Question de Mme KELLER Fabienne (Bas-Rhin - UMP) publiée le 17/04/2015

Question posée en séance publique le 16/04/2015

Mme Fabienne Keller. Monsieur le Premier ministre, vous allez peut-être trouver la majorité sénatoriale insistante puisque, après Albéric de Montgolfier, Jean Bizet et Vincent Delahaye, j'aborderai de nouveau dans mon intervention le pacte de stabilité et de croissance et l'équilibre budgétaire.


M. Didier Guillaume. Les réponses sont un vrai bonheur !


Mme Fabienne Keller. Vous nous avez très énergiquement indiqué que vous prépariez le pays après dix ans d'échec. Je vous laisse libre de cette analyse. Néanmoins, avec près de 600 000 chômeurs supplémentaires en trois ans, la politique de François Hollande n'est pas à proprement parler une réussite ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le ministre des finances et des comptes publics nous répète à l'envi que les trajectoires de réduction du déficit budgétaire défendues par le Gouvernement correspondent à celles de Bruxelles. À l'en croire, le débat sur des sanctions européennes « est aujourd'hui complètement dépassé ». Pourtant, la France fait partie du petit groupe des quatre pays de la zone euro dont le solde public est le plus dégradé, avec la Slovénie, le Portugal et l'Espagne. Pourtant, sur les 4 milliards d'euros d'économies qui ont été annoncés hier, une moitié seulement est liée à un changement structurel.


M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais non !


Mme Fabienne Keller. L'autre moitié est due à la conjoncture, notamment à la baisse du prix du pétrole et surtout à la diminution de la charge de la dette. Nous vivons là un effet anesthésiant de cette situation favorable. Ces bonnes nouvelles de court terme ne couvrent pas la période d'engagement demandée à Bruxelles et ne correspondent pas à des orientations de structure, de fond, dont a besoin notre pays.

Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos orientations structurelles et durables pour faire face, au cours de la période 2015-2017, à l'effet de la baisse des investissements des collectivités qui entraînera mécaniquement une diminution des recettes de l'État ? Ce paramètre n'est absolument pas pris en compte dans le budget.


M. Simon Sutour. C'est laborieux !


Mme Fabienne Keller. Quelles sont également vos orientations pour financer l'amortissement accéléré des investissements des entreprises, même si nous sommes plutôt d'accord avec vous sur cette politique ?

Comment allez-vous financer le montage prévu pour le respect des engagements de la loi de programmation militaire, le tout sans augmenter les impôts, comme nous le promet Christian Eckert ? En matière d'impôt, les Français ne croient que ce qu'ils voient…

Bref, pourriez-vous nous expliquer en quoi les mesures proposées consolideront durablement la structure du budget de la France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 17/04/2015

Réponse apportée en séance publique le 16/04/2015

M. Manuel Valls,Premier ministre. Madame la sénatrice, c'est un plaisir de répondre aux questions posées au Sénat. Vous n'ignorez pas la considération que j'ai pour votre assemblée.

M. le président. Vous me l'avez écrit, monsieur le Premier ministre !

M. Manuel Valls,Premier ministre. Madame Keller, je suis d'accord avec vous sur un point : il n'est pas particulièrement utile que nous nous livrions les uns et les autres à une bataille de chiffres à propos de l'emploi et du chômage, sinon il nous faudrait vous rappeler le million de chômeurs supplémentaires que nous avons trouvés en 2012, citer les 600 milliards d'euros de plus de dette pour le pays, sans parler du niveau de déficit !(Protestations sur les travées de l'UMP.)

À un moment où les Français doutent de l'action publique et de la parole publique, je souligne que malheureusement notre pays s'est habitué depuis des années à un niveau de chômage de masse insupportable pour nos compatriotes, ainsi qu'à un niveau de déficit beaucoup trop élevé. La mission de ceux qui gouvernent est de réduire ces déficits- c'est le sérieux budgétaire. La trajectoire du Gouvernement a été rappelée par Christian Eckert : après avoir obtenu un résultat meilleur que prévu, c'est-à-dire 4 % au lieu de 4,4 % en 2014, abaisser le déficit à 3,8 % du PIB en 2015, à 3,3 % en 2016 et à 2,7 % en 2017. À cette date, nous devrions nous trouver sous la barre des 3 % du PIB. Cette trajectoire a fait l'objet d'un vote unanime de la Commission européenne et du Conseil.

Pour ce qui concerne le déficit structurel, l'objectif est de 0,5 point en 2016, grâce à un certain nombre de mesures qui seront effectivement d'ordre budgétaire. Bien évidemment, nous intégrons dans nos calculs le niveau de l'inflation, qui est l'un des éléments négatifs de la projection budgétaire. C'est ainsi que nous agissons sans mettre en cause la croissance, qui est désormais de retour. Le rythme du redressement prévu n'est donc pas modifié.

Pour parvenir à nos objectifs, du fait du recul très net de l'inflation qui réduit les rendements des mesures d'économie déjà adoptées, un redressement complémentaire de l'ordre de 4 milliards d'euros en 2015 et de 5 milliards d'euros en 2016 sera nécessaire. Ces cibles sont exigeantes, mais elles sont réalistes. Nous devons réduire les déficits de 50 milliards d'euros sur trois ans, en tenant compte de l'inflation. C'est ça gouverner sérieusement et gérer sérieusement nos finances locales !

Par ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, nous observons un redressement de la croissance, sans doute encore fragile, tant dans la zone euro qu'en France. Il convient de comparer ce qui est comparable, notamment par rapport à la situation dans les pays du Nord ou en Allemagne. L'Espagne est souvent prise en exemple. Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de vous rappeler que les Espagnols partent d'un niveau beaucoup plus bas que nous, ce qui explique le rebond qu'ils connaissent aujourd'hui.

Nous devons donc conforter à la fois cet objectif de croissance et nos finances nationales. C'est ainsi que nous préparons l'avenir ! Nous préservons nos priorités. Je les ai rappelées, et Christian Eckert vient également de le faire. Nos priorités, ce sont la sécurité, l'école, mais aussi le soutien aux entreprises ! C'est le sens des mesures en faveur de l'investissement privé que j'ai déjà annoncées et des mesures en faveur de l'investissement public que j'annoncerai à la mi-mai.

Madame Keller, nous attendons vos propositions et celles de vos amis pour la croissance !(Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Chiron. Ils n'en ont pas !

M. Manuel Valls,Premier ministre. Le débat sur le texte présenté par Emmanuel Macron a lieu actuellement. J'attends aussi vos propositions précises en matière de réduction des déficits.

Vous ne pouvez pas affirmer à la fois qu'il ne faut pas réduire les dotations aux collectivités territoriales, qu'il faut augmenter le budget de la défense et qu'il faut préserver nos engagements en matière de sécurité ! Vous avez diminué le nombre de policiers et de gendarmes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy !(Exclamations sur les travées de l'UMP.) Vous ne pouvez pas expliquer qu'il faut baisser les impôts ; vous les avez augmentés de 30 milliards d'euros quand vous étiez au pouvoir !

Madame Keller, il faut mettre de l'ordre dans ses idées pour être crédible auprès des Français !(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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