Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 19/03/2015

Mme Catherine Procaccia interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et logements.

Cinq départements - la Charente-Maritime, le Nord, l'Orne, le Val-de-Marne et Paris - ont été choisis pour tester la révision des valeurs locatives des logements des particuliers mais aussi celles des locaux professionnels, ce qui n'avait pas été explicitement annoncé.

Les premières simulations conduites dans le département du Val-de-Marne prouvent que la méthode retenue est inadaptée et qu'elle va privilégier les grandes surfaces au détriment du commerce de proximité.

En effet, elle ne s'appuie que sur la seule catégorie de locaux « Mag3 », c'est-à-dire les locaux de moins de 400 m² de surface de vente, soit les commerces de proximité des centre-villes anciens.

Qui plus est, en ne retenant que le seul critère du loyer au mètre carré déclaré il y a deux ou trois ans par les propriétaires, les petits commerces sont pénalisés car leurs loyers sont forcément plus chers qu'en périphérie où se concentrent davantage les grandes surfaces.

Dans le Val-de-Marne, les petits commerces sont, dans certaines communes, déjà en difficulté compte tenu des loyers souvent surévalués.

Autre constatation critique : les locaux professionnels vides ne sont absolument pas pris en compte.
Vacants parfois depuis longtemps, ni leur nombre, ni l'absence de relocation - élément pourtant significatif de la valeur réelle de ces commerces - ne sont considérés comme des critères.

Elle lui demande donc si les analyses critiques de la méthode proposée sont bien connues du ministère et s'il va en être tenu compte, sauf à vouloir tuer les commerces de centre-ville.

En outre, le délai d'examen de trente jours donné à la commission intercommunale des impôts directs (CIID) pour rendre son avis est beaucoup trop court.

En pratique, il faut compter quinze jours à partir de la date de réception des documents par les villes ou les communautés d'agglomérations, puis trente jours aux services fiscaux pour analyser les demandes de modification avant transmission à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP).

En conséquence, elle souhaiterait savoir s'il envisage de prendre en compte ces difficultés rencontrées sur le terrain et, ainsi, de reporter d'un an - c'est-à-dire au 1er janvier 2017 - la mise en application de ces nouvelles valeurs locatives des locaux professionnels.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 27/05/2015

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2015

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, cinq départements - la Charente-Maritime, le Nord, l'Orne, le Val-de-Marne et Paris -ont été choisis pour tester la révision des valeurs locatives des logements des particuliers, mais aussi de celles des locaux professionnels, ce qui n'avait pas été explicitement annoncé à l'origine.

Les premières simulations conduites dans le département du Val-de-Marne ont vite prouvé que la méthode retenue était inadaptée et qu'elle allait privilégier les grandes surfaces au détriment du commerce de proximité.

En effet, cette méthode repose uniquement sur les locaux de moins de 400 mètres carrés, qui correspondent aux commerces de proximité en centre-ville ancien.

Qui plus est, en retenant comme seul critère de la révision le loyer au mètre carré déclaré il y a deux ou trois ans par les propriétaires, on pénalise les petits commerces, dont les loyers sont forcément plus élevés qu'en périphérie, où se concentrent les grandes surfaces.

Dans certaines communes de mon département, les petits commerces sont déjà en difficulté du fait de ces loyers souvent surévalués.

On peut soulever une autre critique : les locaux professionnels vides, parfois depuis longtemps, ne sont absolument pas pris en compte : ni leur nombre ni l'absence de relocation- élément pourtant significatif de la valeur réelle de ces commerces - ne figurent parmi les critères retenus.

En outre, la commission intercommunale des impôts directs n'a eu que trente jours pour rendre son avis, ce qui est beaucoup trop court.

En pratique, il faut compter quinze jours à partir de la date de réception des documents par les villes ou les communautés d'agglomérations, puis laisser trente jours aux services fiscaux pour analyser les demandes de modification avant transmission à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, ou CDVLLP.

Heureusement, depuis que j'ai déposé cette question, le Gouvernement a entendu un certain nombre de critiques et a accepté de retarder d'un an la mise en application de cette réforme.

Je souhaite donc savoir si les critiques déjà émises, en particulier au sujet de la vacance des locaux, vont bien être intégrées et si la nouvelle méthode de calcul sera bientôt soumise à validation, cette fois dans des délais raisonnables.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels résulte d'une volonté des parlementaires, qui s'est matérialisée par l'adoption, avec avis favorable du Gouvernement, d'un amendement à la loi de finances rectificative du 29 décembre 2013.

Cette mesure est également revendiquée par les associations d'élus et elle est régulièrement rappelée au Gouvernement, comme ce fut le cas lors du dernier congrès des maires de France.

En effet, la révision des valeurs locatives est une mesure de justice fiscale, car ces valeurs résultent à l'heure actuelle d'évaluations réalisées au début des années soixante-dix, qui ne tiennent pas compte de l'évolution de la valeur des biens depuis lors. Il en résulte une injustice flagrante entre les contribuables qu'il convenait de réparer.

Le Gouvernement a pris note de vos préoccupations, madame la sénatrice, et il est lui-même extrêmement attentif aux conséquences de la révision annoncée. Comme vous le savez, mon collègue Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, a récemment annoncé qu'il proposerait au Parlement un report de l'entrée en vigueur de cette révision afin de tirer toutes les conclusions des travaux en cours, notamment des expériences dans les départements que vous avez évoquées.

Notre premier souci - je veux là vous rassurer - est identique au vôtre : il est de disposer d'éléments stabilisés pour évaluer précisément, dès cet été, grâce à des simulations, les effets de la réforme sur les territoires. Il ne faudrait pas en effet que cette réforme ait un impact préjudiciable au petit commerce. Seules ces simulations permettront d'avoir une vision claire des effets de transfert entre contribuables qui résulteront d'une réforme qui, je le rappelle, s'effectue à produit fiscal constant.

Toutefois, il ne pourra être procédé à ces simulations qu'une fois les travaux des commissions intercommunales des impôts achevés. C'est pourquoi il est essentiel que ces travaux en cours aillent à leur terme. Quand nous disposerons de tous les paramètres de la réforme, nous pourrons, à partir de ces simulations fiables, proposer des ajustements que permettra le report de l'entrée en vigueur de la réforme.

Soyez assurée, madame la sénatrice, de l'entière mobilisation de la direction générale des finances publiques pour contribuer aux travaux des commissions et pour leur fournir l'ensemble des informations utiles. Cet été, nous serons collectivement en mesure de mieux identifier les incidences précises de la réforme et donc d'envisager les évolutions législatives qui pourraient être nécessaires, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, afin notamment de rendre la réforme soutenable pour les professionnels.

Le Gouvernement s'engage à travailler pleinement avec le Parlement sur ce sujet, comme il le fait d'ailleurs depuis le début du processus.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions et de l'engagement du Gouvernement.

En effet, une telle réforme part de bases établies dans les années cinquante, quand il n'y avait pas de supermarchés en périphérie. Les petits commerces sont donc taxés davantage.

Peut-être aurait-on pu engager cette réforme autrement, sans mettre une telle pression sur les commissions intercommunales des impôts : ne disposant que d'un petit mois pour effectuer leurs travaux, elles se sont trouvées complètement effarées.

Je me félicite de l'intention de M. le secrétaire d'État chargé du budget de proposer le report d'un an de la mise en application de la réforme, et l'en remercie. J'espère que la concertation va continuer.

Je veux aussi profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour évoquer l'inquiétude qui existe quant à la procédure retenue pour la révision des valeurs locatives des logements, seule révision annoncée à l'origine. La méthode retenue pour les locaux d'habitation est en effet elle aussi très lourde.

Des documents ont été envoyés à tous les propriétaires bailleurs, y compris aux bailleurs sociaux, qui sont extrêmement nombreux. On leur demande de remplir une fiche individuelle par logement, alors qu'il n'y a peut-être que deux ou trois types de logements par immeuble ! Les services fiscaux sont eux aussi complètement débordés par cette évaluation, alors qu'il existe déjà des bases de données à ce sujet.

Ce ne sont pas là les mêmes écueils que dans le cas des locaux professionnels, mais un problème d'engorgement existe là aussi. Puisque ces problèmes devront tous être examinés dans le projet de loi de finances, il serait bon d'en tenir compte et, peut-être, de revoir dès à présent la méthode choisie.

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