Question de M. POHER Hervé (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 14/05/2015

M. Hervé Poher interroge M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports sur la possibilité de cumul du revenu de solidarité active (RSA) et du contrat de service civique pour les mères mineures isolées en vue d'une meilleure insertion professionnelle.

Le Pas-de-Calais est le deuxième département en France en nombre de grossesses précoces, c'est aussi 1,5 fois de plus pour le territoire du Calaisis qu'en France et deux fois plus pour la ville de Calais. Celle-ci, par son contrat local de santé avec l'agence régionale de santé (ARS) a pointé cette problématique comme prioritaire en 2012.

Dès 2009, précurseur en la matière, le département du Pas-de-Calais et, plus précisément, les agents départementaux du Calaisis ont développé une ingénierie sur ce phénomène. En effet, avec l'arrivée du RSA-jeune, c'est un nouveau public à accompagner par le conseil départemental et il s'agit donc de mobiliser tous les acteurs pour répondre au mieux aux préoccupations de ces jeunes.

C'est ainsi qu'un « temps jeunes parents » a vu le jour en 2012 et, chaque mois, des agents départementaux chargés de la protection maternelle et infantile et de l'insertion rencontrent des jeunes parents pour les accompagner au niveau de leur rôle de père et de mère mais aussi pour envisager un retour à l'école ou, pour la majeure partie d'entre eux, une insertion professionnelle.

Le service civique, qui fête ses cinq ans d'existence, est un moyen de les insérer dans la vie active : cette immersion d'une durée de neuf mois leur permet de gagner en confiance, en compétences et surtout de réfléchir à l'avenir. Le service civique concerne les 16-25 ans et, pour les moins de 18 ans, des aménagements sont mis en place. Ce qui constitue une solution d'insertion professionnelle pour les parents mineurs.

Une lecture souple de l'article L. 120-11 du code du service national (CSN) permet le maintien du RSA et son recalcul dans le cadre des contrats de service civique (CSC) selon certaines conditions : le volontaire et l'allocataire du RSA vivant en couple pourra continuer à percevoir le RSA dès l'instant où le conjoint remplit les conditions administratives pour être allocataire ; le titulaire du CSC est alors exclu du RSA ; le volontaire est le conjoint de l'allocataire RSA : le RSA continue à être versé sans tenir compte des ressources du volontaire y compris ses indemnités de CSC car il n'est plus comptabilisé en tant que membre du foyer ; en revanche, le volontaire est une personne seule isolée avec enfants, bénéficiaire du RSA, le RSA est suspendu pendant la durée du CSC.

C'est sur cette dernière condition qu'il attire l'attention du ministère car bon nombre de mères mineures sont isolées. Alors que la mère mineure perçoit le RSA dit « socle majoré » d'un montant de 879 euros, elle se voit suspendre cette allocation en cas de service civique dont la rémunération est de 573 euros et, dans le même temps, elle perd les aides et avantages sociaux liés au RSA (garde d'enfant, transport).

L'accompagnement effectué pour une insertion d'une mère mineure isolée est très compliqué eu égard à son âge et souvent sa faible formation : l'article L. 120-11 du CSN ne permet pas d'optimiser l'insertion professionnelle de ce public bien précis.

Il lui demande, en conséquence, si la souplesse de l'article L. 120-11 pour les couples pourrait s'étendre aux mères mineures dans l'objectif avoué de profiter des CSC pour permettre un accès « en douceur » de ces jeunes filles dans le monde du travail.

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Réponse du Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports publiée le 08/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2015

M. Hervé Poher. Monsieur le ministre, le Pas-de-Calais est le deuxième département de France pour le nombre de grossesses précoces ; ce nombre est supérieur de 50 % à la moyenne nationale dans le Calaisis, et il atteint le double de cette moyenne à Calais même.

En 2012, la ville de Calais a érigé ce problème en priorité dans le contrat local de santé qu'elle a conclu avec l'Agence régionale de santé, l'ARS. Dès 2009, le département du Pas-de-Calais, plus précisément les agents départementaux du Calaisis, ont fait œuvre de précurseurs en développant une ingénierie relative à ce phénomène. De fait, avec l'arrivée du revenu de solidarité active, le RSA, c'est pour le conseil départemental un nouveau public à accompagner ; il s'agit donc de mobiliser tous les acteurs pour répondre au mieux aux préoccupations de ces jeunes.

Or nous nous sommes heurtés, dans notre effort pour soutenir ces jeunes, à une réglementation un peu gênante. Permettez-moi de vous donner quelques explications à cet égard.

Le service civique, qui fête cette année ses cinq ans d'existence, est un moyen comme un autre d'insérer ces jeunes dans la vie active : il prend la forme d'une immersion de neuf mois, qui permet aux jeunes de gagner en confiance, en compétences et, surtout, de réfléchir à l'avenir. Le service civique est accessible aux 16-25 ans, et certains aménagements ont été prévus pour les moins de 18 ans.

Une lecture souple de l'article L. 120-11 du code du service national permet le maintien du RSA et son recalcul dans le cadre des contrats de service civique, selon certaines conditions que l'on peut résumer ainsi : lorsque l'un des deux membres d'un couple bénéficiaire du RSA accomplit un service civique, le couple conserve le RSA, si possible, en jouant sur le statut de l'autre membre, de sorte que le couple perçoit à la fois un RSA minoré et l'indemnité de service civique : il n'enregistre donc pas de gain, mais pas de perte non plus ; en revanche, si le ou la volontaire est une personne seule bénéficiaire du RSA, celui-ci est suspendu pendant la durée du service civique.

C'est sur ce dernier cas de figure que je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, car bon nombre des mamans mineures vivant dans le Calaisis sont isolées. Une maman mineure perçoit le RSA dit « socle majoré » d'un montant de 879 euros par mois ; si elle entreprend un service civique, elle ne touche plus que 573 euros mensuels, sans compter la perte des aides et avantages sociaux liés au RSA en matière de garde d'enfant et de transports.

L'accompagnement d'une maman mineure isolée en vue de son insertion est déjà très compliqué, eu égard à son âge, à sa formation et à son environnement. La différence entre le montant du RSA et celui de l'indemnité de service civique n'arrange pas les choses. Je sais que cette réglementation a été instituée afin d'éviter les déclarations d'isolement frauduleuses ; mais ne pourrait-on pas revoir les conditions d'application de l'article L. 120-11 du code du service national afin de ne pas décourager les jeunes filles vraiment isolées, qui ne demandent pas mieux que d'essayer de s'en sortir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner,ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Hervé Poher, vous avez eu raison de rappeler que le service civique est une formidable opportunité pour nos jeunes ; ils seront 70 000 à en bénéficier à la fin de cette année.

L'engagement de service civique ouvre droit à une indemnité financée par l'État, mais aussi à la validation de trimestres dans le cadre du régime général de retraite, disposition qui est souvent oubliée. En outre, les organismes d'accueil doivent servir aux volontaires une prestation nécessaire à leur subsistance, leur équipement, leur hébergement ou leur transport, par exemple sous la forme de titres repas ; cette prestation, dont le montant minimal est fixé à 106 euros par mois au 1er janvier 2015, est due au volontaire quel que soit son temps de présence dans le mois.

Il est exact que, en application de l'article L. 120-11 du code du service national, le versement du revenu de solidarité active est suspendu pendant toute la durée de la mission de service civique et reprend au terme de cette mission. En effet, le RSA et le RSA socle majoré, servis sans condition d'âge aux personnes isolées avec un ou plusieurs enfants en tant que minima sociaux, sont subsidiaires à toute autre prestation ou ressource.

Monsieur le sénateur, je partage votre inquiétude de voir les jeunes mères exclues des parcours d'insertion. C'est pourquoi nous travaillons pour éviter tout délai de carence et pour prévoir des majorations selon les situations particulières. Ainsi, le jeune volontaire peut percevoir une bourse de 106 euros si, au moment de la signature du contrat de service civique, il est bénéficiaire du RSA, dépend d'un foyer qui en bénéficie ou perçoit une bourse de l'enseignement supérieur au titre du cinquième ou du sixième échelon ; plus de 4 000 volontaires accueillis entre 2013 et 2014 en ont bénéficié.

Dans le cadre de la montée en charge importante du service civique, je me fixe un objectif majeur : conserver un service civique qui soit à l'image de la jeunesse dans sa diversité. Pour y parvenir, nous devons, monsieur le sénateur, garantir l'accessibilité du service civique à tous les jeunes.

J'ai pris bonne note de vos interrogations et de vos préoccupations ; je vous assure que nous examinerons toutes les évolutions techniques susceptibles de contribuer à la bonne insertion de tous les jeunes de notre pays grâce au service civique.

M. le président. La parole est à M. Hervé Poher.

M. Hervé Poher. Je vous remercie, monsieur le ministre, de prêter attention à ce problème bien délicat, qui concerne particulièrement une partie de la population du département du Pas-de-Calais. En effet, si la différence entre le RSA et l'indemnité de service civique concerne tous les bénéficiaires du RSA, il nous faut cependant bien essayer de trouver des solutions pour les jeunes mères mineures qui, contrairement à ce qui devrait se passer, sont toutes seules, leur compagnon étant parti.

Je tiens à faire observer que le département joue un rôle essentiel dans l'accompagnement de ces jeunes. Monsieur le ministre, vous savez à quoi servent les départements, puisque vous avez occupé un poste très important au sein de l'un d'entre eux. Vous savez donc aussi que, pour le département, le service du RSA ne consiste pas seulement à traiter des piles de dossiers : au-delà de la gestion administrative, il s'agit de mettre le pied à l'étrier aux personnes bénéficiaires, de leur ouvrir des perspectives d'avenir, de leur donner un peu d'espoir, de leur indiquer une voie à suivre.

Le RSA est quelquefois critiqué, de même que la solidarité elle-même ; on dénonce souvent le problème des dossiers redondants, déposés parfois par des récidivistes. Pourtant, la majorité des allocataires du RSA ne demandent pas mieux que d'en sortir !

Je voudrais enfin souligner que le département et les intercommunalités sont les échelons les plus efficaces pour traiter ce genre de dossiers. Le Premier ministre a parlé de niveau de subsidiarité : il me semble que les départements sont le bon niveau de subsidiarité en la matière, et je ne vois pas pourquoi l'on songerait à les faire disparaître !

Notre démarche consiste à aider les personnes que nous accompagnons à monter la première marche, qui est souvent la plus difficile à franchir.

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