Question de Mme MÉLOT Colette (Seine-et-Marne - UMP) publiée le 22/05/2015

Question posée en séance publique le 21/05/2015

Mme Colette Mélot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


M. Alain Fouché. Mme la ministre est très demandée !


Mme Colette Mélot. Madame la ministre, vous admettrez qu'il n'est pas banal que des syndicats d'enseignants dits « réformistes » dénoncent une provocation du Gouvernement lorsqu'ils apprennent, via la presse, que le décret portant sur la réforme très contestée du collège a paru hier au Journal officiel, alors que de nombreux enseignants ont manifesté la veille.

Malgré le grand émoi suscité chez les enseignants, malgré la pétition de 234 parlementaires de la droite et du centre, malgré les propos très sévères d'intellectuels de tous bords – des intellectuels de grande renommée, et non des « pseudo intellectuels », comme vous les avez désignés –,…


M. Alain Fouché. C'est vrai, ce sont des intellectuels de tous horizons !


Mme Colette Mélot. … vous refusez tout dialogue.

Promouvoir l'idéal politique de la réduction des inégalités est en soi fort estimable, mais, lorsque cela se fait au détriment de la qualité de l'instruction, c'est inacceptable. Or l'objectif que vous vous fixez, c'est bien le nivellement par le bas. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

En cela, madame la ministre, vous faites une terrible erreur d'analyse. Les parents des enfants des classes populaires n'attendent pas de vous que vous sabordiez l'élitisme ; ils attendent de vous que vous donniez à leurs enfants les moyens de l'atteindre.


M. Éric Doligé. Très bien !


Mme Colette Mélot. Pour ce faire, il faut d'abord mettre en place un enseignement rénové de la lecture, qui permette à chaque élève de savoir lire comme nous lisons, vous et moi.

Or vous faites le choix de diminuer le nombre d'heures d'enseignement du français. Vous supprimez le latin et le grec, les classes bilangues et les sections européennes. Vous proposez l'enseignement dès la classe de cinquième d'une seconde langue vivante et vous diminuez l'horaire global de l'enseignement des langues, lequel, de ce fait, sera inefficace. Est-ce ainsi que vous allez restaurer l'égalité scolaire ?

Les heures d'accompagnement personnalisé seront prises sur le temps d'enseignement et ne correspondent en aucun cas au suivi individuel des élèves en difficulté. Est-ce ainsi que vous permettrez à chacun de progresser en adaptant le soutien à son niveau ?

Votre credo de la réduction des inégalités relève d'une vaste hypocrisie. Vous êtes en train d'abandonner les enfants des classes populaires et de dénaturer profondément notre système éducatif, notamment dans les zones urbaines sensibles.

Madame la ministre, allez-vous enfin écouter, mais surtout entendre et comprendre, ceux qui, d'où qu'ils viennent, pensent un véritable avenir pour notre jeunesse et pour notre pays ?


M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !


Mme Colette Mélot. Allez-vous surseoir à cette réforme du collège et des programmes, ouvrir un vrai dialogue et une véritable concertation, qui seraient la marque d'une recherche sincère des moyens de permettre au collège de viser l'excellence pour le plus grand nombre des élèves ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 22/05/2015

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2015

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Didier Guillaume. Il faut recommencer, madame la ministre !

M. Alain Fouché. Il faut inventer quelque chose de neuf !

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, voilà plusieurs semaines que j'entends parler de « nivellement par le bas ».Permettez-moi de vous donner ma définition de cette notion.

Le nivellement par le bas, c'est lorsque des familles craignent de mettre leur enfant dans un collège parce qu'elles savent que les difficultés scolaires de quelques élèves y sont si mal prises en charge que leur enfant risque d'en pâtir.

Le nivellement par le bas, c'est quand, pendant dix ans, on assiste sans rien faire, les bras ballants, à la dégradation du niveau de tous les élèves, les plus mauvais comme les meilleurs(Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste), et que l'on aggrave même la situation en supprimant des postes d'enseignant et la formation des enseignants, laquelle est pourtant a priori la meilleure garantie d'une bonne transmission du savoir aux élèves.

Le nivellement par le bas, c'est quand le déterminisme social est si bien intériorisé que des enfants de familles populaires considèrent que la réussite n'est pas pour eux et s'autocensurent dans leur parcours scolaire, leurs choix et leurs ambitions.

Voilà ce qu'est le nivellement par le bas. C'est parce que nous ne l'acceptons pas que nous réformons le collège, afin de tirer tout le monde vers le haut.

Pour ce faire, nous renforçons l'acquisition des fondamentaux par les enfants,...

M. Rémy Pointereau. C'est en primaire que ça se joue !

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre.... qu'ils soient en difficulté ou en situation de réussite.

Nous entendons faire en sorte que les connaissances, les compétences et la culture que les enfants doivent avoir acquis à la fin du collège soient non seulement d'un niveau élevé, mais de même niveau pour tous les collégiens, quel que soit le territoire où ils vivent.

Nous entendons faire en sorte que les enfants soient stimulés, encouragés, aidés durant tout leur parcours au collège. Il s'agit de cultiver chez eux le goût du travail, de l'effort et du mérite, qui n'est pas inné, comme vous le prétendez.

Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en œuvre des pratiques pédagogiques nouvelles au collège. Nous souhaitons que les enfants travaillent autrement durant les temps d'interdisciplinarité, avec des enseignants qui leur fassent conduire des projets, leur permettent d'exprimer leur potentiel, car chaque élève en a un.

Quand je parle d'égalité, madame la sénatrice, il s'agit de l'égalité des possibles pour tous les enfants : je refuse que l'on ferme des portes à certains en raison de leur milieu social.

Ne doutant pas que nous soyons tous d'accord sur ces questions, je vous remercie par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, du soutien que vous apporterez à cette réforme.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Bravo !

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