Question de M. ABATE Patrick (Moselle - CRC) publiée le 23/04/2015

M. Patrick Abate interroge Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur les dispositifs de démocratie locale existants et sur les mesures pouvant les améliorer. Le président de la République, en novembre 2014, a rappelé son attachement aux dispositifs de démocratie participative. Ces derniers constituent un atout de démocratie et d'expression populaire essentiel, à l'heure où les citoyens se sentent de plus en plus détachés du personnel politique. De fait - et le président de la République l'a noté - une rénovation des dispositifs existants doit être une priorité. La réinvention de la démocratie locale, c'est aussi la réinvention de la citoyenneté et le renforcement de notre république démocratique. Partant de ces principes-là, il lui demande quelles pistes sont envisagées par le Gouvernement pour rénover et améliorer notre système de démocratie locale.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 24/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2015

M. Patrick Abate. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d'étude en étude, de scrutin en scrutin, et tout simplement sur le terrain, nous faisons tous ce malheureux constat d'une fracture profonde entre le politique et nos concitoyens. Cette défiance à l'égard des politiques, aggravée par les inégalités, favorise le développement des idées les plus réactionnaires et met à mal les valeurs de la République.

Le 27 novembre dernier, le Président de la République a rappelé son attachement à la démocratie participative, qualifiée de « chantier prioritaire ».Il a lancé une mission pour « faire des propositions à mettre en œuvre immédiatement. » Nous étions alors dans un contexte particulier, celui de Sivens et de la mort du jeune Rémi Fraisse. C'est ainsi que, le 3 juin dernier, la commission spéciale, présidée par notre collègue Alain Richard, a remis à Mme Ségolène Royal le rapportDémocratie environnementale : débattre et décider.

Ce rapport pose principalement la question de l'efficacité et de la transparence des dispositifs de concertation et de coconstruction concernant les projets impactants, objectifs et pistes qui ne manquent pas d'intérêt.

Cela étant et s'agissant plus généralement, et plus fondamentalement, de la démocratie participative dans nos collectivités territoriales, force est de constater que les dispositions des lois du 6 février 1992 et du 4 février 1995, qui organisent les droits de pétition, d'initiative populaire et autres référendums locaux ne sont pas à la hauteur des enjeux, en particulier dans ce contexte d'évolution de nos territoires - métropolisation, fusion de communes, taille croissante des intercommunalités, qui éloignent les citoyens des centres de décision sur leur territoire.

Du fait de ces dispositifs, les écueils sont déjà nombreux : de l'initiative populaire, en fait très limitée en termes de consultations, aux résultats de ces dernières, qui ne sont pas contraignants, en passant par les thématiques susceptibles d'être prises en compte, sans compter les limites dans le temps et celles qui concernent les ayants droit à ces dispositifs, ni les seuils de prise en compte de l'expression populaire.

Ces écueils sont tels que les manifestations de démocratie participative locale sont en fait extrêmement rares. Et quand elles existent, c'est le plus souvent sur l'initiative d'élus locaux, dont l'objectif est de légitimer une action politique avec une question dont le résultat est bien souvent acquis d'avance.

Nous sommes donc largement en retard en la matière, notamment par rapport à nos voisins suisses, allemands et italiens. C'est une question de culture, certes, mais aussi de base législative, même si tout n'est pas transposable.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de rénover et d'améliorer la démocratie participative sur nos territoires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini,secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous avez raison, revivifier la démocratie locale est un enjeu majeur auquel le Gouvernement entend, comme les parlementaires, répondre à la fois de façon globale, car tous les territoires sont concernés, et de façon spécifique, car on voit bien que cette question est encore plus prégnante lorsqu'il s'agit de quartiers en difficulté et de projets ayant un impact environnemental.

La réforme territoriale a pour principal but de donner plus de force et de lisibilité à l'action publique locale, ce qui doit favoriser l'engagement citoyen et la vitalité de la démocratie sur nos territoires.

À l'issue du travail parlementaire qui est encore en cours, la loi NOTRe contiendra de réelles avancées pour plus de démocratie et de transparence : renforcement des droits de l'opposition et des obligations d'information sur les projets d'investissement, mise en ligne des informations publiques dans les collectivités de plus de 3 500 habitants. La société civile organisée et le grand public seront associés aux démarches de planification. Les missions des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER, au niveau régional, et des comités de développement, au niveau des territoires de projets, seront précisées.

La politique de la ville est un domaine historiquement exemplaire pour la participation des citoyens et la démocratie locale. La loi Lamy a créé les conseils citoyens, dont 200 sont déjà aujourd'hui en place.

Enfin, en ouvrant la conférence environnementale le 27 novembre dernier, le Président de la République a demandé au Gouvernement de franchir une nouvelle étape de modernisation et de démocratisation du dialogue environnemental. Depuis lors - c'était le 3 juin dernier -, le rapport de la commission présidée par le sénateur Alain Richard a été remis à Mme Ségolène Royal.

Parmi ses conclusions, je mentionnerai la nécessité de développer les procédures de participation du public dans la phase amont de l'élaboration des plans, des programmes et de certains projets, ainsi que de rendre compte des suites données à la participation du public.

Je citerai également la création éventuelle d'un « droit d'initiative citoyen » pour l'organisation d'une concertation, l'appréciation de la légitimité de la demande étant alors appréciée par une instance publique via une décision transparente et motivée.

Je mentionnerai, enfin, l'amélioration des modalités de vote des citoyens.

Le Gouvernement fera connaître en temps utile, c'est-à-dire dans les prochaines semaines, à la rentrée au plus tard, les suites qu'il entend réserver à ces très intéressants travaux de la commission présidée par Alain Richard.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Monsieur le secrétaire d'État, personne ne doute ici de l'attachement global du Gouvernement à la notion de démocratie locale. Personne ne peut davantage douter de celui des parlementaires.

La loi NOTRe, sur laquelle vous connaissez notre position globale, contient en effet des éléments intéressants sur le développement de l'information et de la démocratie participative. De plus, le rapport Richard contient des pistes tout à fait prometteuses.

Je voudrais attirer votre attention sur un point : si ce rapport, dont nous aurons l'occasion de rediscuter, est riche d'éléments particulièrement intéressants en termes de discussion, de concertation et de coconstruction pour les grands projets impactants, il reste à nous pencher sur la démocratie participative ordinaire, celle de tous les jours. Pour les petits projets, pour les communes et les intercommunalités, les deux lois de 1992 et 1995 mériteraient peut-être d'être revisitées, notamment dans le souci de donner autant de capacités d'intervention dans les intercommunalités que dans les communes.

Aujourd'hui, l'accès à la consultation populaire et à la discussion sur un projet est beaucoup plus difficile dans le cadre intercommunal que dans le cadre communal, départemental ou régional. Or les intercommunalités seront très certainement des échelons particulièrement importants pour les projets concernant l'ensemble des citoyens.

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