Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 09/07/2015

M. Martial Bourquin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les conditions d'application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

Il rappelle avoir été mandaté par le Premier ministre le 18 janvier 2013 pour une mission sur les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants dans le domaine de l'industrie.

Ce rapport, remis en mai 2013, a identifié des pistes d'action destinées notamment à réduire les délais de paiement ainsi qu'à mener des politiques d'achat plus efficaces et plus responsables.

Il cite ainsi le devoir d'alerte des commissaires aux comptes et le signalement à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en cas de manquements significatifs.

Au cours de son examen au Sénat, une partie du projet de loi s'était enrichie des propositions significatives de ce rapport.

Or, à ce jour, plus d'un an après la promulgation de la loi, aucun décret ne permet de rendre ces mesures - pourtant vitales pour notre économie - opérationnelles.

Il rappelle que 25 % des défaillances d'entreprises sont dues au non-respect des délais de paiement et qu'il y a donc une urgence absolue d'intervention publique pour réguler les relations entre les entreprises ainsi que pour sanctionner des pratiques anti-économiques majeures.

Il lui demande donc quand ces décrets doivent être publiés.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire publiée le 28/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2015

M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d'État, s'il est un constat partagé sur toutes les travées de notre assemblée, c'est bien celui de l'urgence à agir sur un mal endémique pour notre tissu économique, notamment pour nos petites et moyennes entreprises : le non-respect des délais de paiement et le niveau anormalement élevé du crédit inter-entreprises.

Or, madame la secrétaire d'État, nous ne disposons plus, depuis 2013, des rapports de l'Observatoire des délais de paiement. C'est regrettable ; il faudrait que cet observatoire se remette en place très vite.

Pour autant, les derniers chiffres officiels, dévoilés au mois de juin dernier à l'occasion de la remise des Prix des délais de paiement, paraissent malheureusement d'une constance alarmante : 15 milliards d'euros sont dus par les plus grandes entreprises aux plus petites. En quelque sorte, les grands groupes se servent souvent des trésoreries des PME pour avoir du crédit gratuit. Cela peut paraître immoral, mais c'est ainsi : c'est cela que nous devons changer.

Seules 38 % des entreprises françaises paient leurs fournisseurs en temps et en heure, contre 75 % des entreprises allemandes. Un quart des faillites serait imputable à des défauts ou à des retards de paiement. On constate par ailleurs que le non-respect des délais de paiement augmente avec l'effectif des entreprises.

Ces données ne sont pas une fatalité, loin s'en faut. Et nous savons bien que des outils existent.

Je voudrais souligner à ce propos l'énorme travail réalisé par le médiateur inter-entreprises dans ce domaine. Néanmoins, on ne peut se contenter de la seule médiation ; il faut faire une place à la sanction.

Depuis 2012, le Gouvernement a souhaité agir très concrètement sur cette anomalie économique. Jean-Marc Ayrault m'avait confié une mission de six mois sur les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants. Nous avons fait vite : plusieurs mesures ont pu été prises à ce sujet dans la loi du 20 mars 2014 relative à la consommation. Or les décrets d'application de cette loi n'ont toujours pas été publiés.

Alors, madame la secrétaire d'État, quand donc ces décrets d'application paraîtront-ils ? La situation est très urgente : vous savez bien que les PME sont les entreprises qui, dans notre pays, créent des emplois, qui plus est des emplois souvent durables. En défendant ces entreprises, en faisant en sorte que le crédit inter-entreprises soit de bonne qualité, nous défendons l'emploi.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, les objectifs fixés par le législateur restent d'actualité : il faut améliorer la transparence des relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants et, ainsi, la sécurité juridique et l'équilibre des relations contractuelles entre les acteurs économiques.

Je rappelle que la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation oblige les parties, dès lors que le montant de la transaction dépasse un certain seuil fixé par décret, à conclure un contrat écrit comportant un certain nombre de clauses obligatoires permettant de régler à l'avance les points sensibles de la relation contractuelle.

La définition de ce seuil nécessite une large concertation afin de prendre en compte les situations particulières de secteurs d'activité très divers et de veiller à la simplicité et à l'applicabilité du formalisme des contrats écrits.

Cette concertation se poursuit : en complément à l'analyse conduite par ses services, le ministre de l'économie a demandé au médiateur inter-entreprises d'identifier des voies permettant d'appliquer pleinement la mesure sans pénaliser les secteurs par excès de formalisme. En effet, les professionnels ont fait état d'usages en matière de contractualisation très divers selon les secteurs ; ils ont également exprimé le souhait que la mise en œuvre du dispositif soit simple.

Le rapport du médiateur vient d'être rendu. Les arbitrages sont en cours pour que la signature du décret intervienne dans les prochaines semaines et que le dispositif puisse donc être pleinement effectif.

Par ailleurs, nous continuerons à mobiliser la médiation inter-entreprises et la direction générale de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sur la question de l'équilibre des relations commerciales entre donneurs d'ordres et fournisseurs ou sous-traitants, afin de faire respecter l'ensemble des dispositions de la loi du 17 mars 2014 dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Je remercie Mme la secrétaire d'État d'avoir annoncé que ces décrets d'application pourraient être publiés rapidement. Deux d'entre eux, en particulier, sont décisifs.

Le premier concerne les commissaires aux comptes. Il faut impérativement que ces derniers, lorsqu'il y a un retard de paiement très important, alertent la DGCCRF en vue d'un contrôle. Parfois, ce retard peut résulter d'un problème que l'entreprise n'a pu résoudre : il est alors compréhensible. Mais lorsqu'il s'agit d'une façon de gérer, ou plutôt de créer, sa trésorerie, il faut que des sanctions soient prises.

M'étant renseigné auprès de la DGCCRF à ce sujet, je me suis aperçu que très peu d'alertes étaient données. J'ai par ailleurs rencontré les représentants nationaux des commissaires aux comptes, qui m'ont confié qu'il fallait préciser les modalités de l'alerte prévue par la loi de modernisation de l'économie. Eh bien, faisons en sorte que le décret relatif à ces alertes paraisse !

Le second décret particulièrement attendu a pour objet les sanctions à prendre. Quinze milliards d'euros sont en jeu et les délais de paiement sont devenus pour les groupes une façon courante de gérer leurs relations avec les PME et les TPE : il faut y mettre le holà !

Quand une telle stratégie est imaginée et mise en œuvre pour se faire du crédit gratuit, on aura beau faire de la médiation, cela n'aura aucun effet sans sanctions exemplaires ! Une fois celles-ci prises, et même publiées dans la presse, je vous assure que les choses se mettront très vite au clair.

En somme, madame la secrétaire d'État, nous sommes à la fois très contents que vous nous ayez annoncé une parution rapide de ces décrets d'application et encore impatients : le temps presse en effet ! Dans la situation économique actuelle, nos PME ont besoin de trésorerie. Or, souvent, cette trésorerie manque du fait de ces importants retards de paiement.

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