Question de M. DARNAUD Mathieu (Ardèche - Les Républicains) publiée le 03/07/2015

Question posée en séance publique le 02/07/2015

M. Mathieu Darnaud. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Monsieur le ministre, au moins de janvier dernier, le Gouvernement et la majorité ont salué l'avènement d'un gouvernement de gauche radicale en Grèce. Hélas, hier comme aujourd'hui, ni l'aveuglement idéologique ni le déni des réalités ne permettent à quelque gouvernement que ce soit de sortir d'une crise et de redresser un pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Alors que les lourds efforts consentis par les Grecs ces dernières années commençaient à porter leurs fruits, avec le retour de la croissance,…


M. Jean-Pierre Bosino. Où est la reprise ?


M. Mathieu Darnaud. … le Premier ministre grec a préféré gâcher ce redressement par un virage irresponsable. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Sa gestion hasardeuse et démagogique est frappée d'un échec total, décrédibilisant la parole d'un pays qui est pourtant le berceau philosophique de l'Europe et offrant d'assister à des scènes de files d'attente devant les guichets des banques que l'on pensait d'un autre âge.


Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La faute à qui ?


M. Mathieu Darnaud. La Grèce et ses partenaires étaient proches d'un accord, mais M. Tsipras, plutôt que d'entrer dans l'Histoire comme un homme d'État lucide et courageux, a préféré se défausser de sa responsabilité en convoquant un référendum, comme si – excusez du peu – il découvrait le problème. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)


Mme Éliane Assassi. C'est scandaleux !


M. Patrick Abate. Et Goldman Sachs ?


M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, poser un regard critique ne signifie pas remettre en cause la démocratie.

Face à cela, la France, deuxième économie de la zone euro, exposée à hauteur de 40 milliards d'euros, reste pourtant peu audible.

Non seulement le Président de la République n'a pas réussi à convaincre le Premier ministre grec de renoncer au référendum, mais il a rompu la force du couple franco-allemand.


Mme Laurence Cohen. C'est une drôle de conception de la démocratie !


M. Mathieu Darnaud. Pis encore, il a provoqué la mise à l'écart de notre pays dans la gestion de cette crise. Nous notons d'ailleurs dans vos propos, monsieur le ministre, une certaine inflexion par rapport aux déclarations du Président de la République. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

À l'opposé de la position française, les ministres des finances de la zone euro se sont finalement alignés sur la position de l'Allemagne, celle-ci assumant à elle seule le rôle de moteur des négociations et décidant de ne pas reprendre des discussions dans l'impasse avant le résultat du référendum grec.


M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !


M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, ma question est donc simple : quand allez-vous adapter la position du Gouvernement français à la réalité de l'équipe dirigeante grecque et rendre à notre pays le rôle et l'audience qui devraient être les siens dans cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 03/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 02/07/2015

M. Michel Sapin,ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, une bonne partie de votre question est la critique en règle d'un gouvernement étranger.

Mme ÉlianeAssassi.Voilà : ingérence !(Murmuressur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Sapin,ministre.Je vous la laisse : ce n'est pas ainsi que nous pensons pouvoir mener le dialogue avec les uns et les autres.

Le premier principe que nous devons avoir à l'esprit est le respect d'un gouvernement et d'une majorité démocratiquement élus.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme ÉlianeAssassi.Il respecte son peuple, M. Tsipras !

M. Michel Sapin,ministre.Par ailleurs, monsieur le sénateur, je n'ai pas noté votre présence - c'est normal ! - au sein de l'Eurogroupe (Riressur les travées du groupe Les Républicains.),...

Mme CatherineProcaccia.Il n'était pas invité !

M. BrunoRetailleau.Cela viendra !

M. Michel Sapin,ministre.... lieu où se réunissent les ministres des finances de l'ensemble des pays européens, ainsi que la Commission, le Fonds monétaire international ou la Banque centrale européenne, le tout sous l'autorité du président de l'Eurogroupe.

La différence entre vous et moi, c'est que j'y étais et que je sais quel a été le rôle de la France !(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)Si c'était votre cas, ou si vous pouviez interroger les uns et les autres, vous ne formuleriez pas ce genre de remarque, qui est désobligeante non seulement à mon égard - cela n'a aucune importance -, mais aussi à l'égard de notre pays.

Mme ÉlianeAssassi.Et de la démocratie et du peuple grec !

M. Michel Sapin,ministre.La France joue en effet un rôle fondamental dans le dialogue actuel, pour faire en sorte que toute l'Europe, comprenant tous les pays de l'euro, continue à dialoguer avec la Grèce.

Mme Laurence Cohen. Ils ne le veulent pas !

M. Michel Sapin,ministre.Le pire qui pourrait arriver, et d'abord pour la Grèce, ce serait de sortir de l'euro. Cela représenterait aussi une difficulté pour les autres pays ; surtout, cela constituerait une atteinte profonde à notre projet européen, qui vise à avancer, et non à reculer, à accueillir, et non à exclure tel ou tel pays.(Mme CatherineProcaccias'exclame.)

La France a été présente de bout en bout, et elle le sera encore pour faire en sorte que le dialogue soit au premier plan. N'y voyez là aucune contradiction : à partir du moment où le Premier ministre grec, hier, a dit vouloir organiser un référendum et appelé à voter non, ce matin je ne sais pas conclure un accord avec quelqu'un qui me dit non.

M. BrunoRetailleau.Vous avez raison !

M. Michel Sapin,ministre.C'est clair, c'est simple, c'est net.(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon. Ce n'est pas ce qu'a dit le Président de la République !

M. Michel Sapin,ministre.Telle est la position que l'Eurogroupe a prise à l'unanimité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et l'ingérence ?

M. Michel Sapin,ministre.Si je voulais trahir un tant soit peu les débats qui ont eu lieu à ce propos, je vous dirais que c'est moi qui ai proposé qu'il en soit ainsi, ce qui a été décidé au sein de l'Eurogroupe à l'unanimité. Et c'est normal.

M. RolandCourteau.Très bien !

M. Michel Sapin,ministre.Maintenant, nous attendons le résultat du débat démocratique.

Mme ÉlianeAssassi.Pas comme en 2005 !

M. Michel Sapin,ministre.Ce sont les Grecs qui, aujourd'hui, vont avoir à décider. Veulent-ils que l'on continue à négocier dans la sérénité, même si c'est difficile, ou veulent-ils prendre le chemin de l'inconnu ? Je pense qu'il vaut mieux éviter l'inconnu.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

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