Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 28/05/2015

M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur l'éventuelle application d'une taxe foncière sur le Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire, pour les années 2009 à 2014.

Selon la décision ministérielle du 11 août 1942, les ports autonomes ont été exonérés de taxe foncière. Jusqu'à la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, le port de Nantes-Saint-Nazaire était un port autonome. Cette loi a instauré son changement de statut en le transformant en grand port maritime.

L'article L. 5312-15 du code des transports dispose que les règles applicables aux ports autonomes maritimes s'appliquent aux grands ports maritimes, pour autant qu'il n'y est pas dérogé par disposition spéciale. Le tribunal administratif de Nantes, dans un jugement du 30 juillet 2014, a considéré que la réforme portuaire n'avait pas substantiellement modifié le statut juridique du port de Nantes-Saint-Nazaire, impliquant qu'il n'avait pas à payer la taxe foncière sur la période 2009 à 2014, ce qui représente 1,8 millions d'euros. La direction régionale des finances publiques des Pays-de-la-Loire a fait appel de ce jugement auprès du Conseil d'État.

Cela suscite beaucoup d'inquiétudes car la situation économique du Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire est difficile. Un investissement de 170 millions d'euros a été nécessaire sur la période 2015-2020, assorti d'un emprunt de 56 millions d'euros. 25 000 emplois dépendent de l'activité portuaire ligérienne. Il est donc indispensable de préserver ses ressources.

Il lui demande donc de lui indiquer comment peut être levée l'incertitude sur le statut juridique du Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire et, dans l'hypothèse où la décision du Conseil d'État serait favorable à la direction régionale des finances publiques, si une remise gracieuse de la taxe foncière pourrait être accordée sur la période 2009 à 2014.

- page 1209


Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 22/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2015

M. Yannick Vaugrenard. Je souhaite interroger le Gouvernement sur l'éventuelle application d'une taxe foncière sur le grand port maritime de Nantes - Saint-Nazaire pour les années 2009 à 2014.

Le 30 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a estimé que le port n'était pas soumis à la taxe foncière. La direction régionale des finances publiques de la région Pays de la Loire a fait appel de cette décision. Cet appel a provoqué une vive inquiétude au sein des élus locaux. Je le rappelle, c'est une décision ministérielle du 11 août 1942 qui a prévu que les ports autonomes seraient exonérés de toute taxe foncière.

Jusqu'à la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, le port de Nantes - Saint-Nazaire était un port autonome. Cette loi a créé le statut de grand port maritime, en lieu et place des ports maritimes autonomes. Le changement de statut a eu diverses conséquences. La question de l'assujettissement du port à la taxe foncière, outre celle du changement de gouvernance, s'est posée.

L'article L. 5312-15 du code des transports dispose que « les règles applicables aux ports autonomes maritimes s'appliquent aux grands ports maritimes pour autant qu'il n'y est pas dérogé par des dispositions spéciales ».Ainsi, le tribunal administratif de Nantes, dans son jugement du 30 juillet 2014, a considéré que la réforme portuaire n'avait pas substantiellement modifié le statut juridique du port de Nantes - Saint-Nazaire, impliquant qu'il n'avait pas à payer la taxe foncière sur la période allant de 2009 à 2014.

Or, comme je l'ai souligné, la direction régionale des finances publiques de la région Pays de la Loire a fait appel de ce jugement devant le Conseil d'État. Depuis, une véritable épée de Damoclès est suspendue au-dessus du port de Nantes - Saint-Nazaire, puisque le montant de la taxe foncière pour les années 2009 à 2014 représente près de 2 millions d'euros.

La situation économique du grand port maritime est déjà difficile. Un investissement de 170 millions d'euros a été nécessaire sur la période 2015-2020, assorti d'un emprunt de 56 millions d'euros.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir lever l'incertitude qui plane sur le statut juridique du grand port maritime de Nantes - Saint-Nazaire. Dans l'hypothèse où la décision du Conseil d'État serait favorable à la direction régionale des finances publiques, je soutiendrai la demande que vous a adressée le conseil de surveillance, qui souhaite la remise gracieuse de la taxe foncière pour la période allant de 2009 à 2014.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous avez appelé notre attention sur la situation du grand port maritime de Nantes - Saint-Nazaire au regard de la taxe foncière. D'autres ports connaissent une situation comparable ; je pense aux ports de Marseille, de Bordeaux, de La Rochelle, du Havre et de Dunkerque.

Comme vous l'avez signalé, la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a modifié la gouvernance des ports. Les huit ports autonomes maritimes, dont celui de Nantes - Saint-Nazaire, et les trois ports non autonomes des départements d'outre-mer sont devenus des grands ports maritimes. Leurs missions ont été recentrées sur des compétences d'aménagement et de développement du domaine portuaire. L'activité d'exploitation des outillages de manutention portuaire a été transférée à des opérateurs de terminaux.

Les ports ont donc changé à la fois de dénomination et d'attributions, ce qui a eu un impact sur les conditions d'utilisation des installations portuaires. Dès lors, il semblait difficile d'accorder aux grands ports maritimes le bénéfice de l'exonération de taxes foncières prévue, qui plus est hors de toute base légale, par la décision ministérielle du 11 août 1942. Le Conseil d'État a confirmé cette analyse dans une décision du 2 juillet 2014.

Après avoir noté une certaine continuité entre les ports autonomes et les grands ports maritimes en matière de gestion et de statut, la haute juridiction a constaté que le législateur avait distingué les deux entités par leurs missions. En effet, les missions des grands ports maritimes ont été recentrées sur l'aménagement et le développement. Par ailleurs, le transfert de l'activité d'exploitation à des opérateurs a entraîné la vente ou la cession des droits réels immobiliers.

Fort de ces différences substantielles, le Conseil d'État a jugé que l'exonération applicable aux ports autonomes ne pouvait être étendue aux grands ports maritimes.

Cependant, la situation économique et financière des grands ports maritimes demeurant fragile, le Gouvernement a soutenu l'an dernier un amendement parlementaire visant à instituer une exonération permanente de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour les biens des grands ports maritimes, à compter des impositions établies au titre de l'année 2015.

Cette exonération, codifiée sous l'article 1382 E du code général des impôts, peut être supprimée ou limitée sur délibération des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Cette faculté laissée aux collectivités leur permet ainsi de moduler la charge fiscale des grands ports maritimes, lesquels contribuent également au développement économique de leur territoire.

Par ailleurs, l'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2014 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er octobre 2015, un rapport dressant un bilan de l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe foncière sur les propriétés non bâties des ports commerciaux. Sur la base de ce bilan, des pistes d'ajustement du régime des grands ports maritimes au regard de la taxe foncière sur les propriétés bâties et des conditions de leur exonération de cette taxe pourront être envisagées.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse détaillée sur le plan juridique, et argumentée sur le plan politique et économique.

J'ai bien intégré qu'il serait possible de bénéficier d'une exonération de taxe foncière à partir de 2015. Mon interrogation portait uniquement sur la période 2009-2014. L'exonération aura-t-elle ou non un effet rétroactif ? J'espère pouvoir obtenir une réponse très rapidement - le plus tôt sera le mieux -, sachant que le port de Nantes - Saint-Nazaire représente 25 000 emplois. C'est un atout économique considérable.

J'y insiste, monsieur le secrétaire d'État, le montant de la taxe foncière pour les années 2009 à 2014 représente 1,8 million d'euros, ce qui n'est pas rien !

- page 8002

Page mise à jour le