Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 02/07/2015

M. Roland Courteau expose à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie que la Méditerranée est victime de l'héritage des pollutions passées, atteinte par les pollutions présentes et sera soumise, à l'horizon d'une génération, à une pression de pollution d'origine anthropique de plus en plus forte, dont les conséquences seront démultipliées par les effets attendus d'un changement climatique particulièrement dévastateur.

Il lui indique que, sur la base de ce constat qui n'incite pas à l'optimisme, il a été conduit, dans le cadre des travaux de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, à produire un rapport, « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » (n° 652 2010-2011), déposé le 21 juin 2011, et à avancer dix grandes catégories de propositions pour lutter contre la pollution du bassin méditerranéen et réduire l'écart de plus en plus marqué qui se dessine entre les rives Nord et Sud de cet espace commun.

Il s'agit, en fait, de proposer des solutions pour limiter les atteintes humaines et climatiques à des biotopes, souvent rares et fragiles. Il lui rappelle, en effet, que la mer Méditerranée est l'un des points forts de la biodiversité planétaire. Alors qu'elle ne représente que 0,8 % de la surface et 0,3 % du volume des eaux océaniques, elle abrite près de 8 % des espèces marines connues.

Il lui fait, par ailleurs, remarquer que, si l'ensemble des pays riverains ne réagit pas tant qu'il est encore temps, pour lutter contre les pollutions qui frappent cette mer, il est à craindre qu'à l'horizon de 2030, le point de non-retour ne soit atteint sur certaines zones.

Il lui demande de bien vouloir faire le point sur l'évolution de la mobilisation sur l'ensemble du bassin, pour lutter contre les pollutions et sur les initiatives prises par le France, sur le plan international, pour conforter cette lutte.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 14/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 13/10/2015

M. Roland Courteau. Ma question concerne cette mer Méditerranée qui nous est chère, monsieur le président ! (Sourires.)

La Méditerranée est victime des pollutions passées, est atteinte par les pollutions présentes et sera soumise, à l'horizon d'une génération, à une pression de pollutions d'origine anthropique de plus en plus forte, dont les conséquences seront démultipliées par les effets attendus du changement climatique.

Voilà le préoccupant constat que j'avais dressé dans le rapport que j'ai rédigé au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, et intitulé La Pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030. Pourtant, cette mer est l'un des points forts de la biodiversité planétaire : alors qu'elle ne représente que 0,8 % de la surface des eaux océaniques, elle abrite 8 % des espèces marines connues.

Aujourd'hui, quelque 80 % des pollutions maritimes proviennent des terres - contaminants chimiques, polychlorobiphényles, dits aussi « PCB », métaux lourds, pollutions par les nitrates et les phosphates -, avec une différence marquée entre la rive nord et la rive sud, sur laquelle 44 % des villes de plus de 10 000 habitants n'ont pas de réseau d'épuration. Ainsi, de 60 % à 70 % des habitants de la rive sud ne sont pas desservis par des réseaux d'assainissement.

Ajoutons à cela les pollutions émergentes, provenant surtout de la rive nord, avec les produits pharmaceutiques, peu filtrés par les stations d'épuration.

Faut-il citer aussi les micro et macro-déchets, issus pour la plupart des matières plastiques ? Faut-il insister sur les pollutions par hydrocarbures, à la suite du dégazage ou du déballastage de certains navires, dont les capitaines se comportent en véritables voyous des mers ?

M. le président. Très juste !

M. Roland Courteau. Pour faire face à ce problème, notre gouvernance de lutte contre les pollutions est trop dispersée : d'une part, l'Union européenne, avec la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée, et, d'autre part, l'Union pour la Méditerranée, l'UPM, laquelle paraît encalminée, du moins sur ce point.

Dans le cadre du rapport que j'ai fait au nom de l'OPECST, j'ai été amené à avancer sur la base de ces constats dix grandes catégories de propositions.

Où en est-on, madame la ministre, de la mobilisation de tous sur l'ensemble du bassin, cinq ans après cette étude qui n'incitait pas à l'optimisme, et quelles initiatives la France et l'Europe ont-elles prises ou comptent-elles prendre face à une telle urgence ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Je vous prie tout d'abord, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie que vous avez interrogée. Ne pouvant être présente dans cet hémicycle ce matin, elle m'a chargée de vous communiquer sa réponse.

La France est présente et active dans la lutte contre les pollutions maritimes en mer Méditerranée.

À l'échelon national, elle met en place des plans d'action ciblés, afin de lutter contre certains types de pollutions, comme le plan d'action contre les micro-polluants, lequel intégrera dans sa nouvelle version le Plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux, le PNRM, et le Plan national d'action sur les PCB, substances qui se retrouvent dans les eaux de surface continentales, puis dans les eaux côtières et marines.

À l'échelon européen, la France met en œuvre la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 et la directive-cadre stratégie pour le milieu marin du 17 juin 2008, qui imposent aux États membres d'atteindre ou de maintenir le bon état de leurs eaux côtières et marines.

Afin de lutter contre les pollutions telluriques et, par conséquent, contre la pollution des eaux continentales, côtières et marines, notre pays adopte, dans ses plans d'action pour le milieu marin et ses schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, des objectifs en termes d'état des masses d'eau et met en place des actions issues des programmes de mesures.

Afin d'optimiser les actions mises en place dans le cadre européen, le gouvernement français a fait converger les calendriers de mise en œuvre et a articulé les documents de référence des directives sur l'eau et sur la stratégie du milieu marin. La France met par ailleurs en œuvre d'autres réglementations européennes, comme la directive relative aux déchets ou le règlement REACH, qui permettent de réduire à la source les pollutions d'origine tellurique.

À l'échelon international, notre pays est partie prenante à la Convention de Barcelone et à son Plan d'action pour la Méditerranée, le PAM, seule instance politique dans le domaine de l'environnement et du développement durable qui regroupe l'ensemble des pays de la région. Il en est le principal contributeur, avec environ 2 millions d'euros de contributions obligatoires.

La Convention de Barcelone de 1976 et ses sept protocoles constituent le principal instrument juridique pour la protection de la Méditerranée contre les différentes sources de pollution et pour la préservation de sa diversité biologique.

La France a un rôle particulièrement moteur dans le cadre de cette convention, en mettant ses experts à contribution, notamment pour le développement d'indicateurs du « bon état écologique » et de protocoles de surveillance.

Enfin, la France assure une partie du financement du Plan Bleu, véritable centre d'analyse et de prospective pour la Méditerranée, dont l'objectif est d'éclairer les enjeux de l'environnement et du développement dans cette région : quelque 18 % du budget annuel de ce plan sont ainsi directement financés par une subvention du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui met également une partie de son personnel, ainsi que le directeur du Plan Bleu, à disposition de cet organisme.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la ministre, je me réjouis des actions qui ont été engagées par la France pour la protection de la Méditerranée, mais le problème se situe bien au-delà de notre pays. Il faut l'envisager à un niveau global, sur l'ensemble du bassin méditerranéen, avec les 21 États riverains.

Les choses avancent, certes, mais peut-être moins vite que les pollutions elles-mêmes sur le bassin dans sa globalité. Il est temps, par conséquent, de relancer une grande politique méditerranéenne, laquelle pourrait susciter une plus grande coopération interrégionale entre les deux rives.

Cette relance ne pourra pas s'opérer sans un renforcement de l'impulsion supranationale qui pourrait être donnée par l'Agence de protection de l'environnement et de promotion du développement durable en Méditerranée, dont j'appelle de mes vœux la création et au sein de laquelle les décisions seraient prises non pas à l'unanimité, comme c'est le cas aujourd'hui dans le cadre de l'UPM, mais à la majorité qualifiée.

Le constat que j'ai dressé, je le rappelle, n'incite pas à l'optimisme. Il n'est pas encore trop tard, mais le moment approche où les choses pourraient devenir irréversibles.

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