Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - Communiste républicain et citoyen) publiée le 30/07/2015

M. Dominique Watrin appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les retards dans les droits sociaux appliqués aux services à la personne. Si ce domaine concentre des métiers d'une grande précarité - qu'il s'agisse de temps partiels imposés, de services fractionnés et de faibles rémunérations - s'y s'ajoutent des retards en termes de droits sociaux, notamment en ce qui concerne les accidents de travail et arrêts pour cause de maladie. En effet, on déplore des retards de paiements d'indemnités journalières par les employeurs (souvent associatifs), durant les arrêts de travail. Des aides à domicile peuvent ainsi rester plusieurs mois sans revenu, dans le cas d'accident de travail ou de maladie professionnelle conduisant à une inaptitude.
En conséquence, il l'interroge sur l'opportunité de faire adopter, par l'ensemble de la branche, le principe de subrogation intégrale, afin de protéger les salariés.

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Transmise au Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 02/12/2015

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2015

M. Dominique Watrin. Nous l'avons vu encore récemment avec le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, le secteur de l'aide, du maintien et de l'accompagnement à domicile est voué à se développer dans les années qui viennent.

Toutefois, ce secteur en croissance est aussi marqué par deux tendances de fond.

La première est l'éclatement des employeurs, entre structures privées, associatives, publiques ou parapubliques, en une myriade de statuts et de conditions différents.

La seconde est la précarité de ce secteur. Je n'ai eu de cesse de le rappeler dans mes interventions, depuis la remise du rapport sur les services à domicile, co-écrit avec mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, jusqu'à l'examen du récent projet de loi : il faut sécuriser les salariés de ce secteur, fortement précarisés et dont 98 % sont des femmes.

Néanmoins, au-delà du constat de cette disparité de statuts et de la précarité qui en découle, des jalons peuvent être posés. Ainsi, en matière d'arrêts de travail, le principe de subrogation permettrait aux employeurs de se faire rembourser directement par la sécurité sociale le salaire maintenu.

Aujourd'hui, sans application de ce principe, on constate des retards importants dans le versement des indemnités journalières, des prestations de la prévoyance, du fait du temps de traitement des dossiers par les employeurs, les caisses primaires d'assurance maladie et les organismes de prévoyance.

Ces retards ont un double effet sur les salariées, qui subissent, d'une part, un décalage de plusieurs mois dans les revenus perçus, et, d'autre part, une incitation forte à ne prendre d'arrêt maladie qu'en tout dernier recours.

Compte tenu de la disparité des types d'employeurs, des négociations par structure ne conduiraient qu'à un accroissement de la concurrence existante. Ne serait-il donc pas possible que le principe de la subrogation intégrale soit adopté au niveau de la branche entière ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, les retards de versement d'indemnités journalières que vous évoquez peuvent être liés au délai de traitement nécessaire à la liquidation et au versement des prestations. Ils peuvent être rallongés si les employeurs, par méconnaissance de la procédure, tardent à transmettre l'attestation de salaire nécessaire au calcul des droits du salarié.

La généralisation progressive de la déclaration sociale nominative, qui interviendra en 2017, après une montée en charge au cours de l'année 2016, supprimera cette attestation et raccourcira d'autant les délais.

Le Gouvernement s'est également engagé, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, à simplifier la réglementation des indemnités journalières pour réduire les délais de versement.

De plus, les partenaires sociaux de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services d'aide à domicile se sont engagés à mener en 2015 une négociation sur la généralisation de la subrogation, qui éviterait au salarié d'avoir à supporter financièrement les conséquences d'un retard de versement des indemnités journalières.

Le sujet a d'ailleurs été abordé plusieurs fois lors de commissions mixtes paritaires cette année. Il est souhaitable qu'un compromis soit trouvé. Cela relève de la responsabilité des partenaires sociaux.

Parallèlement, le Gouvernement s'attache à faciliter l'accès aux droits des salariés et à renforcer la situation économique du secteur. Le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et celui de Marisol Touraine ont signé avec ce secteur un engagement de développement de l'emploi et des compétences.

Il est prévu un cofinancement par les organismes paritaires collecteurs agréés de branche et l'État à hauteur de 6 millions d'euros. Des actions de professionnalisation des fonctions « ressources humaines », pour une meilleure maîtrise de la règlementation et des obligations, sont notamment prévues.

Enfin, des marges de manœuvre financière supérieures seront dégagées via la mise en place d'un fonds de restructuration destiné aux services d'aide à domicile, au bénéfice duquel Marisol Touraine et Laurence Rossignol ont annoncé, le 13 novembre dernier, la mobilisation de 25 millions d'euros supplémentaires.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient des problèmes que vous soulevez et met en œuvre des solutions concrètes.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. De façon un peu surprenante, vous évoquez, madame la secrétaire d'État, la méconnaissance de la procédure par les employeurs, ainsi que des mesures de simplification qui permettraient de raccourcir les délais. En revanche, vous n'avez pas vraiment répondu à la demande formulée par les organisations syndicales et les salariées elles-mêmes.

En cette période où le Gouvernement demande, à juste titre, à la société de faire bloc, je regrette qu'on laisse sur le bord de la route des salariées aussi précaires, sans apporter de véritable réponse à leur demande, pourtant extrêmement simple : pouvoir vivre décemment.

Je rappelle qu'il s'agit d'une profession extrêmement précarisée, féminisée à hauteur de 98 %. Ces femmes sont soumises à des journées de travail d'une très grande amplitude, doivent travailler le week-end, en faisant preuve d'une grande flexibilité, ce qui entraîne une fatigue physique et psychique. Certains frais professionnels ne leur sont pas remboursés, alors qu'elles gagnent 832 euros en moyenne par mois... Ces femmes ont attendu six ans pour obtenir le dégel de leur point d'indice. Que représentent 8 euros obtenus en six années ? Un morceau de pain sec par jour !

Il faut absolument que le Gouvernement prenne les choses en main pour que ces femmes, dont le bulletin de paie affiche parfois zéro euro, ne subissent pas cette situation plus longtemps.

Il est indispensable de prendre des mesures immédiatement. Le Gouvernement a les moyens d'intervenir ; il y a de l'argent pour cela. S'il le faut, mettons en place, comme je l'ai proposé, une contribution de solidarité acquittée par les actionnaires. Ainsi, nous aurons les moyens d'offrir à la fois un meilleur service aux usagers, de meilleures conditions de travail aux salariés de ce secteur, qui sont, je le redis, à 98 % des femmes.

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