Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 19/02/2015

M. Thierry Foucaud interroge M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'action du Gouvernement face aux difficultés que rencontre la société finlandaise UPM Chapelle-Darblay, sur son site de Grand-Couronne, dans le département de la Seine-Maritime.

La papeterie UPM Chapelle-Darblay de Grand-Couronne, spécialisée dans la production de papier journal, est l'un des fleurons du savoir-faire français en matière de production de papier, à partir de déchets recyclés.

La gamme de ses produits couvre l'ensemble des besoins de la presse quotidienne ou gratuite. Une partie de la production est exportée dans le monde entier.

Soucieuse de la préservation de l'environnement, cette usine - qui emploie 400 salariés - utilise le transport fluvial, via l'axe de la Seine, pour livrer les grandes imprimeries parisiennes. Elle est également l'une des premières entreprises à avoir installé une chaudière fonctionnant à la biomasse sur son site.

Au moment où l'économie circulaire est au cœur des réflexions, l'annonce de la volonté de la direction de mettre fin à l'activité de sa machine « PM3 » qui produit le papier recyclé, est incompréhensible.

Outre les 196 emplois directs qui seraient supprimés du fait de cette décision, c'est, à court terme, l'existence même du site de production de Grand-Couronne qui est menacée.

Au-delà de la question de l'avenir du site de Chapelle-Darblay, c'est, plus largement, l'avenir de toute l'industrie papetière française qui est, aujourd'hui, menacé et, dans le même temps, tout l'avenir de la filière de recyclage du papier qui est pourtant un marché porteur et en pleine expansion.

Faute d'une volonté politique forte et de l'absence de filière de tri suffisamment organisée, il semble aujourd'hui impossible de produire en France de la pâte à papier 100 % recyclée destinée au papier de bureau de type « ramette ». Pourtant, un minimum de coordination dans la filière de tri permettrait, par exemple, de collecter spécifiquement le papier de bureau des sites comme la Défense ou des grandes entreprises et autres services publics comme la Poste, Électricité de France (EDF), la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou encore les collectivités territoriales.
C'est d'ailleurs ce que, fait chaque jour, notre voisin anglais, en collectant dans le quartier de la City pour, ensuite, exporter en France la pâte à papier.

Le site de Chapelle-Darblay est tout à fait adapté pour accueillir ces transformations industrielles, moyennant quelques investissements qui seraient rentabilisés sur un très court terme avec le concours de la Banque publique d'investissement (BPI), permettant ainsi à la France d'organiser le recyclage de son papier, tout en préservant la filière industrielle papetière.

De même, le marché du papier « craft » est aujourd'hui en pleine expansion et les besoins sont forts sur le territoire national, d'autant que la récente loi sur la transition énergétique oblige, à compter du 1er janvier 2016, à ne plus utiliser de sacs plastiques. Pourtant, la machine « PM3 » que s'apprête à fermer le groupe UPM permet, entre autres, de produire ces sacs à moindre à coût.

Des possibilités évidentes existent pour éviter cette catastrophe industrielle que serait la fermeture de la « PM3 » de Chapelle-Darblay et méritent d'être étudiées.

Quelques mois après la fermeture de la raffinerie Pétroplus de Petit-Couronne, située en face de l'usine UPM, il ne peut se résigner à voir disparaître, au fil du temps, les industries sur le grand port maritime de Rouen.

C'est pourquoi il l'interroge sur les mesures concrètes que le Gouvernement entend mettre en œuvre, outre la nomination d'un chargé de mission au niveau national sur la filière cellulose, pour la sauvegarde des 196 emplois menacés à Grand-Couronne et, plus largement, pour l'avenir de l'industrie papetière du pays.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 08/04/2015

Réponse apportée en séance publique le 07/04/2015

M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'État, la papeterie UPM-Chapelle-Darblay de Grand-Couronne, en Seine-Maritime, spécialisée dans la production de papier journal, est, vous le savez, un des fleurons du savoir-faire français en matière de production de papier à partir de déchets recyclés. La gamme de ses produits couvre l'ensemble des besoins de la presse quotidienne ou gratuite.

Soucieuse de la préservation de l'environnement, cette usine, qui emploie 400 salariés, utilise le transport fluvial,via l'axe de la Seine, pour livrer les grandes imprimeries parisiennes. Elle est également l'une des premières entreprises à avoir installé une chaudière fonctionnant à la biomasse sur son site.

Au moment où l'économie circulaire est au cœur des réflexions, l'annonce de la volonté de la direction de mettre fin à l'activité de sa machine« PM 3 », qui produit le papier recyclé, est incompréhensible.

Outre les 196 emplois directs qui seraient supprimés du fait de cette décision, c'est, à court terme, l'existence même du site de production de Grand-Couronne qui est menacée.

Au-delà de la question de l'avenir du site de Chapelle-Darblay, c'est, plus largement, l'avenir de toute l'industrie papetière française qui est, aujourd'hui, menacé, tout comme celui de la filière de recyclage du papier, lequel est pourtant un marché porteur et en pleine expansion.

Faute d'une volonté politique forte et du fait de l'absence de filière de tri suffisamment organisée, il semble aujourd'hui impossible de produire en France de la pâte à papier 100 % recyclée, destinée au papier de bureau de type« ramette ».

Pourtant, un minimum de coordination dans la filière de tri permettrait, par exemple, de collecter spécifiquement le papier de bureau de sites comme celui de la Défense, ou bien celui qui est utilisé dans les grandes entreprises et autres services publics, comme La Poste, la caisse primaire d'assurance maladie- CPAM -, ou encore les collectivités territoriales. C'est d'ailleurs ce que fait chaque jour notre voisin anglais, en collectant le papier dans le quartier de la City, pour exporter ensuite la pâte à papier en France.

Le site de Chapelle-Darblay est tout à fait adapté pour accueillir ces transformations industrielles, qui permettraient à la France d'organiser le recyclage de son papier.

De même, le marché du papier kraft est aujourd'hui en pleine expansion ; les besoins sont forts sur le territoire national, d'autant que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte oblige, à compter du 1er janvier 2016, à ne plus utiliser de sacs plastiques. Or la machine « PM 3 », à l'activité de laquelle le groupe UPM veut mettre fin, permet notamment de produire ces sacs en papier à moindre à coût.

Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, dans quelle mesure le Gouvernement, outre la nomination d'un chargé de mission au niveau national sur la filière cellulose, compte-t-il accompagner la sauvegarde des 196 emplois menacés à Grand-Couronne et, plus largement, assurer l'avenir de l'industrie papetière de notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le développement des supports de communication numériques affecte de plein fouet l'industrie papetière, qui voit son chiffre d'affaires stagner ou baisser selon les supports. Pour le papier, par exemple, la baisse a été de 17 % au cours des quatre dernières années.

Ainsi, la filière cellulose fait face à des défis de taille ; l'enjeu social, vous l'avez rappelé, est important ; cette filière emploie en effet plus de 200 000 salariés. Ces défis peuvent toutefois se transformer en autant d'opportunités et relais de croissance, sous réserve d'adaptations de ses procédés de fabrication et de ses modèles d'affaires.

L'investissement dans l'innovation est un élément majeur d'adaptation. L'État soutient pleinement la filière sur ces objectifs en finançant le centre technique du papier et l'Institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement. L'État maintiendra ces soutiens.

La structuration de la filière est déterminante. Le Gouvernement soutient les comités stratégiques de la filière chimie et matériaux et de la filière forêt-bois, qui abordent les questions relatives au secteur de la cellulose et du recyclage des supports en papier. Le Gouvernement soutient également le travail très précis réalisé par M. Serge Bardy ; il encourage la poursuite de ses travaux à travers la nomination, vous y avez fait allusion, monsieur le sénateur, de M. Raymond Redding comme chargé de mission au niveau national sur la cellulose. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux qu'il mène soient coordonnés avec les travaux du comité stratégique de la filière chimie et matériaux et du comité stratégique de la filière forêt-bois. Plusieurs des recommandations de M. Bardy ont déjà été reprises dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, notamment pour développer l'usage des papiers recyclés.

Après plusieurs restructurations et cessions au cours des dernières années, le groupe UPM, quant à lui, ne dispose plus que de deux unités en France.

C'est dans ce contexte que la« machine 3 » de la papeterie Chapelle-Darblay, spécialisée dans le papier journal à partir de fibres recyclées, va être arrêtée. En effet, le groupe finlandais UPM a décidé d'arrêter quatre de ses dix-huit machines à papier européennes : une à Chapelle-Darblay, mais aussi deux en Finlande et une au Royaume-Uni.

Cela correspond à une réduction de capacité de production de 805 000 tonnes, dont 130 000 tonnes à Grand-Couronne. Cette décision est motivée par la baisse structurelle de la demande de papier journal et une surcapacité en Europe, où les capacités sont estimées à 43 millions de tonnes, pour des débouchés, exportations comprises, de 36 millions de tonnes.

Il restera à Grand-Couronne la « machine 6 », qui peut produire jusqu'à 250 000 tonnes, pour laquelle le groupe a prévu un nouvel investissement de trois à cinq millions d'euros afin de la rendre plus compétitive.

Les procédures engagées au Royaume-Uni et en Finlande pour l'arrêt des trois autres machines concernées par le plan sont d'ores et déjà terminées.

En France, l'arrêt de cette machine mobilise les acteurs publics. De très nombreux contacts ont eu lieu entre la préfecture, les représentants du personnel et les élus avec la direction du site, afin d'analyser les conséquences de l'arrêt de la « machine 3 », pour le site même de Grand-Couronne et pour l'ensemble de la filière et ses salariés.

Il importe en effet d'étudier conjointement des solutions industrielles alternatives pour conserver l'activité sur le site. C'est l'objet de la commission industrielle paritaire mise en place récemment et pilotée par le chargé de mission Raymond Redding, dont la première réunion a été tenue le 25 mars. Cette commission rassemble les organisations syndicales, UPM ainsi que les services de l'État et a pour mission de faire émerger d'éventuels scénarios industriels alternatifs au simple arrêt de la « PM 3 ». Ceux-ci pourraient comporter la reconversion du site vers d'autres sortes d'activités papetières, comme cela a par exemple été fait avec succès pour la papeterie de Strasbourg du même groupe, réorientée vers la production de pâte désencrée.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Vous allez vite en besogne, monsieur le secrétaire d'État, en indiquant que la« machine 3 » va être arrêtée. Je rappelle que le groupe UPM fait tout de même des bénéfices assez énormes, et sa situation financière n'est pas menacée. Je rappelle également que les salariés ont jusqu'au 30 avril pour présenter un plan et des projets alternatifs.

Depuis le mois de novembre 2014, en particulier avec les salariés, je demande au Premier ministre, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, ainsi qu'à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qu'une table ronde sur l'avenir de la filière papetière soit organisée. Je souhaiterais qu'il soit répondu à cette proposition, pour que la direction, les organisations syndicales, les élus, de l'agglomération rouennaise notamment, étudient ensemble la question.

Cette usine UPM est située à Grand-Couronne, à côté, donc, de Petit-Couronne, où l'usine Petroplus a récemment fermé. La situation de l'emploi industriel en Seine-Maritime est donc gravement menacée.

Il faut se pencher sérieusement sur la question de la collecte du papier. Tout à l'heure, j'ai pris l'exemple de ce qui passe pour les bureaux de la City, en Grande-Bretagne : on y collecte les papiers, que l'on revend ensuite en France, après leur recyclage.

La suppression, par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, de la distribution de sacs plastiques, qui seraient remplacés par des sacs en papier kraft, pourrait être utile à l'entreprise dont nous parlons. Sa reconversion dans ce domaine lui serait, en effet, totalement bénéfique.

Dès lors, je le répète, il faudrait que l'État, les salariés, les organisations syndicales, les chefs d'entreprise et les élus se rencontrent pour mettre les choses en place, le groupe UPM recevant des financements au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE.

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