Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRC) publiée le 05/03/2015

M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur l'intention du maire de la ville de Béziers de rebaptiser la rue du 19 mars 1962 - date marquant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu en Algérie - en rue du commandant Hélie Denoix de Saint Marc, un militaire ayant participé au putsch du « quarteron » des généraux du 21 avril 1961.
Il est, tout d'abord, à noter que le 19 mars 1962 est référencé dans 8 000 communes de France et que cette date est inscrite au premier rang, suivant l'ordre chronologique, des onze journées nationales commémoratives répertoriées par les services du ministère de la défense dans le calendrier annuel des cérémonies officielles.
Par ailleurs, l'attribution d'un nom à une rue ou une modification de nom par un conseil municipal doit, notamment, être motivée par la poursuite de l'intérêt public local et ne pas constituer un trouble au regard de l'ordre public.
Or, ce projet ne peut que susciter la plus large désapprobation morale et indigner tous ceux qui sont attachés au respect des institutions de la République, contre lesquelles les putschistes - dont le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, condamné par la justice française - et les membres de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) ont recouru aux moyens les plus violents et les plus condamnables.
Il constitue, en outre, un acte d'apologie de la colonisation qui a, notamment en Algérie, eu pour conséquence des crimes de masse, ce qui ne peut que choquer profondément l'ensemble de nos concitoyens et nuire aux relations entre le peuple français et les peuples issus des anciennes colonies.
Pour toutes ces raisons, il lui demande quelles sont les mesures d'ores et déjà mises en œuvre ou envisagées par le Gouvernement pour faire obstacle à la réalisation de ce projet irresponsable et juridiquement contestable.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire publiée le 07/05/2015

L'honorable parlementaire souhaite connaître les mesures mises en œuvre ou envisagées par le Gouvernement pour faire obstacle à la volonté de la municipalité de Béziers de changer le nom de la rue « du 19 mars 1962 » en rue « Commandant Hélie Denoix de Saint Marc ». L'examen de cette affaire fait apparaître que la municipalité de Béziers a procédé le samedi 14 mars 2015 à la réalisation de son projet. Comme l'honorable parlementaire, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire comprend l'émotion que cette affaire a suscitée auprès de nombreuses associations et de citoyens. Il souhaite rappeler également l'engagement du gouvernement de Lionel Jospin pour qualifier de guerre, par la loi du 18 octobre 1999 ce qui était auparavant appelé « opérations en Afrique du Nord » et l'engagement des majorités parlementaires de 1997 et de 2012 pour faire du 19 mars une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, par la loi du 6 décembre 2012. C'est dans ce contexte que le secrétaire d'État a demandé aux services du ministère de la défense de procéder à une étude des différents aspects juridiques de cette affaire. Il ressort de cette étude que le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune conformément à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales. La dénomination d'une voie publique relève donc des affaires de la commune. Dès lors, le conseil municipal, après avoir reçu des propositions concernant la dénomination d'une rue, valide ou rejette la proposition de dénomination d'une voie à la majorité des suffrages. Le préfet, le sous-préfet mais également les conseillers municipaux et les habitants peuvent saisir le juge de l'excès de pouvoir à l'encontre de la délibération du conseil municipal lorsque la dénomination choisie de la rue porte atteinte à l'intérêt public local. Le juge de l'excès de pouvoir exerce, à l'encontre du choix des dénominations des rues, un double contrôle d'erreur manifeste d'appréciation et de troubles à l'ordre public. En l'espèce, le conseil municipal de Béziers a décidé de changer le nom de la rue « du 19 mars 1962 » en rue « Commandant Hélie Denoix de Saint Marc ». À ce stade et tout en étant attentif aux réactions de la population de Béziers, telle qu'elle a pu s'exprimer, la décision du conseil municipal de Béziers de nommer une rue « Commandant Hélie Denoix de Saint Marc » ne semble pas de nature à motiver une intervention de la tutelle, qui ne pourrait se faire qu'a posteriori. Même si l'attitude du commandant Hélie Denoix de Saint Marc est sujette à controverse, il n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un motif suffisant pour obtenir une censure du juge. En effet, si ce militaire a fait partie des putschistes d'avril 1961, il a été réhabilité en 1978 dans ses droits civils et militaires et a été fait grand-croix de la Légion d'honneur en 2011. En outre, la municipalité de Béziers, en cas de recours contentieux, n'a pas manqué de faire valoir que le commandant Hélie Denoix de Saint Marc est un acteur important de la Résistance et un ancien déporté. La décision du conseil municipal quant au choix de nommer une rue Hélie Denoix de Saint Marc n'aurait que très peu de chance d'être annulée par le juge administratif. La décision du conseil municipal de Béziers de changer le nom de la rue « du 19 mars 1962 » pourrait le cas échéant être annulée si des raisons d'intérêt local étaient démontrées. Si la date du 19 mars 1962 est un événement majeur pour l'ensemble des anciens combattants de la guerre d'Algérie, force est de constater qu'elle revêt un caractère particulièrement important dans certains départements, tel est le cas de l'Hérault. Ainsi, les requérants pourraient arguer du fait que cette date est un symbole pour une majorité de Biterrois et que changer le nom de la rue « du 19 mars 1962 » serait une atteinte à un intérêt local et pourrait entraîner des troubles à l'ordre public. C'est pourquoi le secrétaire d'État estime qu'il convient de maintenir toute la vigilance nécessaire pour agir si des troubles à l'ordre public étaient avérés.

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