Question de M. KERN Claude (Bas-Rhin - UDI-UC) publiée le 03/07/2015

Question posée en séance publique le 02/07/2015

M. Claude Kern. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais je compte sur vous, madame la secrétaire d'État chargée de la famille, pour nous apporter les bons éléments de réponse.

Depuis hier, les allocations familiales sont modulées en fonction du revenu.


M. Didier Guillaume. Très bien ! C'est une très bonne nouvelle !


M. Claude Kern. Elles seront divisées par deux pour les ménages accueillant deux enfants et gagnant plus de 5 595 euros mensuels et par quatre pour ceux qui perçoivent plus de 7 457 euros par mois. Il s'agit de l'une des mesures les plus décriées de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.


M. Didier Guillaume. C'est la plus juste, la plus équitable ! (M. Roger Karoutchi s'exclame.)


M. Claude Kern. Elle a été unanimement dénoncée dans cet hémicycle, où elle avait été supprimée. Cependant, le Gouvernement s'est arc-bouté sur une position qui met à mal le principe d'universalité. Il s'en défend, fondant son argumentation sur une subtile distinction entre universalité et uniformité.

En droit, l'universalité existe toujours, puisque tout le monde continuera à avoir droit à quelque chose.


M. Didier Guillaume. Eh oui !


M. Claude Kern. Or, quand une famille touchera 32,34 euros par mois, pourra-t-on toujours parler d'universalité ? Bien sûr que non ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.)

Cette mesure inacceptable n'est, hélas ! que l'aboutissement d'une politique constante de détricotage de la politique familiale. Depuis le rapport Fragonard du 9 avril 2013, le Gouvernement n'a eu de cesse de s'y attaquer : réduction du quotient familial, diminution du complément de libre choix d'activité, modulation de la majoration pour les enfants de plus de quatorze ans. Ces mesures ont un point commun : elles sont purement comptables. Sous prétexte d'équité, on fait des économies sur ce qui marche et on remet en cause l'une des seules politiques françaises que le monde nous envie.

Pour autant, est-il normal que des familles aisées touchent autant que des familles modestes ? Sans doute pas. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Toutefois, il existe un moyen d'y remédier sans mettre à mal l'universalité, c'est de fiscaliser les allocations.


M. Didier Guillaume. Encore des impôts !


M. Claude Kern. Cette solution présenterait en sus l'avantage de ne rien coûter aux caisses d'allocations familiales et d'ouvrir la voie à une réforme de l'impôt sur le revenu.

Ma question est donc double : madame la secrétaire d'État, combien la modulation des allocations va-t-elle coûter aux caisses d'allocations familiales et envisagez-vous de revenir sur cette disposition pour fiscaliser le système ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 03/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 02/07/2015

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il faut sortir les rames ! (Souriressur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, ce qui fait la qualité et l'exception de la politique familiale française, c'est d'abord qu'elle est plastique.

En effet, depuis 1945, elle n'a cessé de s'adapter aux enjeux sociologiques de notre pays. À l'origine, elle était essentiellement nataliste, c'était ce qu'il fallait pour reconstruire la France. Ensuite, elle s'est transformée pour devenir celle qui permet à la France d'être le pays européen qui possède à la fois l'un des taux de natalité et l'un des taux d'activité professionnelle des femmes les plus élevés.

Mme Françoise Férat. Cela ne va pas durer !

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État. Nos voisins nous envient et viennent chez nous étudier notre système. La politique familiale française a su se diversifier et, en particulier, investir énormément dans ce qui est essentiel pour les parents, à savoir l'accueil des jeunes enfants.

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État. Si en France les femmes travaillent autant et font autant d'enfants, c'est parce que les familles sont sûres de trouver dans les infrastructures collectives un mode d'accueil adéquat pour leurs enfants. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Delattre. Grâce à qui ? Pas au Gouvernement !

M. Christian Cambon. C'est grâce aux maires !

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État. Par ailleurs, je souhaite que, dans toutes les communes, le développement des modes d'accueil soit l'une des priorités des maires. Je rappelle qu'il s'agit d'une compétence des mairies financée par la caisse d'allocations familiales. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme CatherineProcaccia.Il n'y a pas d'argent !

M. Didier Guillaume. Ne faites pas de crèches si vous ne voulez pas en faire, chers collègues de la majorité sénatoriale !

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État. Les financements sont là. Il faut la volonté politique des maires. Je l'attends avec impatience.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué un certain nombre de prestations familiales. Pourquoi n'avez-vous pas évoqué toutes celles dont le montant augmente ? Il aurait fallu citer le complément familial pour les familles les plus modestes et les plus nombreuses, l'allocation de soutien familial pour les familles monoparentales qui doivent être au centre de nos préoccupations actuellement, l'allocation de rentrée scolaire et le dispositif des garanties contre les impayés de pensions alimentaires pour les mères dont l'ex-conjoint ou le conjoint ne verse pas la pension alimentaire et qui se retrouvent dans une situation extrêmement difficile. Cette politique familiale se substitue aux pères défaillants.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Francis Delattre. Aux tribunaux défaillants, surtout !

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État. Quant à votre proposition de fiscalisation, je note votre audace. Nous n'entendons pas accroître la fiscalité et faire peser sur les ménages des impôts supplémentaires. Nous faisons le choix de la solidarité. Ce n'est pas le même que le vôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE.)

M. Didier Guillaume. Très bonne réponse !

M. Francis Delattre. Applaudissez les maires, pas le Gouvernement !

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