Question de M. BONHOMME François (Tarn-et-Garonne - UMP-R) publiée le 07/05/2015

M. François Bonhomme attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'absence, à ce jour, de transposition correcte et complète par la France de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. Ce texte modifie substantiellement le régime applicable aux services juridiques assurés par les avocats en considération de la spécificité de cette profession et prend en compte les principes essentiels régissant les relations des avocats avec leurs clients. Ainsi, les services de représentation légale et de conseil associés sont exclus du champ de la directive et les autres services juridiques ne sont plus soumis à la procédure de droit commun, mais à une procédure allégée dès lors que leurs montants sont supérieurs à 750 000 euros.
Les États membres avaient jusqu'au 18 avril 2015 pour transposer cette directive.
Or, sur le fondement de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives l'habilitant à prendre les mesures de transposition de cette directive par voie d'ordonnance, le Gouvernement a présenté un projet d'ordonnance qui, particulièrement dans son article 11, écarte ce nouveau régime juridique fixé par la directive.
Il s'agit là d'un déni de transposition et d'une violation du droit européen. Les travaux préparatoires de la directive ont en effet posé le principe selon lequel la législation adoptée a une finalité de coordination et entraîne de facto une obligation d'harmonisation totale. Par ailleurs, la jurisprudence de la cour de justice de l'Union a posé le principe selon lequel seule une transposition fidèle de tous les éléments de la directive constitue une transposition correcte et complète.
Enfin, la transposition incomplète de la directive entraînerait une situation d'insécurité juridique et induirait une application discriminatoire des dispositions de celle-ci, les opérateurs se voyant appliquer des régimes juridiques différents selon l'État membre dans lequel ils exerceront leurs services.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement entend revenir sur les termes de l'ordonnance, respecter les règles relatives à la transposition des directives européennes en droit positif, sans s'abriter derrière des considérations d'intérêt général et mettre fin à une situation qui, si elle perdure, risque d'aboutir à la multiplication de lourds contentieux.

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Transmise au Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique


Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 24/12/2015

Les directives n°  2014/24/UE et n°  2014/25/UE excluent de leur champ d'application les marchés publics de services ayant pour objet la représentation légale d'un client par un avocat. Elles prévoient également l'exclusion des marchés publics de services de conseils juridiques, lorsque ces derniers sont fournis en vue de la préparation d'une procédure juridictionnelle, d'un arbitrage ou d'une conciliation, ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure. Alors que ces nouvelles directives excluent de leur champ d'application les marchés publics de services de représentation juridique, le Gouvernement a fait le choix de ne pas transposer cette exclusion dans l'ordonnance n°  2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Ce choix n'est pas contraire au droit européen. En effet, les directives n°  2014/24/UE et n°  2014/25/UE ne constituent pas des directives d'harmonisation mais des directives de coordination, comme le souligne expressément leur premier considérant. Ainsi, à titre illustratif, elles permettent aux États membres de ne pas transposer l'ensemble des hypothèses dans lesquelles le recours à la procédure négociée sans publication préalable est possible dans leur droit interne (article 32 de la directive n°  2014/24). Dans le même sens, l'article 46 de cette directive laisse aux États membres la possibilité de rendre l'allotissement des marchés publics obligatoire. Enfin, il faut noter que, s'agissant des marchés publics relatifs à des services sociaux et autres services spécifiques, les nouvelles directives laissent aux États membres la possibilité de déterminer des règles de procédures particulières prenant en compte les spécificités de ces marchés publics, et notamment de prévoir que le choix du prestataire sera opéré sur la base de l'offre présentant le meilleur rapport qualité/prix (article 76 de la directive n°  2014/24). Le Gouvernement pouvait donc choisir de ne pas transposer l'exclusion en cause sans que ce choix soit susceptible d'entraîner un risque de condamnation de l'État français pour manquement au droit de l'Union européenne. Ce choix se fonde sur la volonté de conserver dans les relations entre les administrations publiques et leurs conseils un niveau important de transparence. Cela contribue à la bonne information des citoyens et garantit l'intégrité des marchés. Ce choix est conforté par le rapport de la Cour des comptes intitulé « le recours par l'État aux conseils extérieurs », demandé par la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances, et rendu public le 12 mars 2015. Afin de tenir compte des réserves formulées par la profession et ne pas alourdir inutilement les charges pesant sur les parties prenantes, il est envisagé de soumettre les marchés publics de prestations juridiques à une procédure de passation allégée.

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