Question de M. VASSELLE Alain (Oise - Les Républicains) publiée le 16/07/2015

M. Alain Vasselle attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la situation préoccupante des éleveurs laitiers.

En effet, le secteur professionnel a été très fragilisé à la suite de la disparition des quotas laitiers. Il souligne que ces quotas avaient été mis en place dans le cadre de la politique agricole commune de l'Union européenne, afin de réguler la production laitière - à cette époque excédentaire - dans le but d'éviter une chute drastique des prix du lait.

Il lui indique que leur suppression risque d'entraîner une production sans aucun plafonnement, une hausse des importations de lait provenant d'autres pays européens, une instabilité du prix et une radicalisation de la compétition entre la filière française et les grands producteurs d'Europe du Nord.

En conséquence, face aux inquiétudes des exploitants agricoles, des coopératives et des industriels, il lui demande de lui indiquer les dispositions que le Gouvernement compte arrêter pour soutenir la filière laitière et réduire les effets pervers de la disparition des quotas laitiers.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 28/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2015

M. Alain Vasselle. Je remercie M. le ministre de l'agriculture d'être venu en personne répondre à ma question sur les éleveurs.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, les producteurs des filières porcine, bovine et laitière sont dans une situation particulièrement difficile. Les producteurs de lait sont très préoccupés par la disparation des quotas laitiers et par les conséquences qui pourraient en résulter, la première d'entre elles étant la chute drastique des prix du lait, qui va bien évidemment les placer dans une situation économique et sociale particulièrement délicate.

La production n'étant plus plafonnée, les importations de lait risquent d'augmenter de manière importante, ce qui entraînera inévitablement une instabilité des prix et une radicalisation de la compétition pour la filière française, notamment avec les producteurs d'Europe du Nord.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement a-t-il l'intention de prendre pour éviter aux éleveurs de connaître cette situation particulièrement difficile ?

Certes, les producteurs de lait français pourraient peut-être bénéficier à terme de la libéralisation du marché, nous dit-on, mais la conjoncture que nous traversons étant particulièrement difficile, il est important que le Gouvernement apaise les inquiétudes des producteurs et les rassure en leur indiquant quelles mesures il compte prendre afin que le prix de vente du lait ne soit pas inférieur à son coût de production.

Je sais, monsieur le ministre, que vous allez prochainement rencontrer les éleveurs, peut-être même aujourd'hui. Vous pouvez donc dévoiler au Sénat les mesures que vous comptez leur annoncer !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, si vous avez évoqué la situation de l'ensemble des filières d'élevage, votre question porte plus précisément sur la filière laitière et sur la fin des quotas laitiers. Je rappelle que la décision de les supprimer a été prise en 2008. En tant que député européen, j'avais alors voté contre cette mesure.

Quelle est donc la situation aujourd'hui ? Et quels risques courons-nous ?

Il faut savoir qu'une quinzaine ou une vingtaine des 24 milliards de litres de lait produits en France aujourd'hui est exportée en Europe, mais aussi sur le marché international pour la fabrication de produits tels que la poudre de lait et le beurre, lesquels sont directement dépendants des prix du marché mondial.

Compte tenu de la fin des quotas laitiers, tous les pays européens, mais aussi des pays tels que l'Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, se sont mis en tête d'aller conquérir le fameux marché chinois et tous ont augmenté leur production. Les pays européens l'ont tellement augmentée qu'ils ont même dépassé la hausse régulière de 1 % autorisée dans la perspective de la fin des quotas. Ils ont donc été sanctionnés et ont dû payer près de 800 millions d'euros d'amendes, cette somme ayant par ailleurs permis de financer en partie le plan européen présenté au mois de septembre par la Commission européenne.

Ce qui me préoccupe désormais, c'est qu'il n'existe plus aucun système de coordination de la production laitière. Le risque est que, tous les pays partant à la conquête des marchés à l'international, chacun d'entre eux se mette à augmenter sa production. Le problème est que, en cas de contraction des marchés internationaux, comme c'est le cas aujourd'hui, la Chine achetant moins que prévu, les excédents de production destinés à l'exportation se retrouvent sur le marché européen et font baisser les prix.

Pour ma part, j'essaie de permettre le retour à un minimum de coopération et de coordination au sein de la filière laitière à l'échelon européen. C'est très difficile, car certains pays, et vous les avez cités, monsieur le sénateur, en particulier les pays du Nord, mais aussi l'Allemagne, considèrent que le marché, c'est le marché, et que chacun doit assumer sa part de responsabilités. Le problème est que, avec la fin des quotas laitiers, disparaîtront également les sanctions financières ; or elles limitent tout de même la capacité à conquérir des marchés.

Quelle stratégie allons-nous désormais mettre en place ? Je pense que la France a un atout : elle dispose de surfaces et de capacités fourragères que d'autres n'ont pas. Les exploitations les plus résistantes face à la crise, on le voit, sont celles dont l'autonomie fourragère est la plus importante. Nous devons donc renforcer la compétitivité de la filière laitière en organisant son autonomie fourragère, en utilisant pour cela nos surfaces et nos potentialités climatiques et saisonnières, lesquelles sont très intéressantes et importantes. Telle est la stratégie mise en place avec la création des groupements d'intérêt économique et environnemental dont nous avons discuté ici au Sénat lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Nous devons également faire évoluer les systèmes de contractualisation, en créant de nouveaux contrats, tripartites, associant la grande distribution. Les grandes entreprises laitières françaises, dont certaines sont les plus importantes du monde, utilisant la production laitière française et l'image de la France en Europe et dans le monde pour exporter des produits à haute valeur ajoutée, comme le fromage, les producteurs doivent bénéficier en retour de cette stratégie. C'est cela le sujet.

J'ai parfaitement conscience que le marché mondial a un effet sur le prix du lait. La baisse du prix de la poudre de lait par exemple a un impact sur une entreprise qui exporte 30 % de sa production - dans les grandes coopératives, le lait collecté est transformé soit en produit à haute valeur ajoutée, soit en produit à faible valeur ajoutée, comme la poudre de lait et le beurre - et donc sur le prix d'achat du lait au producteur.

J'ai rencontré voilà une semaine la Fédération nationale des producteurs de lait, la FNPL. Nous allons travailler à une évolution du système contractuel afin de garantir aux producteurs des durées de collecte du lait plus longues, ainsi qu'un niveau de prix. Le pire aujourd'hui pour un producteur laitier, c'est la volatilité des prix. Rendez-vous compte : l'an dernier, le prix de la tonne de lait était en moyenne de 365 euros, contre 307 ou 310 euros cette année, malgré toutes les mesures qui ont été prises pour gérer les prix. Les prix ont donc baissé de 25 % en une année ! C'est déstabilisant à la fois pour les producteurs et pour l'industrie. Il faut donc stabiliser les prix.

Puisqu'il n'est plus possible de jouer sur les quantités, compte tenu de la disparition des quotas laitiers, la France doit être capable de s'organiser en utilisant son potentiel fourrager et en faisant évoluer le système contractuel afin de garantir la collecte et une plus grande stabilité des prix. Telles sont les propositions que je ferai.

J'ai cet après-midi une réunion avec la filière bovine, qui rencontre les mêmes problèmes. En réponse, la stratégie pour cette filière est la même : il faut davantage stabiliser les prix et éviter les variations.

À nous de jouer, de nous organiser. Tel est l'enjeu des discussions qui se déroulent depuis déjà six mois et qui vont se poursuivre.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je suis a priori satisfait de la réponse de M. Le Foll. Je constate que nous posons le même diagnostic.

Il est vrai que la capacité de la France en matière de production fourragère est un facteur de compétitivité pour les éleveurs. Quant à la voie contractuelle, elle peut être une solution. Je me permets toutefois de faire remarquer à M. le ministre que ses prédécesseurs ont également tenté de trouver une solution pour les éleveurs, mais également pour toutes les filières de l'agriculture - les céréaliers, les betteraviers - et de l'élevage en utilisant la voie contractuelle, mais que cette solution n'a pas eu les effets et les retombées attendus par l'ensemble de la profession.

J'espère donc, monsieur le ministre, que vous parviendrez à obtenir une garantie des prix pour les éleveurs et pour les autres producteurs afin que le prix qui leur est payé ne soit pas inférieur à leur coût de revient, afin de ne pas mettre leurs entreprises en difficulté et de ne pas conduire certains d'entre eux au dépôt de bilan. Nous comptons sur vous.

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