Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UDI-UC) publiée le 09/07/2015

Mme Valérie Létard attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la décision de ponctionner de cent millions d'euros les fonds de roulement d'une dizaine d'universités et d'une vingtaine d'écoles de l'enseignement supérieur, établissements dont le fonds de roulement est supérieur à la « norme prudentielle » fixée à 65 jours. Or, ces fonds de roulement ont été constitués grâce à une gestion rigoureuse et au développement de ressources propres, notamment en matière de formation continue, afin de pallier le désengagement financier de l'État et de permettre de continuer à financer les investissements nécessaires, notamment en matière d'entretien, de sécurité et de mise en accessibilité des bâtiments. Les établissements de la région Nord-Pas-de-Calais vont subir une ponction particulièrement lourde, de 35 millions d'euros, qui représentera plus d'un tiers du total prélevé, alors même que la part des étudiants dans cette région atteint seulement 7 %. Or, cette région n'est certainement pas la mieux dotée et certaines des universités concernées, telle que celle de « Lille 2 », sont notoirement sous-dotées en personnel. Il y a, dans le choix de cette répartition de l'effort, une double pénalisation : la pénalisation des établissements « vertueux » qui ont fait le plus d'efforts pour se constituer des réserves et celle d'une région qui connaît, avec la crise, un regain de difficultés économiques et sociales. Outre le prélèvement annoncé pour l'année 2015, il semblerait que soit envisagée une mesure identique sur le budget 2016. Elle lui demande s'il envisage de reconsidérer la répartition de l'effort demandé pour l'année 2015 et de lui indiquer si ce prélèvement est destiné à être renouvelé en 2016.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 28/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2015

Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Initialement, je souhaitais vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur la décision de ponctionner de 100 millions d'euros les fonds de roulement d'une dizaine d'universités et d'une vingtaine d'écoles de l'enseignement supérieur. Ces fonds de roulement permettent souvent aux établissements de compenser les désengagements financiers de l'État. Ils financent leurs investissements, notamment en matière d'entretien, de sécurité et de mise en accessibilité de leurs bâtiments.

Les établissements de la région Nord-Pas-de-Calais ont subi une ponction particulièrement lourde, puisqu'elle s'est élevée à 35 millions d'euros, ce qui représente plus d'un tiers du total prélevé et alors même que la part des étudiants dans cette région atteint seulement 7 %.

Or, comme vous le savez, cette région n'est certainement pas la mieux dotée et certaines des universités concernées sont notoirement sous-dotées en personnel. Il y a donc eu, dans le choix de cette répartition de l'effort, une double pénalisation : la pénalisation d'établissements vertueux ayant fait l'effort de se constituer des réserves et celle d'une région qui connaît avec la crise un regain de difficultés économiques et sociales.

Depuis votre arrivée au ministère, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait savoir que vous ne reviendriez pas sur les arbitrages de l'année 2015 - on peut comprendre que ce soit complexe dans le contexte budgétaire -, confirmant ainsi la pérennité de cette ponction. Le Premier ministre, devant les remontées extrêmement fermes du terrain, a indiqué que la reconduction de ce prélèvement pour l'année 2016 était définitivement abandonnée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Néanmoins, et en particulier pour les universités du nord de la France, les prélèvements de 2015 vont annihiler les efforts drastiques de gestion ainsi que ceux qui ont été mis en œuvre pour développer les ressources propres, dans la logique même que vous souhaitez encourager en matière de formation continue, et pour constituer des provisions destinées à réaliser les investissements nécessaires à la qualité de service due aux étudiants.

La situation de l'université de Lille 2 est, à cet égard, emblématique. Alors que vos services reconnaissent que cet établissement souffre d'un déficit d'au moins quatre cents postes, que cette université a fait l'objet d'un écrêtement récurrent de 8 millions d'euros par an depuis trois ans et que certains de ses locaux, à la limite de l'insalubrité, nécessitent une rénovation urgente, la ponction supplémentaire opérée en 2015 va freiner des investissements indispensables.

Au moment où vous annoncez un léger desserrement de la contrainte budgétaire grâce à une augmentation de votre budget de 165 millions d'euros et où vous affichez une volonté de corriger les plus fortes disparités en matière d'encadrement des étudiants, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, prendre aujourd'hui l'engagement que les moyens supplémentaires disponibles seront aussi répartis en tenant compte des efforts déjà demandés en 2015 et en essayant de réduire l'injustice qui a été ressentie ? Beaucoup d'universités ont été sollicitées alors qu'elles n'auraient pas dû l'être !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, votre question comporte deux éléments : le prélèvement sur les fonds de roulement en 2015 et son devenir en 2016 dans le cadre des évolutions budgétaires.

Sur le prélèvement effectué en 2015, vous avez raison de rappeler que la loi de finances, qui est en cours d'application, prévoyait une participation de certains établissements d'enseignement supérieur aux économies à hauteur de 100 millions d'euros.

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, certains établissements d'enseignement supérieur, à savoir deux universités, l'Institut d'études politiques de Lille et trois écoles d'ingénieurs, ont fait partie des quarante-sept établissements qui ont été concernés par cette mesure. Après mobilisation, leur fonds de roulement reste supérieur à soixante-douze jours de dépenses de fonctionnement au minimum, alors que le seuil prudentiel que nous avions retenu était de soixante-cinq jours.

Je tiens à le rappeler, cette mobilisation n'a par ailleurs porté que sur des crédits libres d'emploi, c'est-à-dire qu'il a été tenu compte de tous les projets d'investissement d'ores et déjà engagés. Ceux-ci ont été placés en dehors de l'opération de mobilisation. Afin d'identifier ces crédits, une méthodologie particulière, développée par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et par l'inspection générale des finances, a été appliquée à tous les établissements.

L'analyse des fonds de roulement, dont le montant est souvent dû aux marges dégagées par les universités du fait de leur bonne gestion, a bien entendu été faite en relation avec les services des universités, même si leur enthousiasme était naturellement limité...

L'ensemble de leurs projets d'investissements pluriannuels, notamment en matière de politique immobilière, a été pris en considération afin de garantir leur mise en œuvre.

Par ailleurs, pour observer la réalité des flux financiers entre l'État et les universités, il faut mentionner que la dotation de fonctionnement a augmenté en 2015 pour ces établissements, et ce de manière durable, en particulier pour l'université de Lille 2, qui bénéficie d'un total de moyens nouveaux par rapport à 2014 de 2,279 millions d'euros.

En outre, en ce qui concerne cette université, qui a besoin d'être soutenue, comme vous l'avez à juste titre mentionné, un rattrapage en emplois a été opéré en sa faveur au regard de son sous-encadrement relatif : vingt-cinq emplois supplémentaires ont été accordés en 2015, après trente-cinq en 2013 et quarante et un en 2014.

Cela m'amène à la seconde partie de votre question.

Je vous confirme que le Premier ministre a annoncé qu'il n'y aurait pas de reconduction du prélèvement sur les fonds de roulement en 2016, ce qui est bien inscrit dans le projet de loi de finances, que vous examinerez dans quelques semaines.

Par ailleurs, le montant de dotation supplémentaire du programme 150 destiné aux universités, que vous avez chiffré à juste titre, à cette étape de la discussion budgétaire, à 165 millions d'euros, sera attribué en fonction de trois éléments.

Au-delà des règles actuelles d'attribution des dotations aux universités dans le cadre du logiciel dénommé SYMPA, deux critères supplémentaires seront introduits.

Je souhaite tout d'abord pouvoir amorcer un rééquilibrage entre les disciplines en ce qui concerne les taux d'encadrement, certaines étant vraiment à des niveaux très faibles comparés à d'autres. Nous devons ensuite tenir compte des efforts réalisés par les universités pour accueillir les étudiants, dans le contexte actuel d'augmentation des effectifs. Ces deux critères supplémentaires pourraient être profitables, me semble-t-il, à des universités de votre territoire.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions, mais je souhaite insister sur plusieurs points.

Notre région est candidate à un appel à projets dans le cadre des initiatives d'excellence - IDEX - des investissements d'avenir. Lorsqu'on s'engage dans une telle aventure, pour avoir la chance de la mener à bien, on a besoin de pouvoir investir et d'apporter des fonds propres pour aller chercher des fonds européens. Il est donc quelque peu contradictoire de nous demander d'être vertueux, d'économiser pour nous permettre d'apporter les fonds propres nécessaires et, dans le même temps, de nous les prendre pour réduire les dépenses publiques.

J'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la nécessité d'atteindre un double objectif : faire des investissements, notamment pour que les IUT et universités de notre région aient des locaux en bon état, et être au rendez-vous de ce programme IDEX.

Sans une université en ordre de marche, on ne pourra pas relever le défi de la reconversion économique. Dans le contexte actuel, nous avons besoin d'universités et de centres de recherche et il faut leur laisser des marges de manœuvre.

Vous êtes proche des territoires et nous comptons sur votre écoute pour que cet exercice complexe soit possible. Pour redécoller économiquement et relever le défi qui est devant elle, notre région doit pouvoir s'appuyer sur ses universités.

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