Question de M. POINTEREAU Rémy (Cher - UMP) publiée le 16/04/2015

M. Rémy Pointereau attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur une nouvelle compétence, attribuée aux intercommunalités par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), compétence qu'elles devront exercer à compter du 1er janvier 2016. L'exercice de celle-ci pose problème et crée des incompréhensions et des inquiétudes chez les élus locaux. L'Association des maires de France a, ainsi, demandé récemment au Premier ministre de procéder à un réexamen de la disposition contestée. Cela fait d'ailleurs l'objet de la mission confiée à un groupe de travail au niveau national. Il semble que, pour assurer pleinement et de façon pérenne la sécurité et la protection de nos concitoyens riverains d'un cours d'eau, le texte sur la GEMAPI ne soit pas applicable car : le linéaire et l'état des digues domaniales ne sont pas précisément connus ; l'évaluation financière et l'impact pour les collectivités n'ont pas été évalués ; un cours d'eau ne peut être découpé à partir des périmètres des collectivités locales et sa gestion doit tenir compte de son parcours hydrographique, ce qui va au-delà d'une intercommunalité et des syndicats de rivières existants ; les conséquences, pour les élus locaux, de la mise en œuvre d'une nouvelle responsabilité n'ont pas été examinées ; le montant de ce nouveau transfert de compétence n'est pas supportable par les intercommunalités situées en milieu rural. Il apparaît donc souhaitable qu'un nouveau texte législatif vienne corriger et préciser l'exercice de la nouvelle compétence pour, notamment, faire en sorte que les digues domaniales continuent d'être gérées par l'État. Il lui demande, en conséquence, de lui apporter des indications sur la position du Gouvernement concernant les difficultés liées à la GEMAPI et de lui préciser si des adaptations de la loi sont envisagées.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 24/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2015

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question, qui porte sur une nouvelle compétence attribuée aux intercommunalités par la loi de modernisation de la fonction publique, peut s'adresser aussi bien à Mme la ministre de l'écologie qu'à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale. Il s'agit de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, ou GEMAPI, que les intercommunalités devront exercer à compter du 1er janvier 2016.

L'exercice de cette nouvelle compétence pose problème. Il crée des incompréhensions et des inquiétudes chez les élus locaux. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, puisque l'Association des maires de France a demandé récemment au Premier ministre de procéder à un réexamen de la disposition contestée. Cela fait d'ailleurs l'objet de la mission confiée à un groupe de travail au niveau national.

Il me semble que, pour assurer pleinement et de façon pérenne la sécurité et la protection de nos concitoyens riverains d'un cours d'eau, le texte sur la GEMAPI n'est pas applicable en l'état. En effet, le linéaire et l'état des digues domaniales ne sont pas précisément connus. Ni l'évaluation financière ni l'impact pour les collectivités n'ont été mesurés.

Par ailleurs, un cours d'eau ne peut être découpé à partir des périmètres des collectivités locales et sa gestion doit tenir compte de son parcours hydrographique. Cela va au-delà d'une intercommunalité et des syndicats de rivières existants. La conséquence pour les élus locaux est la mise en œuvre d'une nouvelle responsabilité. Or celle-ci était fort bien exercée par les syndicats de rivière existants, qui ont déjà fusionné par bassins.

Enfin, le montant de ce nouveau transfert de compétence n'est pas supportable par les intercommunalités situées en milieu rural. Il paraît donc souhaitable qu'un nouveau texte législatif vienne corriger et préciser l'exercice de la nouvelle compétence, notamment pour faire en sorte que les digues domaniales continuent d'être gérées par l'État.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous m'indiquer quelle est la position du Gouvernement concernant les difficultés liées à la GEMAPI et si des adaptations de la loi sont envisagées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini,secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, avant l'entrée en vigueur de la réforme que vous venez d'évoquer, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations incombaient, en principe, aux riverains des cours d'eau non domaniaux. Lorsque les collectivités s'en occupaient, cela relevait de missions facultatives, le plus souvent partagées, et se traduisait par un morcellement et un enchevêtrement de ces interventions, voire une carence de maître d'ouvrage dans certains secteurs.

La loi du 27 janvier 2014 a donc créé une compétence exclusive et obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, dite « GEMAPI », et l'a confiée au bloc communal. L'attribution de cette compétence aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre permettra désormais d'assurer, sur l'ensemble du territoire national, un lien étroit et pérenne entre les politiques d'urbanisme de nos collectivités et les missions relatives à la prévention des risques et à la gestion des milieux aquatiques.

Les communes ou EPCI à fiscalité propre pourront donc adhérer à des syndicats mixtes et leur transférer tout ou partie de la compétence. La loi encourage ainsi la création de syndicats mixtes aux échelles cohérentes des bassins versants des cours d'eau, comme vous le suggérez : les établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux, les EPAGE, et les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, pour assurer la cohérence nécessaire à l'échelle des bassins versants.

Cette réforme n'alourdit pas la responsabilité des élus, en particulier lors des situations d'inondation. Au contraire, elle clarifie le droit applicable.

J'ajoute que l'État continuera d'assurer ses missions, notamment l'élaboration des cartes de zones inondables, la prévision et l'alerte des crues, l'élaboration des plans de prévention des risques d'inondations, ainsi que le contrôle de l'application de la réglementation des ouvrages hydrauliques.

Afin de simplifier l'intervention des gestionnaires de systèmes d'endiguement, la loi a prévu qu'ils puissent disposer des digues existantes qu'ils souhaitent incorporer à leur système. Ils peuvent aussi gérer en commun, avec les gestionnaires d'infrastructures, les remblais de ces infrastructures qui peuvent être aménagés pour contribuer à un système d'endiguement.

J'en viens aux moyens financiers. Les financements actuellement mis en œuvre par l'État, au travers des agences de l'eau et du fonds de prévention des risques naturels majeurs, le FPRNM, ne sont pas remis en cause. En complément, les communes et les EPCI à fiscalité propre pourront lever une taxe affectée à l'exercice de cette nouvelle compétence.

Monsieur le sénateur, les services de l'État au niveau des bassins sont déjà mobilisés pour aider les collectivités à mettre en place cette compétence, notamment par les missions d'appui technique.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, même si, vous le comprendrez, elle ne me satisfait que très peu, dans la mesure où ce transfert de compétence n'est pas compensé sur le plan financier.

En effet, même si le Gouvernement a généreusement donné la possibilité aux intercommunalités de lever l'impôt, en l'occurrence une redevance locale par habitant, force est de constater qu'il s'agit en fait d'un transfert des impôts nationaux vers les impôts locaux ! Cette solution n'est donc pas satisfaisante.

Par ailleurs, l'entretien des digues ne sera pas supportable par les intercommunalités. Il faudra donc bien que l'État fasse office de maître d'ouvrage chargé d'organiser les travaux. À défaut, ceux-ci ne se dérouleront pas dans de bonnes conditions.

Il est vrai que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe »,prévoit la mutualisation de certains syndicats. Nous pouvons le comprendre et nous ne sommes d'ailleurs pas opposés à la diminution du nombre de syndicats. Toutefois, il y a déjà été procédé via la fusion des syndicats de rivière par bassins.

J'ajoute que la loi NOTRe dispose que les intercommunalités doivent se regrouper par bassins de vie. Il faut choisir : soit l'on fusionne par bassins de vie, soit on le fait par bassins de rivière !...

La compétence GEMAPI sera donc difficile à mettre en cohérence avec les bassins de rivière. C'est en effet beaucoup trop compliqué. Par ailleurs, le travail d'ores et déjà accompli est satisfaisant selon moi. Il arrive que plusieurs syndicats soient chargés d'une même rivière, et cela fonctionne très bien. Par conséquent, je ne pense pas que la solution soit de les transférer aux intercommunalités, même en donnant à celles-ci la possibilité de lever l'impôt.

M. le président. Souvenez-vous, mes chers collègues : pour ce qui concerne les députés, on ne découpe pas une circonscription de part et d'autre d'une rivière ! (Sourires.)

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