas pourvu alors même que la loi du 15 août 2014, en créant la contrainte pénale, a renforcé la charge de travail et le rôle crucial de l'application des peines. Au surplus, un établissement pénitentiaire de 456 places va ouvrir ses portes à Valence au mois de septembre prochain.

La situation est identique au tribunal pour enfants, un poste sur les trois offerts étant vacant à la suite d'un congé parental. Cet emploi non remplacé va empêcher le fonctionnement normal de ce service.

Le deuxième facteur est l'augmentation du contentieux et du nombre de dossiers à traiter. Je vous livre ces quelques chiffres pour illustrer mes propos : en 2014, la juridiction a été saisie de 7 551 affaires civiles nouvelles, soit une augmentation de 5,16 % par rapport à l'année passée ; l'âge moyen du stock est de dix mois et la durée de traitement des litiges de plus de quatre mois ; le tribunal correctionnel a, quant à lui, prononcé 1 967 jugements ; le tribunal pour enfants a été saisi de 485 dossiers d'assistance éducative, tandis que le service de l'application des peines a rendu 613 décisions.

À ces facteurs s'ajoute une spécificité pour le tribunal de Valence, qui est un pôle d'expérimentation de plusieurs projets de modernisation et d'amélioration du service public.

Ainsi, c'est le seul site qui emploie, en matière civile, les trois grands protocoles de communication électronique avec les avocats, les huissiers et les experts de justice. Combinés, ces outils technologiques aboutissent à une dématérialisation quasi complète de la procédure civile devant le tribunal de grande instance.

Ensuite, depuis le 22 juillet dernier, cette juridiction est, avec la cour d'appel de Limoges, site pilote pour essayer la signification électronique.

Valence lance également le protocole de dématérialisation de l'expertise judiciaire « Opalexe », premier outil de communication électronique qui donne une place pleine et entière au justiciable non représenté.

J'ajoute que votre ministère, madame la garde des sceaux, a confié à Valence l'expérimentation de la version 2 d'Opalexe, dont l'enjeu est la préparation du futur réseau privé virtuel des experts.

Dans ce contexte tendu en personnel, les magistrats sont inquiets. Ils devront faire des choix, car il n'est plus possible de faire fonctionner la totalité des services. Ils souhaitent ardemment que puissent être affectés aux tribunaux tous les moyens nécessaires pour leur permettre d'assurer la totalité des missions qui leur sont confiées par l'État.

Ma question, madame la garde des sceaux, est la suivante : puisque vous avez indiqué, dans un communiqué récent, que vous aviez obtenu le recrutement de 114 magistrats supplémentaires pour 2015, peut-on espérer que la juridiction de Valence bénéficie de ces nouveaux emplois afin de lui permettre de retrouver un effectif complet et de continuer, conformément à sa mission, à rendre une justice efficace et de qualité ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous me faites part de votre préoccupation sur la situation non seulement du tribunal de grande instance de Valence, mais aussi du tribunal d'instance, puisque vous avez évoqué des contentieux divers.

Je constate que vous suivez de très près les questions d'expérimentation, qui mettent en lumière la forte implication des personnels de justice - magistrats, greffiers et fonctionnaires - dans les améliorations que nous introduisons pour réduire les charges pesant sur les magistrats, lesquelles se sont accumulées ces dernières années, pour optimiser le travail d'équipe et pour moderniser la justice grâce à des efforts en matière numérique.

La juridiction de Valence, comme les autres juridictions, est confrontée à un problème de recrutements, lesquels ont baissé ces dernières années. Depuis que nous sommes aux responsabilités, nous menons une politique volontariste, car nous nous sommes très vite rendu compte qu'il y aurait 1 400 départs à la retraite pendant le quinquennat. Pour combler ces départs, il aurait fallu ouvrir 300 postes chaque année ; or, en 2010, seuls 144 nouveaux magistrats avaient été recrutés, chiffre qui constituait à peu près la moyenne des années précédentes.

Dès 2013, nous sommes donc passés à 358 nouveaux magistrats recrutés, puis à 364 en 2014. En 2015, nous irons encore plus loin, puisque nous allons recruter 480 magistrats, et la promotion d'auditeurs de justice sera sans précédent, avec un effectif de 360 personnes.

Malgré ces efforts considérables, monsieur le sénateur, c'est seulement en septembre 2015 que nous allons passer à un solde positif de 80 magistrats, car il faut tenir compte du temps de formation des magistrats, soit trente et un mois. C'est donc seulement cette année que seront pourvus les postes vacants, le nombre d'arrivées de magistrat dans les juridictions étant supérieur de 80 au nombre de départs. Vous le voyez, nous sommes en train de passer à la phase de comblement des départs à la retraite et des vacances de poste.

Pour ce qui concerne le tribunal de grande instance de Valence, la situation n'est pas la meilleure que nous puissions espérer, mais elle n'est pas en deçà de la moyenne. Ainsi, sur 35 magistrats localisés, il manque un poste de juge de l'application des peines. À ce sujet, vous avez eu raison de rappeler que ces magistrats sont importants dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme pénale. Aussi, je puis vous dire que ce poste sera pourvu à l'occasion du prochain mouvement de magistrats.

S'agissant des personnels, sur 86 agents localisés, 84 sont en poste, et 2 postes de greffier déjà publiés seront proposés lors de la prochaine commission administrative paritaire de mobilité qui se tiendra en septembre 2015.

Concernant le tribunal d'instance, sur 15 agents, 12 assurent une présence effective et 3 postes d'adjoint administratif sont actuellement vacants ; mais la commission qui s'est tenue le 17 novembre 2014 a procédé au remplacement d'un adjoint administratif, qui a normalement dû prendre ses fonctions au début du mois de mars.

Il est important de noter l'arrivée de greffiers dans les juridictions ; comme pour les magistrats, nous allons voir apparaître un solde positif de leurs effectifs. Nous sommes en effet très attentifs au fait que tous ces postes soient pourvus.

Pour conclure, j'aurai un mot sur les congés, que vous avez évoqués. Du point de vue juridique et réglementaire, en deçà de trois mois d'arrêt de maladie, l'information ne remonte pas à la direction des services judiciaires, ce qui représente une véritable difficulté pour la gestion des effectifs. Cette difficulté est aggravée par le fait que, s'agissant de certaines postes, nous ne pouvons pas, en cas de maladie de longue durée, disposer avant trois ans du poste laissé vacant. Nous sommes donc obligés d'attendre un tel délai : si cela se comprend bien vis-à-vis du magistrat en congé de longue durée, cela rend plus difficile la situation dans les juridictions.

Monsieur le sénateur, nous nous efforçons de combiner tous ces éléments pour essayer de faire au mieux, et je vous promets - j'ai déjà fait cette promesse à Nathalie Nieson - de porter une attention particulière à la situation du tribunal de Valence.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet.

M. Gilbert Bouchet. Madame la garde des sceaux, votre réponse, dont je vous remercie, me laisse face à mes interrogations : elle n'apporte pas de précisions quant aux postes qui devront être attribués, compte tenu de l'ouverture prochaine d'un établissement pénitentiaire à Valence, dans la Drôme.

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